L'écrivain et critique Adolf Müllner

Adolf Müllner nous intéresse par son activité de commentateur et de critique dramatique, même s'il est une personnalité bien moins importante de la littérature allemande. 313 Müllner est né en 1774 à Langendorf près de Weißenfels en Basse-Saxe, ville où il est décédé également en 1829. Il fut d'abord avocat avant de se consacrer plus tardivement à la littérature (principalement le théâtre) sous l'influence des auteurs français qu'il découvrit à l'occasion du passage répété de troupes françaises en 1806. Tieck, dans les Dramaturgische Blätter, cite les œuvres de Müllner parmi les productions récentes acceptables. Müllner fut en son temps une personnalité assez célèbre ; sa voix comptait et n'était pas anonyme. Il n'appartenait à aucun groupe littéraire. Selon l'ADB, il était lié d'amitié avec Kotzebue. Trois de ses œuvres (aujourd'hui oubliées) connurent un grand succès, Le vingt-neuf février (Der neunundzwanzigste Februar) en 1812, une reprise du Vingt-quatre février de Zacharias Werner ; La faute (Die Schuld), toujours en 1812 ; puis Le Roi Yngurd (König Yngurd) créé à Berlin en 1817, dont l'action se passe dans un pays nordique fictif avant l'ère chrétienne et qui contient une allusion cachée à Napoléon (Yngurd est un homme assoiffé de pouvoir, qui se détruit lui-même et son entourage). Une partie du public fit une lecture politique et nationaliste de cette œuvre. Müllner regretta les efforts effectués par le comte Brühl pour une scénographie "historique", il souhaitait quelque chose de plus intemporel. De plus, le choix d'une scénographie de type "historique" coûta beaucoup de temps et d'énergie, si bien que les représentations durent être repoussées contre le souhait de l'auteur. Les relations de Müllner avec la direction des théâtres berlinois en furent affectées. On peut qualifier ses œuvres, qui empruntent à Schiller et à Shakespeare, de "drames fatalistes" (Schiksalstragödien). Müllner rédigea également une série de comédies qu'il fit représenter sur la scène du théâtre amateur de Weißenfels, un théâtre qu'il remit sur pied (1810-1818). Le rédacteur de l'article de l'ADB précise que Müllner exerçait la fonction de régisseur, dirigeait les répétitions, jouait lui-même, rédigeait des pièces pour ce théâtre. 314 Cette expérience d'écrivain et d'homme de théâtre amateur le rendit à même de porter un regard critique très acéré, et ne manquant pas de justesse, sur le théâtre de son temps. Aussi Müllner livra une contribution à différents journaux par des recensions littéraires et critiques dramatiques. Il est fort possible que Müllner soit l'un des auteurs des critiques négatives parues dans la Spenersche Zeitung et dont nous reparlerons dans un instant.

Adolf Müllner est intervenu dans le débat sur la scénographie à travers un projet de "dictionnaire dramatique" (publié plus tardivement, mais dont certains extraits parurent déjà dans le Dramaturgisches Wochenblatt 315 en 1816-1817 et à travers des articles rédigés notamment pour un journal de Leipzig, Zeitung für die elegante Welt. Müllner y rédige les nouvelles arrivées par correspondance de Berlin. Un article, l'article "Costume" du futur "dictionnaire dramatique", publié le 6 janvier 1816 dans le Dramaturgisches Wochenblatt, nous a beaucoup intéressée pour la richesse des idées qu'il propose sur le sujet et pour la qualité de l'analyse. Nous en proposons donc un commentaire approfondi dans la deuxième partie de cette étude. Il fallait poser des limites à notre étude, donc nous avons fait le choix de ne pas étudier plus en détail les articles de la Zeitung für die elegante Welt, mais en consultant les articles parus autour de février-mars 1819, nous avons constaté que Müllner y relate et commente le débat sur la scénographie à Berlin. On peut donc dire qu'il continua de participer au débat à partir de Leipzig.

Notes
313.

Nos sources sur la vie et l'oeuvre d'A. Müllner sont la biographie assez détaillée donnée par l'ADB (Allgemeine Deutsche Biographie) et les indications d'U. Harten à propos de la représentation de la pièce de Müllner, Le Roi Yngurd en 1817 à Berlin, dont les décors furent créés par Schinkel.

314.

Er "besorgte die Regie, leitete die Proben, spielte regelmäßig selbst eine der wichtigsten Rollen, verfasste einen großen Theil der aufzuführenden Stücke." ADB, p. 151.

315.

Dramaturgisches Wochenblatt in nächster Beziehung auf die Königlichen Theater in Berlin, 1815-1817.