L’analyse des enregistrements vidéos a mis en évidence les films (prescrits ou non prescrits) regardés par les deux binômes d’élèves (tableau 4.8).
Nous avons constaté que les élèves n’arrivent pas à répondre à certaines questions de la tâche avec leurs connaissances préalables ou avec celles des films prescrits par les consignes. On peut donc penser qu’ils ont eu besoin de regarder certains films non prescrits pour pouvoir répondre à des questions de la tâche. La question sera de savoir si certaines informations présentes dans les films ont été prises en compte dans leur réponse.
Le tableau suivant montre les films regardés par les élèves à partir des facteurs influençant le choix des films.
Films regardés par les élèves | Elise – Florence | Marie – Barthélemy |
Acide corrosif | Consigne | Consigne |
Acide corrosif | Non-mémorisation | |
Base corrosive | Consigne | Consigne |
Basicité de la cendre | Trait de surface | |
Dissociation de HCl et CH3CO2H | Consigne | Consigne |
Dissociation de HCl et CH3CO2H | Non-mémorisation | Non-mémorisation |
Dissociation – équation | Nouvelle question | |
Effet de l’addition d’un acide sur le pH | Trait de surface | Trait de surface |
Effet de l’addition d’un acide sur le pH | Non-mémorisation | |
Effet de l’addition d’un acide sur le pH | Consigne | Consigne |
Effet de l’addition d’un acide sur le pH | Non-mémorisation | Non-mémorisation |
Effet de l’addition d’un acide sur le pH | Nouvelle question | Non-mémorisation |
Exemple de couple acide/base : HCO3 -/CO3 2- | Trait de surface | |
Exemple de couple acide/base : NH4 +/NH3 | Trait de surface | |
Exemples d’acides | Trait de surface | |
Exemples de bases | Trait de surface | |
Exemples de couples acide/base | Trait de surface | |
Notation générale des demi-équations | Reformulation | |
pH du vinaigre | Trait de surface | Trait de surface |
Vinaigre et soude | Trait de surface |
Ces informations confirment notre hypothèse puisque tous nos facteurs apparaissent au moins une fois et qu’il n’est de film choisi pour une autre raison. La fréquence des ces facteurs est donnée dans le tableau suivant.
La présence de ces cinq facteurs montre que les élèves ne regardent pas un film au hasard. Nous pensons que le facteur de consigne appartient au niveau conventionnel de Thévenot (1998). Les élèves, volontaires pour participer à cette expérimentation n’ont pas de raison de ne pas respecter ce type de consigne. Les quatre autres facteurs appartiennent au niveau téléologique de Thévenot (1998 ; voir la partie "action" du chapitre III) ; l’action de regarder un film est guidée par un but.
Nous allons détailler chaque facteur influençant le choix d’un film qui va être regardé.
Les 9 films choisis avec un "trait de surface (11 fois - 38%)" sont donnés dans le tableau suivant.
A multiplication des films regardés pour certaines questions peut s’interpréter par le fait qu’une recherche par traits de surface est peu propice à disposer d’informations pertinentes.
Dans le cas de question 4 de la partie I, Elise et Florence choissent le film Effet de l’addition d’un acide sur le pH. Ce choix est orienté par le trait de surface "acide" présent dans la question comme le montre l’extrait suivant.
