V.6. Synthèse des résultats

Avec ce travail nous avons cherché à analyser l’impact cognitif des versions P et R des films sur leur utilisation par les élèves. Les résultats quantitatifs obtenus sont importants pour la création et l’utilisation des films scientifiques dont la production est souvent contrainte par la réalisation des images à cause de contingences matérielles. En revanche, une plus grande liberté apparaît pour l’écriture du texte d’accompagnement. Celui-ci peut décrire ce qui est vu, mettant en mot les images : « la solution bleue devient jaune », ou en décrire une reconstruction : « l’indicateur coloré change de forme ». Par ailleurs, on ne peut pas toujours utiliser les deux styles parce que le rythme des images fixe la longueur du texte d’accompagnement, imposant souvent de faire un choix. Il se peut aussi que le public pour lequel le film a été créé ne soit pas en mesure de s’intéresser indifféremment à un style ou à l’autre.

L’utilisation par 16 élèves des connaissances mises en jeu dans les films a montré que les versions P conduisent à une plus grande utilisation des images (règle 1), et que les connaissances issues du texte d’accompagnement sont plutôt, comme dans le film, de nature perceptible (règle 2). En revanche, les films R pour lesquels l’image est moins utilisée donnent lieu à un discours des élèves utilisant plus fréquemment le vocabulaire spécifique de la chimie. Nos résultats montrent que suivant le caractère perceptible ou reconstruit du texte d’accompagnement, les films scientifiques n’ont pas le même impact sur l’usage qui est fait des images par les spectateurs comme en atteste la nature des connaissances qui sont réutilisées dans des conditions très voisines. Le texte d’un film plutôt reconstruit, plus difficile à comprendre par les termes mis en jeu, met le spectateur dans un contexte de réutilisation plus scientifique. Le coût cognitif qu’il investit pour comprendre le film est rentabilisé par une possibilité de réutiliser les connaissances reconstruites.

La similarité des résultats des deux expérimentations montre que l’utilisation des informations contenues dans le film, que l’on ait le film sous les yeux (cas de l’hyperfilm) ou pas (films indépendants), ne semble pas être un facteur d’influence. Dans le second cas, les élèves travaillaient donc avec le souvenir, certes récent, des films qu’il venait de voir. Au chapitre IV, nous avons montré que la mémorisation des films était rendue plus difficile par l’abondance des événements présentés et qu’elle passait par une narration des images avec les mots propres de l’élève, plutôt que par une restitution de fragments de textes du film. L’expérimentation avec les films indépendants, pour laquelle nous avons trouvé une exception notable à la règle 1 s’explique donc. L’élève, en travaillant avec le souvenir du film, a eu tendance à en utiliser les images plus que le texte.