§1er – Pendant les opérations électorales

« …ces pauvres préfets, mourrant de peur de manquer leurs élections et exagérant leur embarras à leur ministre… »STENDHAL 328

Dès l’instauration de la Monarchie parlementaire, le corps préfectoral est apparu au gouvernement comme un levier très utile afin de faciliter l’élection des candidats qui lui étaient proches. Les romanciers du XIXèmesiècle se sont fait l’écho de ces interventions dans le jeu démocratique 329

Madame Catherine Lecomte a écrit que « Le chef d’orchestre inné de la conduite des opérations (électorales), est le préfet. Il dispose de moyens de droit qui lui assurent le contrôle légal de la campagne électorale et du déroulement du scrutin. De l’interprétation qu’il fait des lois, décrets et circulaires qui délimitent ses compétences dépendent le sort des candidats » 330 .

Préfets et sous-préfets ont ainsi été mis à contribution pendant les périodes électorales 331 , et les armes dont ils disposaient n’étaient pas minces, dans un système dans lequel l’accès au collège électoral était censitaire. Plusieurs circulaires ministérielles enjoignaient aux préfets d’intervenir dans les élections locales ou nationales. Parmi elles, celle adressée par le ministre de l’Intérieur aux préfets le 7 juillet 1846, dans laquelle on peut lire : « ... il y a des opinions absolues qui prétendent que l’Administration ne doit jamais intervenir dans les élections. Ces maximes n’ont jamais été mises en place. Elles sont contraires à nos institutions (...) Que deviendrait un pouvoir attaqué sans relâche et qui ne serait pas défendu ? » 332 .

On retrouve dans le Dictionnaire universel du XIXème siècle une évocation de cette période électorale : « Survient-il une élection, c’est bien pis encore. (...) En période électorale, son activité redouble ; la loi n’existe plus que contre son adversaire ; faire triompher le candidat agréable, tel est son seul but et tous les moyens sont bons pour l’atteindre » 333 .

Ainsi, il leur était loisible d’intervenir à tous les stades de la consultation électorale, aussi bien discrètement au moment de l'établissement des listes électorales (A) que plus ouvertement pendant la campagne ou pendant les opérations de vote elles-mêmes (B)

Notes
328.

Lucien Leuwen, t. 2, p. 69.

329.

Cf. BERGES (L.), « De Balzac à Anatole France : les élections et le corps préfectoral vus par les romanciers du XIXème siècle », in PELISSON (E.), sous la dir. de, La loi du 28 pluviôse an VIII deux cents ans après : le préfet et les libertés, op. cit., pp. 173-185.

330.

LECOMTE (C.), « Le pouvoir électoral des hauts fonctionnaires en régime censitaire (1814-1848) », in Cahiers du C.U.R.A.P.P., « La haute fonction publique et la politique », P.U.F., 1986, pp. 133-163, p. 151. L’auteur écrit plus loin que « Dès l’ouverture officielle de la campagne électorale, le préfet devient le véritable “directeur d’élections” du candidat ministériel », p. 156. Les témoignages de membres de l’administration préfectorale attestant de cette activité sont nombreux. Cf., notamment, BIED (R.), « La vie quotidienne d’un fonctionnaire préfectoral sous la monarchie censitaire », Rev. adm., n° 161, pp. 328-338, p. 332.

331.

Dès les élections de 1824, pour la préparation desquelles, le gouvernement Villèle mobilisera l’ensemble des fonctionnaires, et jusqu’aux Parquets, qui feront l’objet d’une efficace intimidation de la part du Garde des Sceaux, Peyronnet. LECOMTE (C.), op. cit., p. 146.

332.

In LARVARON (B), op. cit., p. 5.

333.

LAROUSSE (P.), ibid, p. 59.