285 Fl : « on ajoute de l’acide chlorhydrique à la solution obtenue / expliquer pourquoi elle possède alors une odeur de vinaigre (?) [elle lit la question 4 de la partie I] »
286 El : « alors / acide chlorhydrique (?) »
287 Fl : « eh be::n / on a qu’à écrire / l’autre demi-équation (?) / et puis faire une équation complète (?) »
288 El : « mais j’sais là-d’dans il y a une explication / tu sais [elle montre l’écran] »
289 Fl : « mais / c’est vrai »
290 El – 404 El : « [elles cherchent un film en cliquant sur certains boutons] »
405 Fl : « eh ben / effet de l’addition d’un acide sur le pH [elle montre un bouton jaune dans la page de "Menu de films"] / c’est ça / on rajoute de l’acide sur:: [elle regarde la question 4] »
406 El : « ben là on veut savoir pourquoi c’est l’odeur [elle parle de la question 4] / on peut pas savoir:: + »
407 Fl : « ben ouais mais si ça s’trouve ils vont nous dire que eh »
408 El : « [elle clique sur le bouton jaune "Effet de l’addition d’un acide sur le pH" dans la page de "Menu de films"] »
409 Fl : « on met le film voir [elle montre le bouton "film" vert] »
410 El : « [elle clique sur le bouton "film" vert] »
411 Fi : « dans ce film on va montrer qu’à chaque fois qu’un acide est ajouté à une solution / il y a une diminution du pH … [elles regardent le film "Effet de l’addition d’un acide sur le pH"] »
L’importance de la mise en jeu des traits de surface dans l’apprentissage de la chimie a révélé que la compréhension de cette discipline se construisait sur les traits perceptifs ou de surface des signes physiques et des expressions symboliques (Kozma & Russell, 1997 ; Kozma et al., 2000 ; Kozma, 2003). Les traits de surface semblent être des aides performantes pour déterminer l’analogie entre différents problèmes (Ross, 1989).
L’utilisation de traits de surface par des élèves n’est pas une nouveauté (Kozma & Russell, 1997 ; Russell et al., 1997 ; Gourgey, 1998 ; Kozma et al., 2000 ; Kozma, 2003), mais le dispositif de recherche utilisant l’hyperfilm a permis cette observation dans le choix d’un film ce qui à notre connaissances est nouveau. Même si investissement cognitif des élèves qui pratiquent de la sorte peut être considéré comme faible, cela reste une source d’apprentissage des sciences.
Nous avons constaté qu’un seul film a été choisi à partir du facteur "reformulation (1 fois -3%)". Le film visionné et la reformulation par les élèves de la question posée sont donnés dans le tableau suivant.
Question posée | Reformulation de la question posée | Pourquoi | Film regardé par les élèves |
Q2 (partie I) : Comment peut-on représenter ce qui se passe en solution quand on ajoute de l’éthanoate de sodium dans de l’eau pure ? | On marque là une équation ? | Pour représenter le système chimique en utilisant une équation | Notation générale des demi-équations |
Ces élèves, en discutant sur la représentation du système chimique, ont mentionné la possibilité d’une réaction : « 99 Ma : ça fait / plus H / H 2 O / égal + et après t’as la réaction ». Lors de cette discussion, ils ont reformulé la question posée en terme d’équation chimique : «102 Ba : on marque là / une équation (?) ». A partir de cette reformulation, ils ont décidé de regarder un film sur l’équation chimique : « 103 Ma : ben pourquoi pas / attends on va regarder l’équation ». Ainsi, le choix du film Notation générale des demi-équations a été orienté par la reformulation de la question posée. Après avoir vu ce film, ils ont décidé d’utiliser des demi-équations pour représenter le système chimique : « on peut représenter ce qui se passe en faisant des demi-équations [réponse écrite] ».
La reformulation de la question posée en termes d’équation chimique était correcte du point de vue de la chimie parce que la réaction entre l’éthanoate de sodium et l’eau se représente par l’utilisation d’une équation chimique. En revanche, la réponse donnée par les élèves à la question en termes de demi-équations est incorrecte. Les élèves n’avaient pas les connaissances suffisantes pour interpréter l’idée du film pour se l’approprier.
La compréhension d’un texte par un individu peut avoir lieu au moyen d’une reformulation qui entraîne l’utilisation de mots qui ne sont pas dans le texte (Gourgey, 1998). Dans notre travail, Marie et Barthélemy ont également reformulé la question posée par la tâche en utilisant leur propos mots. Nous pouvons penser être en présence de l’indice de la construction d’une compréhension sur la représentation du système chimique, ce qui n’est jamais banal en Première S.
