1. 1. 2. Premiers textes théoriques sur la scénographie au XVIIIe siècle

En présentant les textes de réflexion théorique sur la scénographie au XVIIIe siècle de manière séparée de la pratique, nous voulons mettre en lumière plusieurs points : l'apparition et le développement au long du XVIIIe siècle de cette réflexion théorique dans des textes diffusés publiquement, l'émergence de thèmes privilégiés et d'arguments qui seront réemployés, transformés, contestés au long du débat sur la scénographie.

Si l'on met à part Sebastiano Serlio (1475-1554) et son traité sur l'architecture, dont l'un des chapitres est consacré aux "lieux de spectacle", et qui connut une première édition en langue allemande en 1605, 37 le premier auteur qui aborda publiquement, bien que succinctement, les costumes et décors de théâtres sous un angle théorique en Allemagne est Johann Christoph Gottsched. En même temps qu'il établit de nouvelles normes d'écriture dramatique, il réfléchit à la pratique du théâtre de son temps et réclama une nouvelle manière de jouer et d'agencer la scène. Ses exigences n'eurent pas de conséquences immédiates sur les pratiques scéniques, mais elles ont été en partie réalisées par la suite, c'est pourquoi nous les présenterons rapidement. D'autres textes suivirent dans lesquels une place était accordée à la scénographie. Le cadre de cette étude ne nous permet pas d'évoquer en détail chacun des textes, mais il faut en rappeler l'existence. Roland Krebs, dans L'idée de "Théâtre National" dans l'Allemagne des Lumières indique un essai de Christlob Mylius paru dans les Contributions critiques. 38 L'un des premiers traités qui abordent un peu plus longuement la décoration théâtrale est l'Essai sur l'Opéra (Saggio sopra l'Opera in musica) rédigé par le comte Francesco Algarotti, 39 un essai qui parut d'abord en italien en 1763 et dans sa traduction allemande en 1769. Algarotti propose des idées novatrices pour la scénographie ; son raisonnement est profondément marqué par les Lumières, mais il fait aussi déjà quelques propositions qui annoncent les idées réformatrices des architectes néo-classiques. Quant à Gotthold Ephraim Lessing, il évoque rapidement la question des décors dans la Dramaturgie de Hambourg (1767-69) dans une réplique à Voltaire ; nous avons relevé également cette remarque parce qu'elle se fonde sur les pratiques scéniques du théâtre élisabéthain.

Nous avons vu qu'à partir des années 1770-80 se développe une nouvelle théorie du jeu scénique qui entraîne une réflexion sur la pratique du costume. Rappelons l'importance de la création du Götz de Berlichingen de Goethe en 1774 qui repose la question de l'historicité des costumes. Dans les deux dernières décennies du XVIIIe siècle, des petits traités se multiplient, qui paraissent principalement dans les journaux ou almanachs consacrés au théâtre et qui abordent des problèmes de scénographie. Ainsi, Roland Krebs cite un article de Christian Heinrich Schmid paru dans le Calendrier Theâtral de l'année 1783 40 Selon R. Krebs, C. H. Schmid y "résume l'évolution du théâtre allemand dans les cinquante dernières années. En quatre rubriques : littérature dramatique, acteurs, éléments extérieurs des représentations, critique théâtrale et théorie dramatique, l'article retrace le chemin parcouru par étapes successives." 41 D'autres exemples de traités : en mars et juillet 1787 paraît à Berlin "Quelques mots au sujet du costume des acteurs" ; en 1788 à Francfort sur le Main "Au sujet des habits sur la scène". 42

Toutefois les premiers véritables traités sur la scénographie à part entière sont des traités sur les décors qui paraissent à la toute fin du XVIIIe siècle. Leurs auteurs appartiennent à un groupe particulier, celui des architectes et architectes-décorateurs de théâtre. A travers leurs textes et leur appel à des réformes de la scène et de la scénographie, ils lancent un débat sur le sujet qui connaîtra plusieurs étapes et évolutions successives que nous présenterons plus loin.

Nous avons voulu citer ci-dessous quelques extraits importants de cette réflexion théorique sur la scénographie qui apparaît tout au long du XVIIIe siècle, et avons centré notre attention sur J. C. Gottsched et G. E. Lessing en qualité de personnages influents de l'histoire du théâtre au XVIIIe siècle. Nous verrons que les changements demandés dans les textes théoriques ou les thèmes abordés ont ensuite également été les thèmes du débat sur la scénographie qui s'est développé à Berlin au début du XIXe siècle.

