Introduction générale

Depuis que deux illustres Lyonnais, les frères Lumières, ont pu animer l’image et créer le cinématographe, l’enseignement n’a eu de cesse de s’approprier cette technique. La chimie n’a pas échappé à cette évolution et des films qui permettent de découvrir, depuis la salle de classe, des aspects de l’industrie chimique, des expériences de laboratoire, des cours ou des conférences de chimie etc. ont vu le jour dès la seconde moitié du XXe siècle. Pour nous, didacticiens, les questions qui se posent couvrent l’élaboration de films, leur utilisation dans l’enseignement et leur impact sur l’apprentissage. Ces trois aspects doivent être maîtrisés si l’on prétend faire évoluer les conceptions des élèves dans le domaine de la chimie, ce qui a été reconnu comme essentiel (Taber, 2001). La présente recherche va les aborder tous les trois dans un domaine précis, celui des acides et des bases, dans le contexte du programme de Première S. Un nombre important de concepts de la chimie y sont présentés, ce qui constitue une difficulté pour l’apprentissage (Sisovic & Bojovic, 2000 ; Schmidt, 1995), mais une richesse propice à la création de films.

Aider à la conception de films consacrés à l’enseignement de la chimie nécessite d’avoir une bonne compréhension de l’influence, sur l’activité cognitive de l’apprenant, des textes et des images dont ils sont constitués. En construisant un film à visée didactique dans le cadre de la chimie, une multitude de questions émergent. Le choix des images qui peuvent être de nature différentes : vidéo d’expériences, éventuellement légendées, présentations de formules, animation moléculaires, etc. Ceci étant réglé, l’écriture définitive du texte d’accompagnement est également un moment d’interrogation essentiel ; il ne doit être ni trop court ni trop long pour rester en phase avec les images. Doit-il décrire ce qui est visible à l’écran ou ce qui ne l’est pas ? La deuxième question qui se pose concerne la décision d’un élève de regarder ou non un film. A la différence d’un livre où d’une photo, un film est un objet dont on ne peut avoir une idée du contenu qu’au moyen d’un autre objet qui permet de le montrer : le projecteur, la télévision, l’ordinateur. A ce titre, choisir de regarder un film, pour en extraire de l’information, ne peux être comme choisir de lire un livre ou de regarder une image. Nous nous sommes intéressés aux facteurs qui pourraient gouverner le choix d’un film à visée didactique. Enfin, le troisième volet de notre travail a consisté à étudier comment le rapport entre les images et le texte qui constituent un film pouvait avoir une influence sur son utilisation par un apprenant. Cette partie de la thèse est bien sûr fortement lié à la première, relative à la construction d’un film. Elle donne du sens aux questions liées à l’écriture du texte d’accompagnement des images. Ces trois volets de notre travail sont présentés avec la structure suivante.

Dans le chapitre I de la thèse, nous présentons une synthèse bibliographique sur les TIC (technologies de l’information et de la communication) qui permet de comprendre la place des films au sein des hypermédias. Nous y verrons que peu de travaux se sont penchés sur les questions que nous abordons.

Dans le chapitre II, nous expliquons sur quelles bases nous avons construit une banque de films et comment nous les avons rendus consultables au sein de ce que nous appellerons un hyperfilm. Un double point de vue, sémiotique et didactique, est présenté, en particulier en passant en revue les conceptions et les difficultés des élèves.

Dans le chapitre III, nous utilisons la théorie de l’activité et de l’action pour décrire le comportement des utilisateurs d’hyperfilms. Nous prenons en compte l’adaptation des élèves au système et leur désorientation éventuelle lors de la navigation. Nous montrons ainsi comment nos hyperfilms sont utilisés en relation avec une tâche prescrite.

Dans le chapitre IV, nous mettons en évidence les facteurs influençant le choix des films par les élèves. Il faut pour cela analyser les liens permettant de passer d’un film à l’autre à partir de concepts communs à différents films. Quelques aspects de psychologie cognitive sont abordés, telle la mémoire des élèves, la charge cognitive imposée par certains films et la théorie du double codage.

Dans le chapitre V, nous cherchons l’influence de la relation entre le texte et l’image d’un film sur son utilisation par les élèves. Nous avons pour cela dû élaborer des paires de films qui ne diffèrent que par leurs textes. Ces derniers se focalisent soit sur la description perceptible des images, soit sur la reconstruction que le point de vue du chimiste permet d’offrir.

Le VIe et dernier chapitre s’intéresse à la façon dont les élèves utilisent les films pour répondre à des questions suivant la nature du texte qui accompagne les images. Nous avons dû pour cela adapter la notion de carte conceptuelle.

Les chapitres III à VI, bien que dans la continuité de la réflexion qui sous-tend ce travail, ont été rédigés avec une certaine autonomie. La synthèse de leurs résultats prend sens dans la conclusion générale qui montre que tous ces chapitres sont au service d’une même et unique thèse.

Afin de ne pas alourdir la lecture de ce travail, le détail de certaines informations sur la construction des hyperfilms, les productions verbales et écrites des élèves et les analyses des données sont présentées en annexes.