Les deux films choisis à partir du facteur "nouvelle question (2 fois - 7%)" sont donnés dans le tableau suivant.
Questions posées | Nouvelles questions que se sont posées les élèves | Pourquoi | Films regardés par les élèves |
Q3 (partie I) : Que peut-on dire du pH de la solution obtenue ? Et pourquoi ? | il faut savoir est-ce que dans l’eau il [CH 3 CO 2 H] devie::nt ? | pour décrire la propriété du système chimique (acide ou basique) | Dissociation –équation |
Q1 (partie II) : Combien de réactions chimiques permettent d’expliquer ce qui se passe dans le ballon de gauche ? | y a quoi qui:: monte pour aller là-d’dans [bécher] ? | pour améliorer la reconstruction du système chimique | Effet de l’addition d’un acide sur le pH |
Après avoir lu la question "que peut-on dire du pH de la solution obtenue ?", Elise et Florence ont discuté de la propriété acido-basique de la solution : « 229 El : toi / tu penses qu’elle [solution] est basique (?) » ; « 230 Fl : et toi / tu penses qu’elle [solution] est acide (?) ». Elles se sont aussi posées la question : « 240 Fl : en fait / il faut savoir est-ce que dans l’eau il [CH 3 CO 2 H] devie::nt (?) » pour déterminer les espèces chimiques formés dans le milieu après la dissolution de l’éthanoate de sodium dans l’eau. Pour répondre à leur propre question, elles ont chercher un film qui pouvait les informer : « 241 El : on peut pas l’ savoir là [elle montre l’écran] ». Puis, elles ont choisi le film Dissociation – équation qu’elles ont regardé. Ce choix a été donc orienté par la nouvelle question. Cependant, le film ne leur a pas permis de répondre à leur propre question parce qu’il y était question d’une propriété chimique de l’acide HCl : « l’acide HCl est une entité chimique capable de libérer son ion H + (film) ». Pour cette raison, il n’a pas été discuté.
Dans une autre situation, alors que la question était "combien de réactions chimiques permettent d’expliquer ce qui se passe dans le ballon de gauche ?", Elise et Florence ont discuté sur les informations données dans le film Effet de l’addition d’un acide sur le pH sur lequel portait la question. Elles se sont posées certaines questions différentes de celle posée : « 658 Fl : y a quoi qui:: monte pour aller là-d’dans [bécher] (?) » ; « 659 El : ça c’est le CO 2 qui s’échappe ici [bécher] non (?) / dans le tuyau marron ils ont dit / c’est le CO 2 qui est produit là [bécher] / qui va là-d’dans [ballon] ». Les élèves ont voulu regarder une nouvelle fois le film pour comprendre le système chimique présenté : « 661 El : moi / c’est ce que j’ai compris hein » ; « 662 Fl : be::n remets / on verra bien ». Ainsi, le choix de ce film a été orienté par ces nouvelles questions.
La stratégie "questionner" est puissante chez les élèves qui peuvent, lors de la discussion sur un texte, se poser des questions sur un passage qui contient les informations importantes (Palincsar & Brown, 1984). Les questions que se posent Elise et Florence peuvent aussi être considérées comme portant sur des points importants du film puisqu’elles relèvent de la constitution du système chimique. On note ainsi ce parallèle entre le fonctionnement des élèves à propos d’un texte et d’un film.
En ce qui concerne le facteur "non-mémorisation (7 fois - 24%)" influençant le choix des films, nous donnons ci-dessous deux tableaux contenant des informations sur les films non mémorisés en relation avec les questions posées aux élèves.