Johann Christoph Gottsched (1700-1766) a demandé dès 1730, dans son Essai d'une poétique critique pour les Allemands, une attention non seulement à la "vraisemblance" 43 des œuvres poétiques dramatiques, mais aussi à leur réalisation sur la scène. Gottsched est l'un des premiers à impliquer la scénographie dans les objectifs qu'il fixe pour la création d'un théâtre allemand de qualité. Il attribue également une fonction d'éducation (didactique) au théâtre. Erika Fischer-Lichte rappelle dans sa Petite histoire du théâtre allemand que "les écrivains, artistes, savants, bref les intellectuels du XVIIIe siècle conçoivent et définissent le théâtre unanimement comme un instrument de l'Aufklärung." 44 Certes, la place accordée à la scénographie dans la Poétique est réduite par rapport à l'ensemble de la réflexion théorique sur la littérature. Toutefois, Gottsched s'est exprimé à deux reprises sur les questions de scénographie, dans le chapitre consacré à la tragédie et celui consacré à la comédie.

L'exigence d'un plus grand respect de la vérité historique, même si elle n'est pas encore formulée telle quelle, est notée dans le chapitre n° 10 consacré à la tragédie. Après avoir présenté et justifié les règles de l'écriture dramatique pour les œuvres tragiques dans ce chapitre, Gottsched propose de traiter encore les "machines et autres embellissements de la scène". Remarquons que Gottsched n'emploie ni le terme "Bühnenbild", ni "Dekoration", mais le terme révélateur Zierat (décoration, embellissement). Il déconseille aux nouveaux auteurs l'insertion de cette forme d'embellissement que sont les machines et apparitions de dieux, car elles ne paraissent plus très vraisemblables "en ces temps éclairés" (in unseren aufgeklärten Zeiten) et risquent de faire naître le rire dans le cadre sérieux de la tragédie. Il estime que les "transformations de la scène" (Veränderungen der Schaubühne), c'est-à-dire les décors (même s'il ne s'agit toujours que d'un seul lieu à la fois pour une représentation), "une rue, une salle royale, un campement, une forêt, un village, un jardin", constituent une meilleure décoration que les machines, parce qu'ils rendent visibles le lieu de l'action. 45 Puis Gottsched évoque les vêtements des acteurs (Kleidungen). Dans ce cas également, les personnes doivent paraître en habit romain, grec, perse, espagnol, ou vieil-allemand et doivent "imiter cet habit de la façon la plus naturelle possible." Nous pensons que l'adjectif "naturel" (natürlich) doit être entendu comme "authentique", "proche de la nature". L'enjeu en vaut la peine :

‘Plus on s'approche de la perfection dans cette entreprise, plus grande sera la vraisemblance et plus les yeux du spectateur en seront réjouis. 46

Gottsched, en montrant qu'il est conscient des difficultés, fait preuve d'une grande exigence. La vraisemblance est le maître mot de sa réflexion théorique. Mais nous sommes aussi frappée de voir l'importance accordée au regard, et l'idée que le plaisir esthétique naît de la vraisemblance. Presque une centaine d'années plus tard, le comte Brühl, administrateur des théâtres berlinois (1815-1828), tiendra un discours analogue sur le plaisir que procure ce qui est "vrai". Gottsched ajoute quelques précisions :

‘C'est pourquoi cela est ridicule quand nous donnons à voir des citoyens romains en vêtements de soldats avec une épée au côté : puisqu'ils portaient des vêtements larges de couleur blanche. Il est encore quelque chose de plus étrange, lorsque l'on va jusqu'à leur donner des perruques de cérémonies et des chapeaux garnis de plumes ou autres choses de ce genre. Ici un inspecteur du théâtre compétant en la matière doit avoir contemplé les choses antiques et doit étudier avec soin les images des habits de toutes les nations qu'il veut présenter sur la scène. 47

Gottsched demande donc un plus grand respect de la vérité historique, ce qui passe par une recherche scientifique. L'exigence de Gottsched a trouvé une forme de réalisation lorsque l'on a fait appel au savoir des peintres pour déterminer les costumes et les décors. Dans l'immédiat toutefois, ses demandes ne trouvèrent guère d'écho. 48 Le comte Brühl nommé ci-dessus a ultérieurement appliqué le principe d'une recherche méticuleuse à la lettre et, dans le même esprit, a fait même diffuser des gravures comme modèles.

