Chapitre 2 : Une déconcentration permise par ce lien

C’est au maître des requêtes au Conseil d’Etat Léon Aucoc que l’on doit le néologisme « déconcentration » 268 . Ce mouvement centrifuge trouve sa justification dans l’existence d’intérêts nationaux sur le plan local et dans la nécessité dans laquelle se trouve le gouvernement de bénéficier de relais de son action sur l'ensemble du territoire.

Ce n’est que lorsque l’autorité au bénéfice de qui est décidée la déconcentration lui demeure étroitement subordonnée que déconcentrer est, pour un gouvernement, plus facile que de décentraliser. La soumission du préfet, nous l’avons vu, a été recherchée par tous le moyens de droit. Il ne peut se concevoir, dans l’état actuel des mentalités, de subordination plus assurée, et l’on peut donc penser que la déconcentration au bénéfice du préfet n’a pas été difficile à faire.

Il nous faut cependant constater qu’alors que la concentration du pouvoir est dénoncée avec constance depuis le XIXème siècle, la déconcentration ne s’est pas faite aussi facilement en matière administrative (Section 1 ère ) qu’en matière politique (Section 2).

Notes
268.

AUCOC (L.), Introduction à l’étude du droit administratif, 1865 : « la même confusion s’est introduite (...) pour le mot décentralisation. On a donné ce nom en 1852 et 1861 à des mesures qui n’ont pour objet qu’une déconcentration. Nous prions qu’on nous passe le mot », cité in DIEDERICHS (O.) et LUBENS (I.), La déconcentration, P.U.F. (coll. « Que sais-je ? »), 1995, 127 p., p. 13.

M. Paul BERNARD regrette que l’on n’ait pas trouvé « appellation plus lisible pour décrire un phénomène qui se situe au coeur de notre longue histoire nationale (...) La déconcentration, surtout lorsqu’on l’oppose à la décentralisation, est un terme plutôt hermétique et même incompréhensible par les citoyens » (« La déconcentration de l’Etat sur le territoire à visage humain... une chance pour la France ? », Les cahiers du C.N.F.P.T., n° 37, décembre 1992, p. 28).

P. SADRAN dénonce lui aussi l’inadaptation du terme et plaide pour l’utilisation de l’expression : « décentralisation de l’Etat » (SADRAN (P.), Le système administratif français, 2ème éd., Montchrestien, (coll. « Clefs, Politique »), 157 p.

Cf. aussi SAUTEL (G.), « Vocabulaire et exercice du pouvoir administratif : aux origines du terme déconcentration », in Le Pouvoir, Mélanges offerts à Georges Burdeau, L.G.D.J., 1977, 1190 p., pp. 981-996.