Le point de vue de Brentano est exprimé directement et sur un ton très polémique dans un long article paru en plusieurs volets à Berlin en novembre 1815 dans les Berlinische Nachrichten (Spenersche Zeitung). Cet article intitulé "De l'état du théâtre moderne dans la plus grande partie de l'Europe, peut-être partout. A l'occasion de l'Achille de Paer" constitue à nos yeux une sorte de reprise du combat, cette fois-ci durant l'administration du Comte Brühl qui a débuté en février 1815. La première partie de l'article fustige l'état catastrophique du théâtre au début du XIXe siècle ; la suite est plutôt consacrée au thème de l'amour d'Achille pour la belle Briséis et aux différentes possibilités bonnes et moins bonnes de le représenter. Brentano traite les questions de l'importance du texte, du rôle de la musique, de la fonction des costumes et des décors. Le thème de la richesse, du "luxe de la décoration" que nous voulons aborder dans ce chapitre tient une grande place dans l'article. On remarque aussi que les costumes et les décors sont directement mentionnés comme objet de discussion dans le titre d'une sous-partie, ce qui est un phénomène nouveau dans l'évolution du débat sur la scénographie et montre l'intérêt croissant que cet aspect du spectacle suscite (qu'on veuille le défendre ou le dénoncer).
Le titre de cette sous-partie résume la position de Brentano : "Au sujet des costumes et décors, choses secondaires devenues primordiales sur la scène européenne moderne, en regard de la poésie et de l'art du jeu". 374 Le ton est sarcastique ; l'amertume qui caractérise l'ensemble de l'article se fait déjà sentir dans le jeu de mots "secondaire" / "primordial" ("Nebensache / Hauptsache") et c'est sur le même ton que Brentano enchaîne :
‘Ce qui fait en partie le grand malheur dont les scènes européennes modernes dans leur ensemble n'arrivent pas à se défaire, c'est avant tout le triste préjugé des décorations. Sans produire ni fleurs, ni fruits, le théâtre est totalement monté en graine et devenu tout entier affaire de luxe […]. 375 ’On remarquera la langue et le style très particuliers de Brentano. Le texte abonde en images, en comparaisons de toute sorte qui expriment toutes la même chose : l'état moribond dans lequel se trouve le théâtre européen. La métaphore végétale constitue un jugement plus que sévère : le théâtre n'est ni plus ni moins comparé à une salade ou un chou qui est bon à être coupé et jeté, car il ne produit rien de beau ni de bon. Nous analyserons le texte de Brentano en deux temps. D'abord la critique de la situation actuelle considérée comme absurde, la dénonciation d'un "monde à l'envers" dans lequel le luxe de la scénographie joue un rôle de premier plan. Puis il sera question du théâtre tel qu'il devrait être, et dont la caractéristique principale serait justement l'absence de luxe, voire l'absence même décoration, dans le but de remettre au centre de la création théâtrale son matériau le plus précieux : l'être humain.
Brentano résume la récente évolution du théâtre dans les termes qui suivent :
‘Le poète devint chose secondaire, le corps des acteurs devint une chose principale déformée et médiocre, et ce qui est tout à fait subordonné […], l'habit et le lieu, c. à d. la décoration, est devenue l'origine principale du théâtre. Et l'art [théâtral], développant continuellement la décoration dans ce monde à l'envers, se dirige en Europe avec de grandes dilapidations intérieurement vers une mort spirituelle et morale, et extérieurement vers une mort sociale. 376 ’Reprenant les idées évoquées dans le sous-titre, Brentano insiste sur l'idée du renversement, de l'inversion des valeurs. Ce processus réapparaît plusieurs fois dans l'article et structure la réflexion du poète. Ce faisant, il reprend à son compte et de façon sérieuse l'idée que Tieck avait déjà exprimée sur un mode humoristique du théâtre devenu un véritable "monde à l'envers". L'ordre des trois éléments constitutifs du théâtre, le poète (c'est-à-dire le texte), l'acteur et la scénographie, est significatif. En regrettant que le poète devienne chose secondaire, Brentano reprend d'emblée l'argument le plus cher aux Romantiques dans leur critique de l'importance accordée à la scénographie : la valeur indiscutable du texte qui constitue le fondement de la représentation. L'allusion au corps déformé des acteurs est plus hermétique. C'est ici que la comparaison avec les textes d'autres auteurs est fructueuse. Nous pensons aux remarques critiques de