Dans le chapitre n° 11 consacré à la comédie, Gottsched n'évoque les décors, toujours appelés Verzierungen, que très succinctement :

‘La décoration de la scène représente le lieu où se produit toute la fable ; communément il s'agit d'une maison bourgeoise, ou d'une rue dans la ville, où l'on voit différentes maisons des deux côtés. 49

Les décors ont encore moins d'importance dans la comédie, et Gottsched semble leur attribuer une fonction unique et réduite : indiquer le lieu de l'action. Pour les costumes Gottsched demande :

‘Les habits des personnes doivent être agencés selon leur caractère et leur état. 50

Certes le terme de caractère ne doit pas être entendu au sens moderne de "personnalité", mais Gottsched insiste sur la spécificité de chaque personnage. Il demande que les tenues grotesques (närrische Kleider), soit les costumes-types, soient abandonnées. Le pays, la région indiqués par le costume doivent correspondre à la situation véritable du personnage (c'est l'invraisemblance des costumes-types dont la signification est codée, non réaliste, qui est visée). Lorsque Gottsched réclame des noms nouveaux pour les personnages, il demande l'abandon du système des types pour une diversification des caractères. Cette voie en direction d'un plus grand réalisme a été ensuite suivie par les auteurs du XVIIIe siècle. Elle amena une différentiation plus nette entre les classes sociales et leur représentation exacte à travers le costume. L'acteur A. W. Iffland a fait plus particulièrement sienne cette idée dans sa théorie du jeu et du costume de théâtre.

La critique de la richesse de la décoration ou des costumes n'est pas formulée explicitement par Gottsched. Certes, l'attention à la qualité d'une personne implique le rejet d'une richesse inopportune du vêtement (la soubrette ne doit pas se parer comme sa maîtresse) ; et de la même manière, un acteur en toge doit respecter la sobriété du costume. Nous nous sommes demandé laquelle des deux exigences d'un plus grand réalisme pour les vêtements contemporains et de l'authenticité des costumes du passé est apparue la première ; et peut-être l'Essai poétique de Gottsched nous en livre-t-il la réponse : elles sont concomitantes et conséquence de la même exigence de vraisemblance.

Gotthold Ephraim Lessing (1729-1781), qui a proposé une réflexion théorique importante sur le jeu théâtral, s'est moins exprimé sur les questions de scénographie. Un passage de la Dramaturgie de Hambourg mérite néanmoins d'être cité dans le cadre de cette étude. Il s'agit d'un passage du 80ème chapitre, qui s'inscrit dans le raisonnement suivant : "Nous [i. e. les Allemands] n'avons pas encore de théâtre", constate Lessing, qui s'empresse d'ajouter que les Français n'en ont pas non plus, et en aucun cas un théâtre tragique. Et Lessing de citer (en allemand) Voltaire, qui s'exprime sur un défaut qui caractérise les tragédies françaises : leur froideur. 51 Outre l'esprit de galanterie qui régnait au XVIIe siècle, Voltaire voit encore "une autre cause qui tint la grandeur pathétique éloignée de notre scène, et empêcha de rendre l'action vraiment tragique, et cette raison est l'étroitesse et la mauvaise qualité des théâtres, avec leur pitoyables décorations." Et Voltaire poursuit (toujours cité par Lessing) :

‘Qu'était-il possible de réaliser sur une douzaine de planches, de plus remplies de spectateurs ? Au moyen de quelle pompe, de quel apprêtements pouvait-on alors séduire, retenir, éblouir le regard du spectateur ? Quelle grande action tragique était-il alors possible de représenter ? Quelle liberté pouvait alors avoir l'imagination du poète ? Les pièces étaient nécessairement constituées de longs récits, et ainsi elles devinrent plus une conversation qu'une action. 52

L'affirmation de Voltaire est exacte dans son allusion à la présence de spectateurs sur la scène, une coutume qui ne fut abolie qu'à la moitié du XVIIIe siècle. Voltaire mêle plusieurs arguments : l'importance des effets scéniques et du visuel, l'importance de la variété des décors, l'importance de la "mise en scène" à côté du texte. L'affirmation est intéressante en ce sens qu'elle souligne le lien entre création dramatique et pratiques scéniques. Lessing cependant répond par une série d'interrogations qui tournent les propos de Voltaire en dérision.

