Deuxième partie : Le préfet, dépositaire de l'autorité de l’État dans le département

Le préfet est dit dépositaire de l'autorité de l'Etat dans le département.

On trouve d'abord cette idée sous la plume de Vivien qui dit que malgré le développement des administrations spécialisées, les préfets « ont pourtant conservé le caractère de dépositaires généraux de la puissance publique » 944 .

Le décret du 26 septembre 1953 « sur la déconcentration et les pouvoirs des préfets » 945 a été adopté dans le but de renforcer l’autorité du préfet sur les services extérieurs de l’Etat. 946 A ce titre, il ajoute à la loi du 23 décembre 1940 la notion que le préfet est « dépositaire dans le département de l’autorité de l’Etat ».

La généralité de cette disposition 947 est de nature à la rendre inexacte. En effet, l’on ne peut que constater avec Roger Bonnaud-Delamare, que « chacun des fonctionnaires est dépositaire, en ce qui le concerne, de cette autorité ». Cet auteur précise : « En réalité, fonctionnaires et magistrats sont également dépositaires de l’imperium de l’Etat, mais leur autorité s’exerce auprès des individus et non des collectivités territoriales. Le préfet est également dépositaire de l’autorité de l’Etat, mais auprès des collectivités publiques et non auprès des particuliers. La confusion de ces notions, pourtant bien distinctes, a permis à l’opinion publique dans bien des cas, de croire que l’Etat pouvait s’immiscer, par l’action du préfet dans les intérêts privés et exercer sur les personnes une influence plus ou moins redoutable. II eut donc été indispensable que le décret du 26 septembre 1953 indiquât que le préfet n’est dépositaire de l’autorité de l’Etat qu’à l’égard des collectivités publiques, des agents publics de cette autorité ou des intérêts publics. Dire sans nuance que le préfet est dépositaire de l’autorité de l’Etat dans le département peut donc prêter à équivoque » 948 . Sur ce tout dernier point, nous ne saurions partager l’analyse de cet auteur, qui, à notre sens, prête au décret évoqué une notoriété qu’il n’a probablement jamais eue. Il nous semble douteux qu’il faille chercher dans la rédaction de ce décret de 1953 la cause des préventions de l’opinion publique à l’encontre du préfet.

Aux termes du décret du 14 mars 1964 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation des services et organismes publics de l'Etat dans les départements et à la déconcentration administrative 949 , le préfet est le « dépositaire dans le département de l’autorité de l’Etat ».

Le décret du 10 mai 1982 reprend cette formule en disposant à son tour que le commissaire de la République « est le dépositaire de l'autorité de l'Etat dans le département ». Monsieur Francis Chauvin préfère dire du préfet qu'il est le « dépositaire privilégié de l'autorité de l'Etat » 950 .

Cette qualité fait du préfet le garant de l'ordre public dans le département (Titre I er ) et le garant du respect de l'autorité de l'Etat par les collectivités territoriales (Titre 2).

Titre Ier : Le préfet, garant de l'ordre public dans le département

Titre II : Le préfet, garant du respect de l'autorité par les collectivités territoriales

Notes
944.

VIVIEN de GOUBERT (A.-Fr.-A.),op. cit, p. 72.

945.

Décret n° 53-896 du 26 septembre 1953 précité.

946.

Nous sommes très surpris de trouver, sous la plume d’un observateur étranger, le jugement suivant, porté en 1953 : « Même les chefs de services les plus importants ne peuvent plus nier leur subordination au préfet. Pendant la guerre, certains ministres avaient incité leurs fonctionnaires à éluder l’autorité préfectorale, mais cet abus a maintenant été supprimé , en grande partie sur l’insistance du ministre de l’Intérieur », CHAPMAN (B.),« L’administration locale en France », Cahiers de la F.N.S.P., n° 66, p. 110 (traduction française de Introduction to French local government, Londres, 1953).

947.

Reprise cependant dans les articles 1er des décrets n° 64-250 du 14 mars 1964 et n° 82-389 du 10 mai 1982 précités.

948.

BONNAUD-DELAMARE (R.), « Observations sur les Décrets de déconcentration », R.D.P., 1954, pp. 957-966.

949.

Décret n° 64-250 précité.

950.

CHAUVIN (Fr.), « Administrations déconcentrées », J.-Cl. Adm., Fasc. 116, 1998, p. 2.