SECTION II ACTEUR DE LA RESOLUTION

Le président du tribunal administratif a réussi à se dégager totalement de l’image négative que l’on se faisait de lui.

Il a su rompre radicalement avec l’héritage des conseillers de Préfecture que LEFEVRE-PONTALIS, ardent pourfendeur de la justice administrative, présentait en 1872 devant la commission de décentralisation 327 de l’Assemblée Nationale comme: « Cherchant quelque fois à se faire remarquer par leur zèle auprès du Préfet plutôt que par leur savoir, et offrant de moins en moins de garanties d’impartialité aux justiciables, d’indépendance et d’autorité, devenues de plus en plus nécessaires…» 328 .

Le président s’est progressivement imposé en tant que juge indépendant, même s’il fut parfois l’objet, avec l’ensemble de la juridiction, de critiques virulentes.

La conséquence directe en est la meilleure perception de son rôle par l’administration d’une part et les personnes privées d’autre part. On ne saurait cependant affirmer que les batailles livrées sur le terrain de leur statut furent un facteur déterminant, il semble en effet peu probable, que les justiciables aient eu les moyens de les connaître et de les apprécier.

Cette avancée peut résulter également d’un travail entrepris par le corps lui-même, avec, par exemple, la publication du guide du justiciable, réalisé par des membres de la juridiction administrative et dont la première édition remonte à 1974 329 .

La transformation dans la représentation du président semble plutôt résulter de la place privilégiée qu’il occupe au sein de la procédure administrative. Certes, il est chef de la juridiction et, à ce titre, directeur 330 de la procédure, depuis l’enregistrement du litige jusqu’à sa résolution. Cela tient aussi à la dimension considérable prise par la fonction.

Bien que des réticences persistèrent, pour des motifs assez divers à lui accorder des compétences juridictionnelles propres, celles-ci furent assez vite dépassées.

Les raisons en furent essentiellement pratiques: les tribunaux administratifs, devenus juges de droit commun ont eu à traiter un volume de recours très important qui risquait de les engorger et de réduire à néant les acquis de la réforme de 1953. Dès lors, certaines modifications s’imposaient.

Les pouvoirs publics ont notablement mais encore insuffisamment augmenté les effectifs du corps et, parallèlement, confié de nouveaux pouvoirs aux chefs de juridiction 331 .

L’objectif était de faire prendre certaines décisions par un homme seul, permettant un gain de temps et libérant ainsi les conseillers. Ce procédé permettait d’accélérer le traitement contentieux des affaires et par suite d’en juger davantage. Le mot d’ordre était donc la célérité 332 .

Cette extension des attributions présidentielles eut des conséquences qui allèrent au-delà de la volonté initiale de ses initiateurs. Ces derniers sont ainsi parvenus à un système dans lequel le président contrôle totalement la procédure (§ 1), mais surtout dispose des moyens d’influencer, voire d’anticiper, le jugement définitif, normalement pris par une formation collégiale (§ 2).

Notes
327.

Commission de décentralisation établie sous le ministère d’Emile OLLIVIER en 1870.

328.

LEFEVRE-PONTALIS, Ass. Nat. – année 1872 – annexe au p.v. de séance du 23 avril 1872 – n° 1079, Ann. Ass. Nat. 1872, t. XI, Annexes p. 8 à 11.

329.

La justice administrative en pratique, 1ère édition, La Documentation Française, 1974 et ses mises à jour régulières.

330.

P. FANACHI, La justice administrative, PUF, Que sais-je ?, 4ème éd., 1995, p. 31.

331.

Y. GAUDEMET, Le juge administratif, une solution d’avenir, Université Panthéon /Assas, Paris II, Clés pour le siècle, sous la direction de B. TEYSSIE, Dalloz 2000, p. 1213.

332.

C. CHEVALLIER-GOVERS, Le président du tribunal administratif au secours de la célérité de la justice administrative, Gaz. Pal., 16- 17 juin 2000, p. 3 et s.