Questions posées | Films regardés par les élèves | Durée des films | Nature des images de films |
Q3/PI : sur le pH de la solution obtenue | Dissociation de HCl et CH3CO2H | 40 sec. | Diaporama |
Q1/PII : sur le nombre de réaction chimique dans le ballon | Effet de l’addition d’un acide sur le pH | 1 min. 49 sec. | Vidéo |
Questions posées | Films regardés par les élèves | Durée des films | Nature des images de films |
Q1/PI : sur la propriété de l’éthanoate de sodium (être soluble dans l’eau) | Dissociation de HCl et CH3CO2H | 59 sec. | Diaporama |
Q4/PI : sur la propriété de la solution (odeur de vinaigre) | Effet de l’addition d’un acide sur le pH | 1 min. 50 sec. | Vidéo |
Q1/PII : sur le nombre de réaction chimique dans le ballon | Effet de l’addition d’un acide sur le pH | 1 min. 50 sec. | Vidéo |
Q2/PII : sur le nombre de réaction chimique dans le bécher | Effet de l’addition d’un acide sur le pH | 1 min. 50 sec. | Vidéo |
Q2/PIII : sur la propriété corrosive des acides et des bases | Acide corrosif | 44 sec. | Vidéo |
Les observations des tableaux 4.14 et 4.15 montrent que les élèves n’ont pas mémorisé certaines informations de trois films qui pourtant ne durent qu’entre 1 et 2 min, ce que nous allons discuter ci-dessous.
• Le film Dissociation de HCl et CH 3 CO 2 H (2 fois - 7%)
Nous avons également constaté que trois autres binômes (Adrien – Logan ; Annie – Margot ; Sylvain – Aurore) ont eu besoin de regarder une nouvelle fois ce film dont la non-mémorisation apparaît donc générale, et l’on peut légitimement se demander pourquoi. Les images (statiques) et les textes (perceptible et reconstruit) de ce film mettent en jeu de nombreuses connaissances aux niveaux reconstruits : objets (ions et molécules), événements (libération d’ions H+ et formation d’ions) et représentations symboliques (demi-équations). Le sens de ces concepts a déjà été décrit comme difficile à construire dans d’autres situations ne mettant pas en jeu des films : il s’agissait d’atomes et de molécules (Taber, 1998), d’ions (Ross & Munby, 1991) ou d’équation chimique : « le concept d’équation de réaction est un concept complexe dont la maîtrise nécessite une forte capacité d’abstraction » (Laugier & Dumon, 2004). Cela peut provenir : (a) de l’incapacité de plusieurs élèves à employer les opérations formelles ou (b) de la lacune de connaissances correctes ou convenables préalables à l’apprentissage (Tsaparlis, 1997). Cette nécessité d’abstraction demeure donc même si les informations arrivent par un support multimédia qui pourtant les présente sous une forme différente de celle classiquement utilisée à l’école et dans les livres.
Deux exemples illustrent la non-mémorisation de ce film. Les actions et les dialogues montrent que les élèves ont voulu regarder une nouvelle fois le film Dissociation de HCl et CH 3 CO 2 H parce qu’ils ne sont pas arrivés à faire un lien entre la question posée et ce dont ils se souviennent du film.