‘ Serait-il possible que le manque d'un théâtre spacieux et de décorations de qualité ait exercé une telle influence sur le génie des poètes ? Est-ce vrai que toute action tragique exige pompe et apprêtements ? Le poète ne devrait-il pas bien plus arranger sa pièce de telle manière qu'elle fasse pleinement son effet aussi sans ces choses ?’ ‘D'après Aristote, c'est bien là ce qu'il devrait. 53

La référence à Aristote est l'argument imparable pour étayer tout propos. Mais c'est surtout la suite de l'argumentation de Lessing qui nous intéresse, parce qu'il y fait référence aux pratiques scéniques (non uniquement à la dramaturgie) du théâtre élisabéthain. Or, les différentes assertions que nous citons ci-dessous seront exploitées par les Romantiques dans leur critique des pratiques scéniques contemporaines, ainsi que par ceux qui défendent le point de vue inverse ; il s'imposait de conserver l'ensemble du texte qui suit.

‘Avec les pièces de Shakespeare, on a fait la singulière expérience de voir à quel point il est possible de se passer de décorations théâtrales en général. Quelles pièces nécessitaient plus que celles-ci l'assistance des éléments scéniques et de tout l'art du décorateur, en raison des interruptions et des changements de lieu permanents ? Il y eut néanmoins une époque où les scènes sur lesquelles elles étaient jouées n'étaient faites de rien d'autre que d'un rideau de toile grossière et de mauvaise qualité, qui, quand il était remonté, faisait voir des murs nus, tout au plus couverts de nattes et de tentures ; seule l'imagination pouvait aider le spectateur à comprendre et l'acteur à jouer le rôle, et en dehors de cela, on dit que les pièces de Shakespeare étaient bien plus compréhensibles sans aucun décor qu'elles ne le furent par la suite avec des décors. 54

On remarquera que Lessing, comme Gottsched, n'emploie pas le terme de Dekorationen, mais le terme de Verzierungen et même de Szene, que nous comprenons dans le sens de "l'ensemble du décor". Lessing réfute donc l'argument de Voltaire et s'efforce de démontrer que la qualité des œuvres (textes) est indépendante des moyens de la scène. Or, Lessing accorde beaucoup d'importance à un jeu réaliste de l'acteur, qui doit cependant être idéalisé selon les règles de la beauté. Certes, il n'utilise pas l'argument dans la perspective précise d'une critique raisonnée de la décoration théâtrale ; son affirmation provocatrice le place cependant comme quelqu'un qui remet en question à la fois la richesse de la décoration ("la pompe") et l'exécution réaliste de la décoration comme condition de l'illusion théâtrale. En effet, Voltaire parlait d'un manque de variété des décors qui brime l'imagination du poète ; Lessing rappelle les multiples changements de lieux chez Shakespeare, qui posent le problème de leur représentation, techniquement impossible. Rappelons que la tendance des pratiques scéniques au XVIIIe siècle est une tendance au réalisme, à la reproduction mimétique du réel. Or ces idées de Lessing, qui sont ici sous-entendues et ne furent pas plus développées, sont revenues avec beaucoup plus de virulence dans le débat sur la scénographie qui eut lieu au début du XIXe siècle.

Les affirmations de Lessing à propos la scène élisabéthaine sont en fait la traduction littérale d'un auteur anglais, Cibber, auteur d'une Vie des Poètes de Grande Bretagne et d'Irlande, dont Lessing cite d'ailleurs le texte original. 55 Nous avons constaté lors de nos recherches que les mêmes termes ou des termes analogues "planches", "tréteaux", "tentures grossières", que la même description du théâtre élisabéthain sont revenus quarante, cinquante ans plus tard sous la plume d'A. W. Schlegel, de Tieck, de Louis Catel et même d'auteurs anonymes dans les journaux. Cette description d'une scène shakespearienne rustique devient une sorte de topos du débat. On se prononce alors pour ou contre la simplicité, la rusticité des décors de Shakespeare (et les prises de positions négatives sont plus répandues). D'autres rapprochements entre les idées insérées dans le 80ème chapitre de la Dramaturgie et des arguments ultérieurs peuvent être faits. Plus haut dans son texte, Lessing avait cité un passage d'Aristote dans lequel celui-ci affirme qu'il est plus difficile de faire naître la peur et la pitié par un récit bien agencé que par des éléments visuels. La question de la supériorité du sens de la vue ou de l'ouïe est revenue aussi dans le débat sur la scénographie. Pour finir, la valeur de l'imagination sera également l'un des arguments repris par les Romantiques. Nous nous demandons alors quel fut le rôle de Lessing dans la genèse des arguments du débat. Lessing reprenait-il des arguments déjà répandus ? La citation en anglais de Gibber signale que la question de l'importance de la décoration avait déjà été soulevée en Angleterre. La réflexion sur la reproduction du réel, sur une imitation fidèle ou non de la nature, traverse les réflexions philosophiques et esthétiques de l'ensemble du XVIIIe siècle. Nous voulons cependant poser l'hypothèse que Lessing fut le principal médiateur de ces quelques informations sommaires dont on disposait en Allemagne sur la scène élisabéthaine. En ce sens, plusieurs auteurs ultérieurs (notamment les Romantiques) lui doivent, à travers sa traduction et la citation originale de Cibber, plusieurs idées essentielles de leur argumentation. La deuxième partie de notre étude nous permettra de détailler et de commenter les aspects que nous avons introduits ci-dessus.

