La recevabilité de la demande en référé est subordonnée à celle du litige principal.
Le président du tribunal ne peut néanmoins l’opposer à des conclusions en fin de référé que si celles-ci sont manifestement irrecevables, ce qui se justifie par la rapidité avec laquelle il doit se prononcer.
Les cas les plus fréquemment opposés par les présidents tiennent à la qualité des plaideurs et au ministère d’avocat.
Le président peut d’abord rejeter une demande irrecevable si les requérants n’ont pas qualité pour agir.
D’une manière générale, le Conseil d’Etat a étendu aux référés les règles de procédure applicables pour les recours en principal.
Les requêtes collectives sont ainsi recevables lorsque les demandeurs sont dans la même situation de droit et de fait et que par suite, le juge n’a pas à faire l’examen de chaque cas particulier.
Des assouplissements ont aussi été apportés par la jurisprudence : une demande en référé peut être présentée au nom de la ville par le maire seul, sans autorisation du conseil municipal 616 .
Cette solution, contraire à la lettre du texte, mais depuis longtemps dégagée par les tribunaux judiciaires, s’explique par la nature propre du référé qui est une procédure d’urgence ne pouvant théoriquement préjudicier au principal.
Enfin, le Conseil d’Etat a admis la qualité à agir des représentants du personnel et membres du comité d’entreprise en cas de licenciement pour motif économique.
La loi du 28 novembre 1955 ne précise pas si les conclusions en fin de référé doivent être présentées par le ministère d’avocat. Par ailleurs le droit commun résultant de l’article 41 de l’ordonnance du 31 juillet 1946, impose ce ministère.
La procédure a donc été fixée par le Conseil d’Etat dans l’arrêt Saporta, rejoignant en cela les conclusions du Commissaire du Gouvernement Marceau LONG. Ce dernier avait proposé d’étendre au référé les règles applicables en matière de sursis exécution et de recours à l’interprétation, c’est à dire de faire dépendre la solution du litige principal 617 .
Mais il est parfois difficile de savoir, dès cette phase préliminaire, quelle action sera intentée par les requérants. On ne peut alors se rapporter à l’action principale. Dans ces conclusions sous Commune de Saint Brévin les Pins, le Commissaire du Gouvernement Claude LASRY proposait de recourir à un examen au cas par cas, en s’appuyant sur l’action qui devait normalement être entreprise par les justiciables 618 .
En définitive, la demande en référé n’est dispensée du ministère d’avocat que si l’action principale l’est aussi. En cas de doute, la solution dépend de l’extrapolation réalisée par le juge.
Le ministère d’avocat n’est, par contre, jamais imposé pour la présentation d’une demande de constat d’urgence.
La jurisprudence du Conseil d’Etat apparaît donc comme assez stricte. D’un côté, l’évolution qui s’était manifestée au niveau de la compétence matérielle a été rapidement stoppée, quant aux règles de compétence territoriale, elles n’ont pas varié, s’en tenant à l’interprétation la plus stricte qui soit. En revanche, la Haute Assemblée s’est montrée beaucoup plus libérale en ce qui concerne les conditions de recevabilité des demandes, laissant au chef de juridiction une assez grande marge d’appréciation.
Cette attitude entraîne deux types de conséquences. Elle peut d’abord être favorable aux requérants qui vont apprendre très rapidement quel tribunal saisir et selon quelle procédure. A l’inverse, le sort de leur requête principale, notamment pour sa recevabilité qui ne devra plus être manifeste mais réelle, n’est pas réglé pour autant. A l’opposé, lorsque le président ordonne des mesures de référé, son rôle ne se limite pas à une simple mission pédagogique envers les requérants. Il peut en effet s’impliquer d’avantage dans la résolution des affaires soumises.
C.E., sect., 28 novembre 1980, Etablissements Roth, rec., p. 446, concl. J.-P. COSTA; AJ 1981, p. 86, chron. M.-A. FEFFER et M. PINAULT; D. 1981, IR, p. 117, obs. P. DELVOLVE.
C.E., sect., 13 octobre 1956, Saporta, rec., p. 366, AJ 1956, 2, p. 410, concl. M. LONG.
C.E., 10 mai 1957, Commune de Saint-Brévin-les-Pins, rec., p. 306; AJ 1957, 2, p. 246, concl. C. LASRY.