SECTION I LA DIRECTION DES CONSEILLERS

Le président ayant la responsabilité du fonctionnement de son tribunal, il doit faire en sorte que celui-ci ait le meilleur rendement, c’est à dire qu’il statue sur le plus grand nombre d’affaires, avec des délais aussi réduits que possible, mais sans que, pour autant, la qualité de la justice rendue en pâtisse.

Il lui appartient donc d’organiser sa juridiction en vue de cet objectif et en fonction des moyens qui lui sont alloués. A ce titre, trois types de pouvoirs doivent être distingués.

Dans le but de rationalisation et d’accélération du traitement des litiges, le décret du 22 octobre 1974 complété par celui du 12 mars 1975 a créé une nouvelle institution au sein des tribunaux.

Il s’agit des chambres, formations de jugement, comprenant un président, deux conseillers et un commissaire du gouvernement. Les juridictions de premier degré ont donc deux, trois, jusqu’à six chambres selon le volume des affaires traitées. Le tribunal administratif de Paris conserve quant à lui une organisation spécifique, puisqu’il est composé de treize chambres réparties en sections 47 .

Les présidents restent cependant responsables de l’ensemble de leur tribunal, ils sont donc chargés d’affecter les conseillers dans les différentes chambres 48 . Cette disposition, apparemment sans importance n’est pas aussi innocente qu’elle parait. Le président doit en effet effectuer un dosage de façon à obtenir une représentation des divers points de vue, opinion ou spécialisation. Il s’agit donc d’un exercice assez périlleux.

Il arrive cependant que la présence d’un conseiller dans la formation de jugement empêche celle-ci de se prononcer. Il s’agit des hypothèses de récusation applicables aussi bien au président 49 , qu’aux conseillers 50 ou commissaire du gouvernement 51 . La récusation peut être volontaire 52 , par exemple lorsqu’un conseiller s’est déjà prononcé sur l’affaire en tant que commissaire de gouvernement 53 , ou lorsque celui-ci devient conseiller ou président de chambre d’une cour administrative d’appel et que le litige revient devant lui 54 . Il doit alors signaler son cas au tribunal qui statue de façon à déterminer s’il doit ou non faire droit à ce déport 55 .

Mais la récusation peut aussi être demandée par une partie dans un mémoire 56 . Celui-ci est alors transmis au président qui le communique au conseiller. Ce dernier doit remettre un rapport faisant connaître sa position et notamment s’il acquiesce ou refuse. Le tribunal statue ensuite. S’il estime que l’intéressé ne peut siéger, le président et non le tribunal doit pourvoir à son remplacement. Il appartient toujours au président de rejeter lui-même toutes les demandes qui lui paraissent inadmissibles ou fantaisistes.

On peut rapprocher cette hypothèse du cas où un tribunal est saisi d’une affaire dans laquelle est impliqué l’un de ses membres, par exemple lorsqu’un conseiller intente une action fiscale 57 . En vertu des dispositions du décret du 28 janvier 1972, il appartient alors au président de cette juridiction de saisir le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat afin qu’il désigne un autre tribunal.

Enfin, toujours dans le but de renforcer l’effectif des tribunaux administratifs pour leur permettre de juger plus vite, la loi du 7 juillet 1980, avait institué une possibilité de maintien en surnombre 58 faisant intervenir le président à titre consultatif dans le cadre du maintien en activité de certains magistrats.

Elle prévoyait que les présidents pouvaient, dans les six mois qui suivaient leur admission à la retraite, être recrutés pour exercer des fonctions de conseillers pour une période de trois ans non renouvelable. Ces nominations étaient prononcées par arrêté du ministre de l’intérieur sur proposition du chef de la mission permanente et après avis du président du tribunal dans lequel le magistrat exerçait préalablement. Il était mis fin à leurs fonctions dans les mêmes conditions.

Ce texte est toujours en vigueur.

Le président détermine donc le cadre général dans lequel l’instance contentieuse va se dérouler et les conseillers qui vont y participer. Mais il ne peut aller au-delà, de peur de s’immiscer dans le fonctionnement de la formation collégiale au sein de laquelle il est un magistrat à l’égal des autres. Il dirige au contraire les membres du greffe d’une façon plus active.

Notes
47.

Article R. 221-6 du Code de justice administrative.

48.

Article R. 222-8 du Code de justice administrative.

49.

C.E., 20 février 1957, Binet, rec., p. 703.

50.

C.E., 10 juin 1921, élection municipale de Basse-Terre, rec., p. 556 ; 10 mars 1995, M. Vogt, req. n° 112.859.

51.

C.E., 17 juin 1988, Bady, rec., p. 247.

52.

Article R. 721-1 du Code de justice administrative.

53.

C.E., 22 juin 1928, élections de Limoux, rec., p. 780 ; 4 mars 1932, Sieur X, rec., p. 261 ; 13 juillet 1957, Baussy, DA 1967, p. 300 ; 17 avril 1965, Assoc. Autonomes des sinistrés, rec., p. 736 ; sect., 21 octobre 1966, Mines de Sentein, rec., p. 564, AJ 1966, p. 608, chron. J.-P. LECAT et J. MASSOT.

54.

C.E., 30 novembre 1994, Sarl E.R.C., rec., p. 1150, DA 1995, n° 105, D. 1995, SC, p. 244, obs. J. BARTHELEMY.

55.

C.E., 2 mars 1973, Delle Arbousset, rec., p. 189, RDP 1973, p. 1066, concl. G. BRAIBANT.

56.

Article R. 721-2 du Code de justice administrative.

57.

C.E., 20 janvier 1970, Min. de la Santé Publique c. Heurté, rec., p. 57.

58.

Article L. 233-7 du Code de justice administrative.