Comme tout jugement, celui du tribunal administratif se décompose en deux périodes : la phase publique, l’audience, à laquelle participent les parties et leurs avocats, la phase secrète, à savoir, le délibéré au cours duquel est élaborée la décision et auquel seuls les magistrats prennent part.
Du fait de la multiplication des formations de jugement, le président ne pouvant assister personnellement à toutes les séances, il siège donc, alternativement, dans chaque chambre. Il est remplacé dans les autres, par le ou les vice-présidents.
Les audiences des juridictions administratives sont publiques 767 .
Il n’existe pas de huis clos devant les juridictions administratives 768 contrairement à la faculté accordée aux juridictions judiciaires par les dispositions de l’article 435 du Nouveau Code de Procédure Civile 769 .
Le déroulement de l’instance devant les tribunaux administratifs est, d’une manière générale, beaucoup moins houleux que devant les tribunaux judiciaires.
Le rôle du président consiste alors simplement à diriger les interventions, mais dans de rares hypothèses, il peut être amené à utiliser son pouvoir de police des audiences 770 .
Après avoir écouté le rapporteur, le président donne la parole aux parties ou à leurs avocats 771 .
Il débute en principe par les demandeurs ou intervenants en demande puis s’ achève par les défendeurs.
Mais il ne s’agit que d’une habitude, le Conseil d’Etat ayant décidé que l’audition des parties dans l’ordre inverse ne constituait pas un vice de procédure susceptible d’entraîner l’annulation du jugement 772 .
Les parties peuvent toujours s’exprimer, même si leur recours nécessite le ministère d’un avocat. Il s’agit là d’un droit absolu que le président ne peut refuser ou limiter 773 .
Par contre, il peut les interrompre et leur rappeler le caractère sommaire que revêtent les observations orales devant les juridictions administratives, sans pour autant porter atteinte aux droits de la défense 774 . Mais les parties ne peuvent développer des arguments autres que ceux qui ont été inscrits dans les mémoires déjà produits sans encourir la radiation du rôle 775 . Une jurisprudence récente semble cependant tempérer ces propos. Le Conseil d’Etat admet la recevabilité des notes en délibéré, cette recevabilité est néammoins encadrée de manière stricte 776 .
Le chef de la juridiction dispose aussi du pouvoir d’ajourner les débats, pour l’audition des défenseurs ou du commissaire du gouvernement 777 par exemple.
Dans certains cas, la séance peut être très agitée. Il appartient alors au président de rétablir le calme en usant de son pouvoir de police des audiences à l’encontre des parties comme des avocats.
En cas de troubles à l’audience, il pouvait ainsi avant 1972, faire arrêter les personnes causant du désordre et les faire enfermer pendant vingt quatre heures en maison d’arrêt.
Si la personne concernée était un avocat, il pouvait le suspendre pour une durée n’excèdant pas trois mois. Puis l’article 439 du Nouveau Code de Procédure Civile, issu du décret du 20 juin 1972 est venu préciser qu’il pouvait rappeler à l’ordre les intervenants que la passion ou l’inexpérience empêchaient de défendre leur cause avec la décence convenable, en cas de méconnaissance de ses injonctions.
Il n’a plus désormais que la possibilité de les faire expulser du prétoire sans préjudice de poursuites pénales ou disciplinaires éventuelles 778 .
Le deuxième délit est l’injure ou la diffamation à l’audience. La liberté des avocats et citoyens à la barre était réglementée par l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. Les passages du discours et inscrits injurieux, outrageants ou diffamatoires produits devant les tribunaux pouvaient être supprimés par le président qui avait même la compétence pour suspendre les avocats de leurs fonctions pour une durée inférieure à deux ou six mois en cas de récidive 779 .
La loi du 15 juin 1982 relative à la répression des délits d’audience commis par les avocats autorise le président à constater 780 ou à prononcer, soit d’office 781 , soit à la demande des parties 782 , la suppression de mémoires ou propos diffamatoires, injurieux ou outrageants. Il dispose à cet égard d’un entier pouvoir d’appréciation 783 .
Les poursuites sont ensuite exercées par le Conseil de l’Ordre sur plainte de la partie lésée ou du Procureur Général.
Enfin, l’outrage à magistrat, a, dans un premier temps, permis au chef de la juridiction de faire immédiatement arrêter son auteur et de l’enfermer en maison d’arrêt, ce dernier risquant une peine de détention d’un mois au plus, et une amende de vingt cinq à trois cent francs.
Il fut ensuite réprimé, par l’article 222 du Code pénal, qui sanctionne les outrages par paroles ou écrits tendant à mettre en cause l’honneur ou la délicatesse des magistrats commis par un citoyen ou un avocat.
