2.2.2. L’implication du cortex piriforme droit dans le jugement de la familiarité des odeurs

La première découverte majeure de l’Etude 2 est l’implication spécifique du cortex piriforme dans l’évaluation de la familiarité des odeurs. Cette spécificité est démontrée en comparant les patterns d’activation évoqués par le jugement de familiarité avec ceux induits par la tâche de détection des odeurs. Seuls les processus associés au jugement de la familiarité sont supposés alors être significativement activés. Ce résultat est en accord avec d’autres observations montrant l’implication du cortex piriforme dans la tâche de mémoire de reconnaissance des odeurs (Savic et al., 2000; Dade et al., 2002). Dade et al (2002) observent même que cette activation est proportionnelle à la durée de rétention des odeurs. Alors que la tâche de mémoire de reconnaissance à court terme n’entraîne qu’une faible activation des cortex piriformes, la tâche de mémoire de reconnaissance à long terme induit une plus forte activation de ces cortex.

La deuxième découverte majeure de notre étude est la latéralisation de l’activation du cortex piriforme dans l’hémisphère cérébral droit lors de jugement de la familiarité des odeurs. Cette latéralisation est statistiquement significative dans notre étude, et est testée lors d’une comparaison directe entre les niveaux d’activations obtenus dans le cortex piriforme et ceux obtenus dans la région piriforme controlatérale. Ce résultat est conforme aux données de l’étude de Savic et al. (2000) sur la mémoire de reconnaissance montrant une activation du cortex piriforme seulement dans l’hémisphère cérébral droit. De même, bien que Dade et al. (2002) n’indiquent pas une telle latéralisation, seul le cortex piriforme droit est montré dans la comparaison directe ‘Mémoire de reconnaissance à long terme – Mémoire de reconnaissance à court terme’.

Dans ce même cadre de réflexion, la comparaison des résultats de nos deux expériences d’IRMf sur le jugement de familiarité est fort instructive. Avant de détailler davantage notre argumentaire, il nous faut préciser que le protocole expérimental de l’Etude 3 n’a pas été construit en vue d’étudier spécifiquement le jugement de la familiarité des odeurs. Ceci explique que les résultats présentés ci-dessous ne figurent pas dans l’article valorisant cette étude. Dans l’Etude 3, et en centrant notre attention sur les régions médio-temporales, nous observons que l’activation située dans l’hémisphère cérébral gauche s’étend selon un axe rostro-caudal entre le piriforme postérieur et le gyrus parahippocampique, et que celle située dans l’hémisphère cérébral droit s’étend entre le piriforme frontal antérieur et l’hippocampe (Tableau 2).

Tableau 2. Tableau regroupant les activations cérébrales olfactives observées dans l’Etude 3 au niveau des régions temporo-limbiques.
Contraste Aire cérébrale k Z x y z
OF + OuF – 2R (p = 0.005) Cortex piriforme post. 79 4.50 -21 0 -14
  Hippocampe / Pédoncule cérébral   3.90 -12 -12 -14
  Hippocampe   3.38 -29 -9 -14
  Gyrus parahippocampique   3.03 -21 -24 -14
  Amygdale / Piriforme temporal post. 54 3.43 30 3 -18
  Cortex entorhinal   3.28 18 3 -21
  Cortex piriforme ant. frontal   3.14 27 12 -18
  Hippocampe   3.14 12 -9 -11
  Amygdale   3.05 21 -3 -14
OF - OuF (p = 0.001) Amygdale / Hippocampe 13 3.30 -21 -3 -21
  Amygdale / Piriforme temporal post.   3.20 -12 -3 -14

Note : ant, antérieur k, taille du cluster d’activation ; Z, valeur Z ; OF, odeur familière ; OuF, odeur non familière ; p, seuil de significativité ; post, postérieur ; R, repos ; x, y, z, coordonnées du cluster d’activation.

Premièrement, ce pattern de réponse est très semblable à celui observé dans notre seconde étude d’IRMf (Figure 26), et la similitude des résultats entre les deux études conforte notre conviction de l’implication de ces structures dans le jugement de la familiarité des odeurs. Deuxièmement, quand les sujets font la tâche de jugement de familiarité, nous observons également dans les deux cas que le cortex piriforme temporal antérieur est activé uniquement du côté droit. Ce résultat identique dans les deux études en dépit des différences de procédures est remarquable. Il confirme notre interprétation préalable de latéralisation fonctionnelle dans l’hémisphère droit du processus associé au jugement de familiarité des odeurs(Royet et al., 1999; Royet et al., 2001b; Royet & Plailly, 2004). Il est toutefois important de souligner que cela n’est plus vrai quand seul le sentiment de familiarité (contrairement au jugement de la familiarité- comprenant les sentiments de familiarité et de non familiarité mêlés) est pris en compte. Cette latéralisation dans l’hémisphère cérébral droit serait donc spécifique à la tâche de jugement de la familiarité plutôt qu’au sentiment qu’une odeur est familière.