Deux systèmes d’instruction des litiges sont envisageables, correspondant aux procédures distinctes mises en œuvre par les deux ordres juridictionnels français 333 .
Devant les tribunaux civils, la procédure est accusatoire et orale, ce qui signifie que les plaignants mettent eux-mêmes l’affaire en l’état en échangeant par l’intermédiaire de leur avocat leurs arguments de droit et de fait. Le juge n’intervient alors qu’au stade du jugement qui se déroule au moment fixé par les parties.
Devant les tribunaux administratifs, ainsi que devant les juridictions pénales, au contraire, le juge prend une part très active à l’instruction qu’il dirige lui-même. La procédure est alors inquisitoire.
Or, on a assisté depuis la fin du siècle dernier à une évolution très importante allant dans le sens d’une extension des compétences reconnues en ce domaine au chef de la juridiction.
A l’origine, dans le système institué par la loi de 1889, le juge assistait à l’échange des mémoires qu’il avait seulement pour mission de transmettre d’une partie à l’autre, en leur assignant des délais de réponse. Ses pouvoirs étaient néammoins partagés entre plusieurs autorités, le conseiller-rapporteur, le tribunal réuni en chambre du conseil qui procédait à la notification des requêtes et le président, c’est à dire le Préfet. Ce dernier disposait par exemple de la faculté de désigner le rapporteur, de fixer le rôle ou de présider la formation de jugement.
La réforme de 1926, créant des présidents professionnels des conseils de Préfecture interdépartementaux les investit de nouvelles compétences comme celle de procéder eux-mêmes à la communication des requêtes et mémoires en lieu et place du tribunal, dans le but de simplifier la procédure administrative contentieuse.
Depuis lors, de nombreuses réformes sont intervenues, et le président a acquis une place de plus en plus importante au sein de la procédure. La philosophie de ces textes consiste à rapprocher la justice de l’administré, mais aussi et surtout de lutter contre l’allongement des délais de jugement et l’augmentation des stocks d’affaires en instance. Mais le gain en rapidité ne devant pas se faire au détriment de la qualité, certains pouvoirs ont été confiés au président 334 , considéré comme offrant les meilleures garanties d’indépendance et de compétence 335 .
C’est ainsi qu’aujourd’hui, le président peut contrôler très étroitement le cheminement des requêtes déposées auprès de son tribunal. Il intervient tout d’abord pour réorienter les affaires qui, soumises à sa juridiction, doivent être jugées par une autre juridiction.
Il occupe dès lors une place centrale tout au long de la période d’instruction (I) qu’il conduit lui-même, puis dans la phase de jugement proprement dite (II).
J. MORAND-DEVILLER, La spécificité des méthodes du juge administratif et du juge judiciaire, Le contrôle juridictionnel de l’administration. Bilan critique, Economica, 1991, p. 184 et s.
P. GERBAY, Reflexions sur la juridiction du premier président de la Cour d’Appel, D. 1980, p. 65.
P. ORDONNEAU, Les problèmes posés par l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs, EDCE 1977-1978, p.111à116 ; C. BONIFAIT, Plaidoyer pour les premiers juges, AJDA 1978, p.153 ; R. VIARGUES, Plaidoyer pour les tribunaux administratifs, RDP 1979, p.1251 et J.-W. WOEHRLING, Réflexions sur une crise : la juridiction administrative à la croisée des chemins, Mélanges R.-E. CHARLIER, éd. de l’Université et de l’Enseignement moderne, 1981, p. 341 à 368.