Si l'on dresse un bilan de l'évolution des pratiques scéniques dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et de l'influence de la réflexion théorique sur la scénographie, on notera plus particulièrement deux points.

Le réalisme dans l'emploi du costume (au sens d'une reproduction mimétique de la réalité empirique) est autour de 1800 communément admis parmi les intellectuels, les connaisseurs de théâtre, et il est même demandé par le public. Une partie des comédiens s'efforce également de respecter ce principe. Les critiques théâtrales blâment les comédiens qui ne se costument pas selon leur rôle, quand le costume est trop inexact ou trop riche.

L'évolution de la scénographie et plus particulièrement l'emploi des décors dans les représentations d'œuvres dramatiques (répertoire tragique, drames historiques) tend à se rapprocher de la beauté et de la splendeur des "mises en scènes" d'opéra. Le soin accordé à la scénographie des pièces de théâtre résulte autant de la volonté d'attirer le public que de donner aux spectacles le même éclat, la même grandeur qu'à ceux de l'opéra. Cette situation est rendue possible par le fait que les lieux d'art dramatique sont d'une part devenus des théâtres de cour et qu'un même bâtiment accueille parfois les deux arts dans une cité. Les théâtres disposent donc d'un appareil scénique et de moyens beaucoup plus importants. Alors que les intellectuels de l'Aufklärung avaient exprimé leur critique de l'opéra et du théâtre de cour, et de l'esthétique qui leur était propre, on peut donc voir ici une situation paradoxale due à la difficulté de remplir plusieurs exigences : qualité de la représentation, succès, règles esthétiques nouvelles, etc. Nous verrons, en présentant les réformes des deux directeurs à Berlin, qu'ils ne manquèrent pas d'être confrontés à ces contradictions. Quant aux écrivains romantiques, ils font connaître le regard critique qu'ils posent sur cette évolution.

Notes
37.

Von der Architectur : Fünf Bücher, "Schauplätze".

38.

Critische Beyträge, 1743, St. 30, p. 313 sq. Cité par R. Krebs, L'idée de "Théâtre National" dans l'Allemagne des Lumières […], Wiesbaden, 1985, p. 89.

39.

Francesco Algarotti (1712-1764) : amateur d'art, vulgarisateur de traités philosophiques de son époque, librettiste, directeur de théâtre et conseiller de Frédéric le Grand.

40.

Theater-Kalender auf das Jahr 1783, "Über die Fortschritte der dramatischen Dichtkunst in Teutschland seit Gottsched". pp. 82-102.

41.

R. Krebs, L'idée de "Théâtre National" […], op. cit., p. 547, note n°65.

42.

"Etwas über Schauspieler-Kostüm" in : Ephemeriden der Litteratur und des Theaters, Berlin, März und Juli 1787 ; "Ueber Kleidertrachten auf der Bühne" in : Dramaturgische Blätter, 1. Stück, 2. Oct. 1788.

43.

Sur les théories esthétiques de Gottsched et sa réforme du théâtre, on consulter le chapitre qui leur est consacré in : Marie-Hélène Quéval, Les Paradoxes d'Eros ou l'Amour dans l'œuvre de J. C. Gottsched, Bern […], Peter Lang, 1999. Vol. 48.

44.