La loi de 1982 est venue modifier les sanctions applicables aux avocats : ceux-ci sont désormais passibles de l’article 681 du Code de procédure pénale qui concerne les officiers de police judiciaire. C’est au Procureur Général de la Cour de Cassation qu’il appartient de demander l’ouverture d’une information.
Enfin, il convient d’évoquer la possibilité dont dispose le président de la juridiction de faire assurer, après avis de la commission des archives audiovisuelles de la justice, l’enregistrement audiovisuel ou sonore des débats 784 , lorsqu’ils présentent « un intérêt pour la constitution d’archives historiques de la justice » 785 .
En dehors de ce cas précis, l’usage de tout appareil d’enregistrement est interdit pendant l’audience et la méconnaissance de cette règle entache la décision d’irrégularité 786 .
Progressivement, les pouvoirs de police lors de l’audience, du président du tribunal administratif se sont donc amenuisés.
Alors qu’à l’origine il disposait de pouvoirs de répression à l’égard de tous les intervenants, ceux-ci disparurent, ne laissant place qu’à une police des audiences. S’il rétablit l’ordre dans son prétoire 787 , il ne peut plus en revanche réprimer immédiatement les faits constatés. Il déclenche simplement la procédure conduisant au prononcé des sanctions.
Ses compétences restent toutefois d’utilisation peu fréquente 788 .
Le rôle du président s’exerce également de façon moins visible mais tout aussi importante lors du délibéré.
Principe à valeur législative codifié à l’article L. 6 du Code de justice administrative, renforçant désormais la cohérence du texte national avec la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, tant en matière disciplinaire que juridictionnelle (pour un exemple récent C.E., 23 février 2000, M. L’Hermitte, req. n° 192480 ; Juris-Data n° 060060).
C.E., Ass., 11 mars 1955, Secrétaire d’Etat à la Guerre c. Coulon, rec., p. 149; RDP 1955, p. 1000.
Article validé par la loi du 9 juillet 1975, après annulation de la version réglementaire de l’article 435 du NCPC, par l’arrêt du C.E., Ass., 4 octobre 1974, Dme David, rec., p. 464, concl. M. GENTOT ; AJ 1974, p. 525, chron., M. FRANC et M . BOYON ; D. 1975, p. 369, note J.-M. AUBY ; Gaz. Pal. 1975, I, p. 117, note D. AMSON ; JCP 1974, n° 17967, note R. DRAGO.
Article R. 731-1 du Code de justice administrative.
Article R. 731-3, alinéa 1er du Code de justice administrative.
C.E., 2 mars 1960, Entreprise GRI, rec., p. 164.
C.E., 20 janvier 1937, Ville de Nice, rec., p. 84.
C.E., 7 février 1944, Bost, rec., p. 110.
C.E., 6 juin 1923, Aynes, rec., p. 477; sect., 9 novembre 1966, Toumbouros, rec., p. 593.
C.E., 12 juillet 2002, Leniau, AJDA 2003, p. 1358 ; RFDA 2003, p. 307, concl. D. PIVETEAU.
C.E., 27 juillet 1921, Guillou, rec., p. 769.
Article R. 731-2, alinéa 2 du Code de justice administrative.
C. cass., 11 juillet 1972, Gaz. Pal. 1973, 1er Sem., 80.
C.E., 13 janvier 1967, Goudal, AJDA 1968, p. 312.
C.E., 27 avril 1984, Ministère de la Défense c. Broc, rec., p. 125.
C.E., 20 janvier 1937, Ville de Nice, rec., p. 84.
C.E., 12 décembre 1975, Cts Pelletier, rec., T., p. 75-84 ; 27 juillet 184, Ministre de la Défense c. Syndicat CFDT de l’Etablissement technique central de l’armement, rec., p. 278 ; 14 juin 1989, Hilt, Gaz. Pal., 27-28 septembre 1989, p. 4.
Loi du 11 juillet 1985 modifiée par la loi du 13 juillet 1990 et le décret d’application du 15 janvier 1986.
R. LINDON, La télévision à l’audience ?, D. 1985, chron., p. 81 ; J. PRADEL, Les techniques audiovisuelles, la justice et l’histoire, D. 1986, chron., p. 113 ; J. FOURRE, L’enregistrement audiovisuel des audiences de justice, LPA 14 mai 1986, p. 14.
C.E., 11 juin 1993, Médecin régional de Paris et Wegmann, req. n°88219; Gaz. Pal., 1993, 2, jurisp., p. 89.
C.E., 9 décembre 1921, Petit-Quevilly, rec., T., p. 1037.
C.E., 5 mars 1886, Sieur Legré, rec., p. 190, concl. O. Le VAVASSEUR de PRECOURT.