Ludwig Tieck sur le développement d'un répertoire de mauvaise qualité et d'un style de jeu hyperréaliste. Les petits drames bourgeois produits en grande quantité par Iffland sont considérés comme des textes faciles, sans profondeur, donc dénués de toute grandeur poétique ; ils ont évincé les "vrais" textes de la scène. Dans la perspective d'Iffland et de ses comédiens, en revanche, ce genre de productions représentait un canevas qui leur permettait de mettre en valeur leurs qualités d'acteur. Rappelons que vers 1770-80 l'expression corporelle des acteurs devient un véritable objet d'étude et de théories (le corps devient donc "chose principale"), car elle doit transmettre les mouvements de l'âme, la vérité psychologique du personnage. Cette évolution se fit effectivement au dépens du texte qui n'était plus l'essentiel. Le "corps déformé" est peut-être entendu par Brentano comme la conséquence d'un jeu très réaliste qui frôlait la caricature. Quant à la scénographie, elle est devenue la raison d'être du théâtre qui a oublié "la raison pour laquelle il est là" : "l'œuvre poétique" (das Gedicht). 377
Le renversement absurde se manifeste encore dans l'évaluation de la prestation des acteurs :
‘[l'acteur est] tellement mis en valeur par les décors et l'éclat des costumes qu'il faut véritablement avoir un courage héroïque pour dire au mauvais acteur, par égard pour les décors et les costumes coûteux, qu'il est mauvais. 378 ’Brentano n'a pas choisi le mot Schimmer (scintillement, faible lueur) arbitrairement. Cette lumière passe, elle ne dure pas. Mais plus grave dans la perspective de Brentano est le fait que développement du luxe rende la critique difficile, voire impossible : en effet, l'idée d'une amélioration du théâtre par la critique était chère au poète. Comme on l'a vu, il s'était déjà essayé à employer ce remède à Vienne en 1814. Rappelons qu'en 1815, il s'était proposé de créer à Berlin un organe des Théâtres Royaux, sorte de revue critique dont la fonction principale aurait été à la fois pédagogique et critique dans le but de relever le niveau des scènes berlinoises. Ce projet osé n'a pas abouti, et l'on peut ressentir dans l'argument ci-dessus comme dans l'ensemble de l'article la grande déception de Brentano. Par cette idée d'améliorer le théâtre au moyen de la critique théâtrale, Brentano est proche d'E. T. A. Hoffmann qui, dans les Etranges souffrances d'un directeur de théâtre, tente également d'en prouver les bienfaits. Les réticences des comédiens, le manque de courage des directions, le développement de la censure et le contrôle de la vie publique en Prusse, alors que le théâtre est devenu une institution royale dépendant directement de la couronne, rendaient en 1815 ce genre de projets difficiles à réaliser.
Dans la suite de son article, l'auteur ne se lasse pas de répéter que le théâtre est mourant ou mort et qu'il a perdu toute forme de dignité. Il faut relever l'image du corps employée par Brentano. Le théâtre moderne est présenté comme un organisme, que son "esprit" (Geist) a quitté, dont le corps (Leib) ou le cadavre (Leichnam) est maquillé et embaumé (einbalsamiert), gisant sur un catafalque au milieu des décorations, lampes et lambeaux." Le champ lexical de la maladie, de la médecine, de l'expérimentation traverse tout ce passage de l'article. Parmi tous les textes que nous avons regroupés, la vision exprimée ci-dessus est propre à Brentano. Elle s'explique par la crise morale et spirituelle que traverse Brentano au milieu des années 1810 ; elle témoigne d'une conception particulière du théâtre comme d'un art sacré deux éléments essentiels sur lesquels nous voulons revenir dans un instant.
En effet, une peinture aussi noire pose la question des changements nécessaires pour que le théâtre reprenne vie, si tant est qu'il est possible de le faire revivre. Le portrait du théâtre idéal auquel Brentano aspire surgit pourtant entre deux propos désabusés, et est énoncée de manière plus explicite dans les trois derniers volets de son article. "De ce que l'on exige de la scène moderne, de la critique théâtrale et de la manière de traiter un opéra." 379
Pour Brentano, le costume et la décoration sont véritablement "ce qui en présence d'une œuvre et d'un comédien excellents suffit en quantité minimale." 380 Pour étayer son affirmation, l'auteur effectue une comparaison avec le théâtre antique et avec l'époque de Shakespeare. On retrouve cette comparaison chez la plupart des auteurs (Schlegel, Hoffmann, Tieck, Brühl).