1) Exemple (dans le cas d’Elise et de Florence)
149 Fl : « que peut-on dire du pH de la solution obtenue (?) / et pourquoi (?) [elle lit la question 3 de la partie I] »
150 El : « déjà si elle [solution] est l’acide (?) / donc eu::h »
151 Fl : « hm + »
152 El – 175 Fl : « [elles cherchent un film en cliquant sur certains boutons] »
176 El : « [elle clique sur le bouton jaune "Dissociation de HCl et CH3CO2H" dans la page de "Menu de films"]»
177 Fl : « eh là / alors / il disait quoi déjà (?) [elle montre le bouton "film" vert] »
178 El : « be::n / voilà [elle clique sur le bouton "film" vert] »
179 Fl : « on va revoir »
180 El : « il disait e::h »
181 Fi : « les acides peuvent libérer un ion hydrogène / c’est le cas du chlorure d’hydrogène / en libérant un ion hydrogène H+ / il y a simultanément formation d’un ion chlorure Cl [elles regardent le film "Dissociation de HCl et CH 3 CO 2 H"] »
2) Exemple (dans le cas de Marie et de Barthélemy)
44 Ba : « l’éthanoate de sodium / est une poudre blanche soluble dans l’eau / que signifie cette phase pour vous (?) [il lit la question 1 de la partie I] »
45 Ma : « (rire) »
46 Ba : « (rire) est une poudre blanche soluble dans l’eau [il lit la question 1 de la partie I] / ben ++ »
47 Ma : « attend on va le remettre [elle parle du film "Dissociation de HCl et CH3CO2H"] »
48 Ba : « ouais »
49 Ma : « [elle clique sur le bouton qui recommence le film au début] »
50 Fi : « les acides peuvent libérer un ion hydrogène [ils regardent le film "Dissociation de HCl et CH 3 CO 2 H"]»
• Le film Effet de l’addition d’un acide sur le pH (4 fois - 14%)
Les questions de la partie II traitaient du nombre de réactions chimiques présentes dans ce film (nombre de réactions chimiques dans le ballon et dans le bécher). Ce dernier a été regardé plusieurs fois par les élèves parce qu’il évoquait plusieurs événements : addition de l’acide, changement de couleur, production du CO 2 et diminution du pH dans le ballon ; effervescence, barbotage et diminution du pH dans le bécher. Certains événements reconstruits annoncés dans le texte du film n’étaient pas représentés à l’image : la production du CO2 et la diminution du pH dans le ballon. Ces remarques permettent de penser que deux raisons expliquent cette non-mémorisation :
1) l’effet de charge cognitive 7 : la présence de plusieurs événements est la cause de cette non-mémorisation.
2) l’effet de double codage 8 : certaines informations données par le texte du film n’étaient pas présentes dans l’image, entraînant la non-mémorisation de ces informations présentées uniquement par le texte. Les travaux de recherche sur l’apprentissage multimédia ont montré que la mémorisation et la compréhension d’une information sont meilleures avec la combinaison texte-image par rapport à l’utilisation du texte seul (Mayer & Moreno, 2002 ; Mayer, 2003).
Nous avons également constaté la non-mémorisation de ce film dans le cas de quatre autres binômes (Adrien – Logan ; Annie – Margot ; Pascal – Ahlem ; Sylvain – Aurore). Ils ont souvent arrêté le film pour en utiliser les informations dans leurs réponses, et ils ont regardé plusieurs fois une même séquence quand ils n’ont pas compris des informations données dans cette séquence du film. Ces observations supplémentaires confortent l’idée que la non-mémorisation de ce film était vraisemblablement due à une surcharge cognitive et due à l’abondance d’événements présentés, comme l’illustrent cet extrait de Marie et de Barthélemy relatif à ce film.
188 Ba : « on ajoute de l’acide chlorhydrique à la solution obtenue [il lit la question 4 de la partie I] / donc là on ajoute + elle ça a une odeur de vinaigre + »
189 Ma : « [elle clique sur le concept "acide"] »
190 Ba : « c’était de l’acide eh / l’éthanoate de sodium [elle regarde la question 2] + »
191 Ma : « [elle clique sur le bouton jaune "Exemples d’acides" dans la page de "Menu de films"] alors / acide chlorhydrique [elle clique sur le concept "acide chlorhydrique"] / acide conductivité / effet de l’addition / d’un acide sur le pH [elle lit les noms des boutons jaunes dans la page de "Menu de films"] / ben ça on a dit que ça diminuait / t’es sûr que ça parlait pas du vinaigre dans le truc (?) [elle parle du film "Effet de l’addition d’un acide sur le pH"]»
192 Ba : « on peut remettre (?) / mais bon »
193 Ma : « hm »
194 Ba : « (inaud.) c’est ça (?) »
