Université Lumière Lyon 2
Institut de Psychologie
Ecole Doctorale de Sciences Cognitives
Mention psychologie
Neurosciences et systèmes sensoriels
La mémoire olfactive humaine : Neuroanatomie fonctionnelle de la discrimination et du jugement de la familiarité
Sous la direction de Monsieur Jean-Pierre Royet
En vue de l’obtention du titre de
Docteure ès Sciences Cognitives, mention Neurosciences
Le 16 septembre 2005
Jury :
Dr. Driss Boussaoud,
Dr. Sylvie Issanchou,
Dr. Jean-Pierre Royet ,
Pr. David A. Kareken,
Pr. Rémy Versace,
Pr. Robert J. Zatorre.

AVANT-PROPOS

L’odeur 1 des gens que nous côtoyons, celle des lieux où nous avons vécu, l’odeur de la nourriture, de l’enfance, des parfums, … Mais aussi l’odeur de la maladie, du sale, de la misère… Toutes ces odeurs nous entourent et enrichissent notre vie. L’odorat, alors qu’il est vital chez l’animal, n’est pas essentiel à la survie de l’Homme, il est un luxe, il contraste la vie, la rendant plus intéressante. Que nous reste-t-il de ce sens primitif ? Comment notre cerveau perçoit-il les odeurs, comment les analyse-t-il ?

Notre équipe de recherche (équipe Perception, Emotion et Cognition Olfactives) s’intéresse aux traitements cognitifs de l’information olfactive effectués par le système olfactif central, une fois l’odeur détectée par le système olfactif périphérique. De tous les processus qui peuvent être mis en jeu lors de l’analyse de l’information olfactive, notre équipe focalise son intérêt sur les processus émotionnels et mnésiques, et aborde leur étude en utilisant les techniques d’imagerie cérébrale de tomographie par émission de positons (TEP) et d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). Ces processus cognitifs olfactifs sont étudiés aussi bien chez le sujet sain que chez le patient présentant des déficits olfactifs. Depuis mon intégration à l’équipe, j’ai étudié ces deux types de processus. La problématique de cette thèse porte cependant principalement sur l’étude des processus mnésiques olfactifs, et seuls les travaux relatifs à ce thème sont par conséquent présentés dans ce manuscrit. Ceux relevant de l’étude des processus olfactifs émotionnels sont toutefois cités dans le texte, notamment dans l’introduction, et sont présentés en annexe.

Organisation du manuscrit

Ce manuscrit est organisé en trois grands chapitres. Le premier chapitre est une introduction générale aux concepts et aux données de la littérature portant sur le système olfactif. Nous centrons principalement notre attention sur les données issues des études d’imagerie cérébrale. Le deuxième chapitre présente les données expérimentales acquises lors de cette thèse. Le troisième chapitre tient lieu de conclusion générale, et présente les perspectives.

Le premier chapitre introductif est organisé en cinq sections. La première section décrit l’anatomie des systèmes olfactifs périphérique et central. Notre connaissance des données anatomiques est surtout issue des études effectuées chez l’animal. Quelques données sur les autres systèmes chimiosensoriels participant au traitement de l’information olfactive sont également présentées. La deuxième section décrit les principes des techniques d’acquisition des images cérébrales fonctionnelles et de leur analyse. La troisième section aborde le système olfactif central humain par son versant fonctionnel. Après s’être brièvement intéressée aux découvertes issues des travaux sur les patients qui présentent des dysfonctionnements olfactifs, elle présente ensuite les avancées majeures obtenues grâce aux techniques d’imagerie cérébrale. Elle détaille notamment l’état actuel des connaissances sur les bases neuronales des processus olfactifs émotionnels et mnésiques. La quatrième section décrit les différents systèmes de mémoire et les tâches utilisées pour sonder les performances mnésiques olfactives. Enfin, la cinquième section présente les objectifs de cette thèse.

Le deuxième chapitre présente l’étude des processus mnésiques olfactifs dans trois sections distinctes. La première section traite de l’étude d’un pan de la mémoire à court terme à partir de la tâche de discrimination successive d’odeurs présentées par paire. La deuxième section, organisée en deux parties, s’intéresse à un processus de mémoire de reconnaissance olfactive à long terme : le jugement de la familiarité des odeurs. Après une première partie portant exclusivement sur ce processus, la deuxième partie compare les processus mis en jeu lors des jugements de la familiarité des odeurs et de la musique, et dissocie le sentiment de familiarité du sentiment de non familiarité. La troisième section étend les travaux précédents à l’étude des processus olfactifs mnésiques et émotionnels chez les patients atteints de schizophrénie. Les résultats sont présentés sous forme d’articles scientifiques publiés ou en préparation.

Le troisième chapitre présente la conclusion générale de nos travaux, discute l’ensemble des avancées de cette thèse, et en donne quelques perspectives.

Notes
1.

Académiquement, une odeur est définie comme une « Emanation volatile, caractéristique de certains corps et susceptible de provoquer chez l’homme ou chez un animal des sensations dues à l’excitation d’organes spécialisés » (Le petit Robert, 2001).

Chimiquement, pour être odorante, une molécule doit présenter deux caractéristiques. Premièrement, elle doit être suffisamment volatile pour atteindre la muqueuse olfactive. La pression de vapeur permet de mesurer la volatilité d’une odeur. Plus cette pression est grande, et plus la volatilité d’une molécule l’est aussi. Deuxièmement, la molécule chimique doit être soluble dans le mucus. Le mucus étant majoritairement constitué d’eau, la molécule doit être en partie hydrophile.

Physiologiquement, une odeur peut aussi être définie comme une molécule chimique pouvant être capturée par un neurorécepteur olfactif. Par cette définition, le neurorécepteur olfactif devient essentiel. En 2004, Buck & Axel, reçoivent le prix Nobel de médecine pour avoir identifié les gènes codant les récepteurs olfactifs, protéines capables de capturer une odeur et d’envoyer au cerveau un message olfactif correspondant.