Titre premier : Le préfet, homme de confiance du gouvernement

Départis en Province pour y représenter, dans le cadre de la circonscription départementale, l'exécutif, les préfets ont toujours été placés dans la main de celui-ci.

Leur situation a été voulue précaire, et l'est assez largement restée. Le préfet, alors que le droit commun de la fonction publique caparaçonnait les agents dans un statut toujours plus protecteur, est, quant à lui, resté très fragile.

Nous savons depuis les travaux conduits dans les années 1970 par les sociologues des organisations que le préfet est porté par un certain nombre de raisons à épouser les préoccupations de son département et à se faire volontiers autant l’interprète des aspirations locales auprès du Gouvernement que des volontés gouvernementales auprès de ses administrés 53 .

Tout a donc été prévu pour qu'il n'ait d'autre maître que le Gouvernement, et pour que celui-ci dispose de son délégué. La fidélité de la représentation est évidemment à ce prix : un agent protégé serait très tôt tenté de substituer sa conception du bien et du beau à celle du Gouvernement.

Cette dépendance personnelle du préfet, organisée par le droit, (Chapitre premier) limite, pour le gouvernement, le risque qu'il y a à déconcentrer des attributions à son profit et permet par là même cette déconcentration, qui va être organisée de sorte que le préfet se trouve placé en son cœur (Chapitre 2).

Notes
53.

Cf. GREMION (P.), Le pouvoir périphérique, Bureaucrates et notables dans le système politique français, Le Seuil (coll. « Sociologie »), 1976, 477 p. : « le préfet ne peut réellement être un agent de coordination de l’action administrative territoriale que s’il parvient à s’appuyer suffisamment sur les notables locaux (…) La collaboration des notables ne s’obtient que si le préfet y met le prix, prix qui n’est autre que l’affaiblissement de la volonté centrale au profit de la prise en compte de la rationalité locale », p. 206 ; dans le même sens, « Le préfet se fait souvent l’avocat des intérêts locaux », LEGENDRE (P.), Histoire de l’administration de 1759 à nos jours, P.U.F., (coll. « Thémis »), 1968, p. 141 ; MABILEAU (Al.), Le système local en France Montchrestien, (coll. « Clefs, Politiques »), 1991 : « Les représentants territoriaux de l’Etat, et notamment le préfet, peuvent être des agents particulièrement actifs dans la défense des intérêts locaux ; le préfet, s’il a la charge des intérêts nationaux, reste sans doute le meilleur interprète des intérêts de son département, parce qu’il est d’un côté le médiateur privilégié des notables locaux et de l’autre est assuré de l’écoute attentive des fonctionnaires parisiens. Son rôle n’est-il pas d’assurer la synthèse – certains diront le compromis – entre l’intérêt général et la prise en considération des situations locales ? », p. 24.