195 Ma : « c’est ça [elle clique sur le bouton jaune "Effet de l’addition d’un acide sur le pH" et puis elle clique sur le bouton "film" vert] »
196 Fi : « dans ce film on va montrer »
197 Ma : « oh là [elle a perdu la fenêtre du film et puis elle a cliqué une nouvelle fois sur le bouton "film" vert] »
198 Fi : « dans ce film on va montrer qu’à chaque fois qu’un acide est ajouté à une solution / il y a une diminution du pH / pour cela / on a construit un montage expérimental en deux parties reliées par un tuyau marron … [ils regardent le film "Effet de l’addition d’un acide sur le pH"] »
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
325 Ba : « combien de réactions chimiques permettent d’expliquer ce qui se passe dans le ballon / de droite (?) [il lit la question 1 de la partie II] »
326 Ma : « ouais »
327 Ba : « justifier votre réponse en utilisant ce film / ou d’autres / de votre choix / combien de réactions chimiques / permettent d’expliquer ce qui se passe dans le ballon de droite (?) [il lit la question 1 de la partie II] / combien de réactions chimiques (?) »
328 Ma : « quatrième degré / mets voir c’est c’est quoi t’ajoutes l’acide (?) / attends on va le mettre en grand [elle clique sur le bouton qui recommence le film au début] »
329 Fi : « dans ce film on va montrer qu’à chaque fois qu’un acide est ajouté à une solution / il y a une diminution du pH / pour cela / on a construit un montage expérimental en deux parties reliées par un tuyau marron …[ils regardent le film "Effet de l’addition d’un acide sur le pH"] »
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
489 Ma : « combien de réactions physiques / chimiques / permettent d’expliquer ce qui se passe dans le bécher de gauche (?) [elle lit la question 2 de la partie II] / il faut revoir le film / ben on ajoute de:: de les / donc ils ont ajouté l’acide / le CO2 c’e::st / c’e::st / est parti dans le bécher de droite / et la:: / et la:: solution c’est acide ici / ben elle a changé d’couleur [elle clique sur le bouton "film" vert] »
490 Ba : « parce qu’elle s’est acidifiée »
491 Ma : « ouais »
492 Fi : « dans ce film on va montrer qu’à chaque fois qu’un acide est ajouté [ils regardent le film "Effet de l’addition d’un acide sur le pH"] »
Ce qui est mémorisé après une semaine
Dans une autre expérimentation, nous avons demandé à 4 élèves (Galla, Jéremy, Gloria et Guy) ce qu’ils avaient mémorisé des films avec lesquels ils avaient travaillé une semaine plus tôt. La réponse écrite de Galla illustre les souvenirs qu’elle pouvait avoir.
Nous avons constaté que cette élève se rappelait de trois des sept films qu’elle avait vu. Les réponses écrites des autres élèves sont données dans les annexes (voir l’annexe III.7).
Le tableau suivant montre les films dont les élèves se souviennent au bout de 8 jours.
Comme on le voit dans le tableau 4.16, les élèves se rappelaient à la fois de films perceptibles et de films reconstruits après une semaine. Cela laisse penser que la mémorisation des films n’est pas relative à la nature des textes de films. Nous allons voir qu’elle dépend en revanche des niveaux des connaissances mises en jeu. Nous allons examiner en même temps, grâce au tableau suivant, l’influence des effets de primauté et de récence 9 .
L’ordre dans lequel les élèves ont vu les films est donné en caractère gras. Il a été déterminé à partir des enregistrements vidéos pendant la première phase de l’expérimentation (voir l’annexe III.5).
Nous n’avons pas vraiment observé d’effets de primauté (2 élèves sur 4 pour le premier film vu) et de récence (3 élèves sur 4 pour le dernier film vu) probablement parce que ces effets concernent un questionnement immédiat, et pas après une semaine. De plus, un film ne semble pas mémorisé en relation avec le nombre de fois qu’il a été vu puisque certains élèves s’en rappellent après un seul visionnement (Vinaigre et soude ou pH du vinaigre) et que d’autres ne s’en souviennent pas après deux visionnements (HCl acide de Brønsted). En revanche, le film Effets des pluies acides, qui n’était ni le premier ni le dernier mais le deuxième film vu, a été mémorisé par les quatre élèves. Il traitait d’un événement de la vie quotidienne qui concerne généralement tout le monde (Eichler et al., 2004 ; Stavridou & Marinopoulos, 2001), ce qui peut être un facteur important de la mémorisation.
