Les processus attentionnels et le cortex piriforme

Afin de dissocier les processus cérébraux olfactifs de ceux liés à la respiration (processus moteurs et somesthésiques), l’équipe de Noam Sobel étudie spécifiquement le flairage (Sobel et al., 1998a; Sobel et al., 1998b), c'est-à-dire le processus qui permet, en inspirant nettement, de faire entrer de l’air dans les narines. Même en l’absence d’odeur, le flairage induit une activation dans le cortex piriforme, traditionnellement décrit comme un cortex olfactif (Sobel et al., 1998a; Sobel et al., 2000). Les auteurs expliquent ce résultat par la mise en jeu d’un processus attentionnel. Le cortex piriforme serait ainsi prévenu de l’arrivée imminente d’une odeur, ce qui augmenterait la probabilité de sa détection.

David Kareken et ses collaborateurs (2004) contredisent ces résultats. Ils comparent les patterns d’activation obtenus quand les sujets flairent l’air, avec ceux induits quand les sujets inspirent selon la méthode appelée vélopharyngée (velopharyngeal closure). Dans ce dernier cas, les sujets inspirent l’air par la bouche tout en fermant le passage entre la cavité buccale et le pharynx, et en élevant leur palais mou avec l’arrière de la langue. De cette façon, les odeurs atteignent les récepteurs olfactifs en passant par la voie rétronasale, sans entraîner de stimulation somatosensorielle des narines. Alors que les activations cérébrales liées à la détection d’odeurs sont les mêmes pour ces deux techniques, les auteurs montrent également que le flairage n’entraîne pas plus d’activation du cortex piriforme que la technique vélopharyngée. Comment expliquer l’activation du cortex piriforme par l’équipe de Noam Sobel lors du flairage ?

Récemment, Christina Zelano et ses collaborateurs (2005) apportent un élément de réponse à cette question. Ils montrent que l’activation de la partie frontale du cortex piriforme (ainsi que le tubercule olfactif) dépend de l’attention du sujet sur le contenu de son flairage. Les auteurs mettent en évidence ce résultat en soustrayant une condition non attentionnelle où le sujet flaire de l’air inodorisé à une condition attentionnelle où le sujet est dans l’attente d’un stimulus odorant (bien qu’aucun odorant ne lui soit présenté). Selon les auteurs, le cortex piriforme exercerait un contrôle centrifuge sur le bulbe olfactif dans le but d’augmenter la détection d’une hypothétique odeur. Le cortex piriforme jouerait donc un rôle, non pas dans le processus de flairage, mais dans l’attention portée au contenu (odeur ou non) de l’air inspiré.