B) Le rôle du président lors du délibéré

La présence du chef de juridiction à l’occasion du délibéré permet de garantir une certaine unité jurisprudentielle (1) et confère à cette phase terminale de résolution des conflits un gage supplémentaire d’impartialité (2).

1. La présence du président, garantie du bon déroulement du délibéré

La fonction essentielle occupée par le président lors de l’élaboration du jugement consiste à maintenir l’unité de la jurisprudence de sa juridiction. Mais, s’agissant d’une phase secrète, peu de renseignements sont disponibles à cet égard. Il semble cependant qu’il examine tous les rapports et charge le greffe de rechercher les affaires semblables sur lesquelles son tribunal a déjà eu à statuer. Cela permet aux participants en délibéré de se faire une idée plus précise sur la façon dont a déjà été résolu ce type de litige puis de s’y conformer ou de la faire évoluer selon les circonstances.

Le deuxième problème qui se pose est celui de la prise de décision. Les abstentions étant interdites, chaque magistrat présent a l’obligation de se prononcer 789 .

La règle de l’ « imparité » s’imposant aux juridictions administratives de premier degré 790 , le jugement est donc acquis à la majorité.

Certains auteurs se sont interrogés sur la manière dont un partage des voix peut être effectuée. La jurisprudence et les textes sont peu explicites à ce sujet. L’article 5 de l’arrêté du 19 fructidor An IX précisait que : « Si le Préfet est absent du chef lieu ou du département, celui qui le remplacera, aura dans tous les cas voix prépondérante comme Préfet lui-même ».

Dans un arrêt du 31 janvier 1873, le Conseil d’Etat avait estimé que le président quel qu’il soit, le Préfet ou son suppléant avaient voix prépondérante 791 . Cela impliquait, par conséquent, que les juridictions administratives du premier degré ne puissaient connaître des cas de partage ni fassent appel à un magistrat départiteur.

On peut tout de même s’interroger sur l’applicabilité de cette règle à l’heure actuelle, d’autant qu’elle a été supprimée pour le Conseil d’Etat par la loi du 24 mai 1872.

Ainsi l’assemblée du contentieux siège-t-elle en nombre pair, dans la mesure ou le Conseil d’Etat n’a pas consacré l’existence d’une règle générale de procédure imposant l’imparité 792 .

Il semble donc, mais cela n’est qu’une hypothèse, ni infirmée ni confirmée par la jurisprudence, qu’en cas de partage, la discussion doit se poursuivre jusqu’à ce qu’une majorité se dégage et sans que le président emporte de droit la décision 793 .

Néanmoins, le président par son expérience et son autorité morale, conserve cependant une influence certaine dans l’orientation de la décision finale et notamment à l’égard de conseillers novices.

Bien qu’il ait été notablement réduit, le pouvoir du président sur l’instance reste bien réel, mais sans doute plus feutré qu’il ne l’était auparavant, puisqu’il s’analyse davantage aujourd’hui comme une influence sur la formation de jugement.

Par contre, si ses compétences de police sont longtemps restées à l’état de potentialité, il semble qu’elles sont de plus en plus utilisées de nos jours du fait de la multiplication des séances consacrées à la reconduite à la frontière des étrangers. Le président participe en dernier lieu à la délibération, participant de manière fondamentale à la phase mettant fin définitivement à la mission juridictionnelle de son tribunal.

Notes
789.

C.E., 5 février 1915, Emoy, rec., p. 10.

790.

Articles L. 222-1 et R. 222-18 du Code de justice administrative.

791.

C.E., 31 janvier 1873, Denizot et Boudon, rec., p. 99.

792.

C.E., sect., 23 janvier 1959, Derambure, rec., p. 68, concl. G. BRAIBANT ; sect., 1er décembre 1972, Fouche, rec., p. 708.

793.

R. CHAPUS, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 1999, 8ème éd., n° 1135, p. 878.