SECTION II LA DIRECTION DU GREFFE

En ce qui concerne les tâches réalisées à l’intérieur de la juridiction, les greffiers relèvent exclusivement du président. Cela recouvre à la fois l’organisation du travail et son accomplissement.

Dans les tribunaux administratifs provinciaux, le greffe se compose d’un personnel peu nombreux dont les principes de fonctionnement sont simples. Ses membres sont placés sous l’autorité directe du greffier en chef ; en cas d’absence ou d’empêchement de sa part, des règles précises d’intérim ont été édictées. L’agent habilité à le remplacer doit être désigné à cet effet par une décision prise par le président en début d’année judiciaire et, en tant que de besoin, en cours d’année.

Le tribunal administratif de Paris connaît une structure spéciale résultant d’un arrêté préfectoral du 20 avril 1863 jamais remis en question par la suite. Ce particularisme est d’ailleurs inscrit à l’article R. 226-7 du Code de justice administrative. Il est dirigé par un greffier en chef assisté d’un adjoint. Ceux-ci peuvent donner des délégations de signature mais elles sont toujours soumises à l’approbation présidentielle. Elles doivent, en outre, être portées sur un registre spécial afin que les parties puissent en contrôler la réalité. Enfin, lorsque les fonctions confiées ne suffisent pas à justifier l’occupation à temps plein d’un fonctionnaire, ce qui est plus fréquent dans le bureau annexe, celui-ci peut cumuler avec un autre emploi s’il en a obtenu l’autorisation du président.

Par conséquent, tout ce qui ressort de l’organisation du tribunal doit être supervisé par le président, ce qui a pour but d’éviter l’intervention d’une autorité incompétente ou incapable. Mais celui-ci intervient aussi de façon tout à fait générale et régulière pour contrôler l’action du greffe. Celui-ci n’est pas investi de compétences propres. Si le greffier disposait auparavant de l’initiative des mises en demeure adressées aux parties adverses, celle-ci lui a été retirée et transférée au chef de juridiction. Ces agents ne font désormais que procéder aux mesures d’instruction informatisées 59 sous les ordres et la responsabilité du président.

Bien que cela soit parfois encore la règle dans les petits tribunaux, on conçoit aisément que plus les juridictions ont un volume d’affaires important à examiner, moins les magistrats ont le temps de s’y consacrer. Cela est d’autant plus vrai au tribunal administratif de Paris du fait du nombre des dossiers à traiter. Le personnel a été réparti en plusieurs services, chacun spécialisé dans une opération : l’enregistrement des recours, la communication des requêtes et mémoires, le secrétariat des audiences ou la notification des jugements, par exemple.

Le contrôle sur l’activité du greffe reste donc souvent théorique, le président n’hésitant pas à se décharger totalement sur le greffier en chef de tous les actes de procédure répétitifs et de ceux n’exigeant pas la prise d’une décision exceptionnelle.

Le président exerce donc tous les pouvoirs normalement dévolus à un chef de juridiction. Il organise le travail du personnel placé sous ses ordres, le note et dispose à son égard de compétences disciplinaires. Il en est responsable en contrepartie, ce qui implique que chaque année il fournisse, à l’intention du ministre de l’intérieur, une sorte de compte d’exploitation indiquant le nombre de recours enregistrés, le nombre des requêtes jugées.

Depuis le décret du 23 février 1928, le président doit aussi mentionner les délais moyens de traitement des affaires et les raisons des retards constatés. Selon l’exposé des motifs de ce texte, il s’agissait de renforcer le contrôle ministériel sur le travail juridictionnel des conseils de préfecture. Cet objectif n’a pas été perdu de vue à ce jour, les présidents ayant été soumis à un certain nombre de pressions pour les inciter à juger plus vite.

Ainsi les rapports d’activité des tribunaux administratifs s’attachent-ils surtout aux données quantitatives et statistiques 60 , ce qui mécontente les présidents qui préféreraient que l’accent soit mis sur la qualité c’est à dire sur le nombre de litiges définitivement réglés par leur service, mettant en lumière le nombre des appels et leurs résultats.

Tout cela témoigne encore de la différence de conception que s’en font les uns et les autres. Alors que les présidents les considèrent comme de véritables juridictions, d’autres les appréhendent comme des instances chargées d’expédier les affaires contentieuses, le Conseil d’Etat étant là pour rectifier les erreurs de droit ou de fait commises par ces derniers. On ne peut manquer de souligner qu’il s’agirait alors d’une justice au rabais. Cette suspicion à leur égard peut sans doute s’expliquer par la permanence des fonctions administratives rappelant une époque aujourd’hui heureusement révolue.

La gestion d’une juridiction implique aussi une gestion budgétaire des ressources dont elle dispose. A cet égard, le chef de juridiction dispose à présent et depuis maintenant une décennie de pouvoirs accrus.

Notes
59.

P. GUERIN, L’informatisation de la gestion des tribunaux administratifs : l’exemple du tribunal administratif de Grenoble, in, Trentième anniversaire des tribunaux administratifs, Ed. CNRS, 1986 ainsi que P. GUERIN et G. PORCELL, L’informatique et la justice administrative; une expérience de la gestion automatisée de l’instruction des affaires, JCP 1975, I, n° 2722.

60.

Article R. 220-10 du Code de justice administrative.