§II. Le Président participe à certaines missions administratives

Jusqu’en 1926, les conseillers, subordonnés ou représentants de l’Etat étaient surtout investis de pouvoirs dans l’ordre administratif.

Le décret loi de 1926 qui marqua le déclenchement du processus d’autonomie, maintenait néanmoins ces fonctions qui furent l’objet d’une énumération stricte de la part du décret du 6 février 1932.

Il s’agissait de la représentation du Préfet dans la commission administrative, les adjudications de travaux publics, les conseils de révision, ainsi que l’octroi, à leur profit, de délégations de signature. Mais ce texte ayant été abrogé en 1938, ils ne connurent plus aucune limite dans leur collaboration avec l’administration active. De nombreux abus en résultèrent, ce qui motiva la circulaire ministérielle du 20 juin 1950, amorçant la disparition de ces missions.

A l’heure actuelle, les compétences administratives collégiales des tribunaux administratifs sont très faibles, se réduisant pour l’essentiel aux autorisations de plaider accordées aux contribuables qui veulent intenter une action au nom de leur commune, lorsque celle-ci néglige ou refuse de le faire. Quant aux attributions individuelles, elles restent également exceptionnelles. Elles sont toutefois en train de prendre un nouvel essor, dont le point de départ pourrait être constitué par la réforme de l’enquête publique.

La procédure de l’enquête préalable est très ancienne puisqu’elle remonte à l’ordonnance de la monarchie de juillet du 28 février 1831, qui visait à sauvegarder les droits des propriétaires en cas d’expropriation. Cependant, du fait des modifications intervenues, celle-ci était devenue la proie de nombreuses critiques. Les commissaires enquêteurs étaient désignés par le Préfet sur des listes préétablies, qui comprenaient toujours une forte proportion de fonctionnaires retraités. Il leur avait été reproché leur manque d’impartialité car ils se montraient très sensibles à ce que l’administration présentait comme étant l’intérêt général, mais souvent, aussi, leur incompétence.

Des réformes se sont donc avérées indispensables.

Commencées avec les décrets des 6 juin 1959 et 14 mai 1976, leur évolution fut parachevée par la loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement.

L’innovation la plus importante, à nos yeux, concerne la procédure de nomination des enquêteurs. Partant du principe que la qualité et la crédibilité de l’enquête découlent de celles des enquêteurs, le Préfet doit désormais saisir le président du tribunal administratif pour que celui-ci procède, dans les quinze jours, à cette désignation. Son choix se porte sur une ou plusieurs personnes en fonction de l’importance de l’opération projetée.

La demande doit être faite au président du tribunal dans le ressort duquel a lieu l’enquête ou la majeure partie de celle-ci. Pourtant, si dans le principe la réforme est bonne puisque cherchant à garantir l’indépendance par rapport à la puissance publique, on peut se demander si cet objectif est atteint, le commissaire étant toujours rétribué par la collectivité demanderesse. Il ne s’en est finalement trouvé qu’un seul pour contester cette nouvelle procédure de nomination. Il s’agissait du recours porté contre le déroulement de cette procédure, le président étant à la fois juge et partie 309 .

Cette remarque était infondée, dans la mesure où elle révélait un manque de confiance à l’égard des présidents et une totale ignorance du fonctionnement des juridictions de premier degré. Celles-ci sont au contraire au-dessus de tout soupçon, et c’est bien la raison pour laquelle elles ont vu leurs compétences se développer dans un domaine complémentaire à leur mission initiale, à savoir la prévention du contentieux administratif.

La lenteur dans le traitement des requêtes « empoisonne la vie de la juridiction administrative ».

Elle tient à l’extension de l’interventionnisme étatique et à l’insuffisance chronique des emplois du corps des membres des tribunaux administratifs. Tous les auteurs soulignent que, pour être satisfaisant, un procès doit être rapide ce qui est particulièrement vérifiable en droit public à cause du privilège du préalable qui fait que, si il est trop différé, le jugement n’aura aucune conséquence autre que morale, car la décision aura épuisé ses effets.

Aussi a-t-on assisté à une multiplication des mesures tendant à réduire ces retards avec un certain succès d’ailleurs puisque d’une durée moyenne de trente mois pour l’année judiciaire 1975-76, elle était tombée à dix-sept mois en 2002-2003. Ces dispositions avaient pour objet de donner au juge le moyen d’accélérer l’instance elle-même. Cela provoqua un tollé quasi général, tant il est vrai que la célérité, qui est souvent confondue avec la précipitation, est ennemie de la qualité, en particulier en matière de justice.

Une réflexion parallèle fut donc menée dans l’optique de résoudre le problème à la source, c’est à dire de faire en sorte de diminuer le nombre des litiges enregistrés par les greffes.

Elle se concrétisa dans deux directions, d’une part la consultation pour associer le président à l’administration afin d’éviter que des illégalités soient commises, d’autre part, la conciliation pour lui faire conduire des négociations entre les parties afin de les inciter à régler leurs différends autrement que par le contentieux.

Notes
309.

J.O., A.N., 20 avril 1983, p. 445