La relation entre la mémorisation des films et la nature des images est donnée dans le tableau suivant.
La mémorisation des films ne semble pas influencée par la nature des images (animation, diaporama, vidéo), ce qui est en accord avec le fait que les représentations visuelles dynamiques ne sont en général pas supérieures à celles qui sont statiques (Lewalter, 2003).
Nous avons comparé les connaissances mises en jeu dans les films regardés par les élèves et celles qu’ils ont évoquées en répondant aux questions de la tâche. L’exemple représentatif suivant, extrait de réponse écrite de Jéremy, montre comment nous avons réalisé cette comparaison.
Les événements [réaction chimique (1) ; réaction chimique et s’abîmer (2) ; formation des pluies acides (3)] mis en jeu dans le texte du film sont exprimés par Jéremy en utilisant ses propres mots [attaquer (1) ; éroder (2) ; devenir (3)].
Connaissances de film utilisées par Jéremy | Texte du film | Image du film | Niveau de la connaissance de film utilisée | Représentation dans le film de la connaissance utilisée |
pluies acides | X | X | O | représentation iconique |
pluies acides attaquent les feuilles des arbres | X | X | E | photo |
pluies acides érodent la statue | X | X | E | photo |
pluies deviennent acides | X | é | — | |
degagements des usines | X | E | représentation iconique | |
nuages | X | O | représentation iconique | |
gaz | X | O | représentation iconique |
Ce tableau montre que, après une semaine, Jéremy utilise des informations essentiellement évoquées dans l’image du film par les représentations iconiques. Elles apparaissent avec les propres mots de l’élève qui ne restitue pas le texte tel qu’il l’a entendu, mais qui commente, surtout au niveau perceptible, certaines des images. C’est également le cas des trois autres élèves pour lesquels les films sont évoqués à 57% par leurs images (tableau 4.20).
Rappel des films | Combien de fois | % |
rappel avec les textes de films | 39 fois | 43% |
rappel avec les images de films | 51 fois | 57% |
Total | 90 fois | 100% |
Cette expérience confirme la supériorité de la mémorisation de l’image par rapport au texte (Vézin, 1986, cité par Drouin, 1987, p.16 ; Dubois & Tajariol, 2001) et notre travail précise d’une part la prédominance de la mémorisation des représentations iconiques (58%) et d’autre part leur restitution principalement sous forme perceptible (59%) (tableaux 4.21 et 4.22). Ces informations peuvent se révéler précieuses autant pour les créateurs de films qui ont intérêt à utiliser des représentations iconiques pour les connaissances essentielles que leur utilisateur qui doivent s’attendre à une restitution perceptible, donc peu théorisée.
Représentations dans les films des connaissances utilisées par les élèves | Combien de fois | % |
représentations iconiques | 31 fois | 58 % |
représentations symboliques | 2 fois | 4 % |
photos | 8 fois | 15 % |
vidéo | 12 fois | 23 % |
Total | 53 fois | 100% |
Niveaux des connaissances de films utilisées par les élèves | Combien de fois | % |
connaissances perceptibles | 34 fois | 59% |
connaissances reconstruits | 20 fois | 34% |
connaissances théoriques | 4 fois | 7% |
Total | 58 fois | 100% |
Les analyses des réponses écrites des élèves sont données dans les annexes (voir l’annexe III.8).
Chaque sous système, verbal ou visuel, de la mémoire de travail a une capacité limitée pour stocker des informations (Chandler & Sweller, 1991 ; Baddeley, 1992).
La supériorité de l’image sur le texte aux niveaux du traitement et de l’encodage des informations (Clark & Paivio, 1991).
D’après le psychologue allemand Hermann Ebbinghaus (1885, cité Weil-Barais, 1999) la mémorisation est supérieure pour les items apparaissant au début d’une liste, effet de primauté, et à la fin, effet de récence.