§ 2 – Le conformisme préfectoral

Nous pensons cependant que l’allégeance politique, si elle a marqué l’administration préfectorale, est finalement une déclinaison démocratique de l’obligation de loyalisme. Le monarque de la fin de l’Ancien Régime n’attendait évidemment pas de telle manifestation d’adhésion de la part de ses intendants de justice, police et finance. On ne faisait pas, dans un système qui ne laissait pas de place aux élections, grand cas des opinions politiques de ces commissaires 241 , pourtant nommés intuitu personae et révoqués ad nutum 242 .

Menacé dans son existence par la confrontation électorale, le gouvernement démocratique a fait peser sur les fonctionnaires d’autorité, au premier rang desquels on trouve les préfets, une véritable obligation de conformisme.

Le conformisme se distingue du loyalisme en ce que ce dernier se limite à exiger d'un fonctionnaire, « indépendamment de ses convictions et de ses préférences quant au régime politique qui lui plaît, de servir la République et la Nation, de ne pas compromettre son existence ou le fonctionnement normal de ses institutions » 243 , alors que le conformisme consiste dans « l’identification totale » avec les idées du fonctionnaire « des objectifs et des motifs du gouvernement » 244 .

Vivien déjà avait écrit que certaines fonctions publiques étaient « par leur nature » essentiellement politiques et que leurs titulaires devaient « reproduire fidèlement et sans altération la pensée, les tendances et l'esprit du gouvernement » 245 .

Cette allégeance a, au XIXème siècle, été manifestée solennellement par l’obligation de la prestation du serment politique (A) mais a survécu à son abolition (B).

Notes
241.

LECOMTE (C.), « De l’intendant au préfet : rupture ou continuité ? », op. cit., p. 15.

242.

PINET (M.), sous la dir. de, Histoire de la fonction publique en France, 1993, 3 vol. t. II : Du XVI ème au XVIII ème siècle, parIMBERT (J.), NAGLE (J.), MEYER (J.).

243.

KONDYLIS (V.), op. cit., p. 284.

244.

PIQUEMAL (M.), Le fonctionnaire. Devoirs et obligations, Berger-Levrault, 1976 (Préf. MEHL (L.)), 328 p., p. 169.

245.

Op. cit., p. 239.