"Die Schriftsteller, Künstler und Gelehrten, kurz die Intellektuellen des 18. Jahrhunderts begriffen und definierten das Theater übereinstimmend als ein Instrument der Aufklärung." E. Fischer-Lichte, Kurze Geschichte des deutschen Theaters, Tübingen, Francke, 1999 (2. Auflage). p. 86.

45.

Gottsched, Versuch einer kritischen Dichtkunst […], Stuttgart, Reclam, p. 173-174.

46.

"Je näher man es darin der Vollkommenheit bringet, desto größer wird die Wahrscheinlichkeit und desto mehr wird das Auge der Zuschauer vergnüget." ibid., p. 174.

47.

"Daher ist es lächerlich, wenn wir die römischen Bürger in Soldaten-Kleidern mit Degen an der Seite vorstellen : da sie doch weite Kleider von weißer Farbe trugen. Noch seltsamer aber ist es, wenn man ihnen gar Staats-Perücken und Hüte mit Federn aufsetzet u. dgl. Hier muß ein verständiger Aufseher der Schaubühne sich in den Altertümern umgesehen haben und die Trachten aller Nationen in Bildern ausstudieren, die er aufzuführen willens ist." ibid.

48.

R. Krebs explique même que Caroline Neuber se moqua de l'idée de Gottsched en faisant représenter le Caton de l'auteur en habits romains caricaturaux. Cf. L'Idée de "Théâtre National" […], op. cit., p. 89.

49.

"Die Verzierungen der Schaubühne stellen den Ort vor, wo die ganze Fabel gespielet wird ; gemeiniglich ein Bürgerhaus oder eine Gasse der Stadt, da man an beiden Seiten verschiedene Häuser sieht." Gottsched, op. cit., p. 195-196.

50.

"Die Kleidungen der Personen müssen nach ihrem Charakter und Stande eingerichtet sein." ibid., p. 195.

51.

Lessing ne donne pas la référence des déclarations de Voltaire. Il s'agit d'un essai : "Des divers changements arrivés à l'art tragique", s.d. Référence donnée in : G. E. Lessing, Werke, 4. Band : Dramaturgische Schriften, München, Hanser, 1973. p. 898.

52.

"Was ließ sich auf einem Paar Dutzend Brettern, die noch dazu mit Zuschauern angefüllt waren, machen ? Mit welchem Pomp, mit welchen Zurüstungen konnte man da die Augen der Zuschauer bestechen, fesseln, täuschen ? Welche große tragische Aktion ließ sich da aufführen ? Welche Freiheit konnte die Einbildungskraft des Dichters da haben ? Die Stücke mußten aus langen Erzählungen bestehen, und so wurden sie mehr Gespräche als Spiele." Lessing, Hamburgische Dramaturgie, 80. Stück. in Werke, 4. Band, op. cit., p. 603.

53.

" Sollte es möglich sein, daß der Mangel eines geräumlichen Theaters und guter Verzierungen einen solchen Einfluß auf das Genie der Dichter gehabt hätte? Ist es wahr, daß jede tragische Handlung Pomp und Zurüstungen erfordert? Oder sollte der Dichter nicht vielmehr sein Stück so einrichten, daß es auch ohne diese Dinge seine völlige Wirkung hervorbrächte? Nach dem Aristoteles sollte er es allerdings." ibid., p. 604.

54.

"Wie entbehrlich überhaupt die theatralischen Verzierungen sind, davon will man mit den Stücken des Shakespeares eine sonderbare Erfahrung gehabt haben. Welche Stücke brauchten wegen ihrer beständigen Unterbrechung und Veränderung des Orts, des Beistandes der Scenen und der ganzen Kunst des Decorateurs wohl mehr als eben diese? Gleichwohl war eine Zeit, wo die Bühnen, auf welchen sie gespielt wurden, aus nichts bestanden, als aus einem Vorhange von schlechtem groben Zeuge, der, wenn er aufgezogen war, die bloßen blanken, höchstens mit Matten oder Tapeten behangenen Wände zeigte; da war nichts als die Einbildung, was dem Verständnisse des Zuschauers und der Ausführung des Spielers zu Hülfe kommen konnte; und dem ohngeachtet, sagt man, waren damals die Stücke des Shakespeares ohne alle Scenen verständlicher, als sie es hernach mit denselben gewesen sind." ibid., p. 604-605.

55.

Cibber's Lives of the Poets of G. B. and Ir. Vol. II. p. 78,79.