‘Chez les Anciens, qui sont peut-être les seuls à avoir eu et à avoir pu avoir un art dramatique au sens propre du terme, les décors n'étaient qu'un signe, un indice, l'endroit "où", mais le comment et le quoi incombaient au dramaturge et à l'acteur. Maintenant, le comment et le quoi sont comme engourdis ou étouffés par les débordements de l'évocation du lieu (wo) et du cadre (worin) que sont les décors et les habits somptueux. A l'époque de Shakespeare, de Molière, la profondeur maximale de la scène était donnée par deux châssis. 381 ’Il faut comprendre la réduction du nombre de châssis 382 comme une demande de simplification de l'espace scénique à une époque où leur nombre variait entre 7 et 10. Dans la réflexion exprimée ci-dessus, le décor n'a qu'une fonction minimale : celle d'indiquer sommairement le lieu de l'action. Ainsi la fonction de la décoration (et du costume) se définit par la négative. La fonction exégétique du décor (un décor qui expliciterait l'action, qui révèlerait une certaine interprétation de la pièce 383 ) ne semble pas envisagée. De toute façon, Brentano, si l'on en croit le début de la citation, ne croit pas à la possibilité de réaliser ce décor sur la scène de son temps.
La dernière citation nous fournit la transition vers un autre point essentiel de la pensée de Brentano. Si, "au temps de Shakespeare, de Molière, la profondeur était de deux châssis seulement,
‘l'acteur devait, sur le proscenium qui s'avançait largement, au milieu des spectateurs, par son art, au moyen de l'homme qu'il était toucher le cœur humain." 384 ’Au théâtre, la chose la plus importante est l'être humain un être de chair, un être vivant au milieu d'une fausse nature de collages, de peinture, de rouages sans vie. Le thème de la vie et de la mort parcourt l'article. La décoration est du côté de la mort, l'acteur et son travail sont du côté de la vie. C'est pour cela que le comédien ne doit pas être "souligné" (unterstrichen) par la décoration : il doit être exister par lui-même. Un peu en amont dans son article, Brentano affirme :
‘Le théâtre est un art humain ; c'est au moyen de l'Homme, création toute puissante, que la vie humaine, concentrée par la poésie en un point focal, doit être représentée devant l'Homme. 385 ’Si tous les auteurs insistent comme Brentano sur l'importance du jeu et du texte, l'idée d'humanité, la mise en valeur de la dimension profondément humaine du théâtre est particulière à Brentano. L'Homme est présenté comme "création toute puissante", une expression hermétique, allusion à une origine divine, qui semble donner au théâtre une dimension sacrée. Dans l'humanisme de Brentano, on trouve donc une dimension religieuse importante. Ses réflexions sont encore d'un autre ordre que les pointes satiriques et amusées du jeune Tieck, que la réflexion historique d'August W. Schlegel ou le regard certes critique, mais aussi complice d'E. T. A. Hoffmann sur le monde du théâtre. Si la critique de la richesse de la décoration, qui détourne le spectateur du texte, rassemble les différents écrivains romantiques, le développement des arguments fait apparaître en arrière plan la diversité du mouvement, et peut-être même la diversité de la production de chaque personnalité, ainsi l'ironie et le sentiment religieux chez Brentano.
Un texte ultérieur de Brentano nous permet d'éclairer sa pensée : en effet, deux ans plus tard, dans un texte rédigé avec Achim von Arnim, "Lettres sur le nouveau théâtre", une correspondance fictive entre un directeur de théâtre et un poète, Brentano réitère explicitement et avec plus de profondeur cette idée. Brentano est l'auteur de la lettre du "Poète". Ce Poète se répand d'abord en sarcasmes contre le Directeur de théâtre, puis contre le théâtre lui-même. Avec beaucoup d'ironie, ce dernier est présenté comme le territoire du diable. L'orientation religieuse conduit l'écrivain à une pensée manichéenne. Les pratiques scéniques sont comparées à de minables pratiques magiques ; la dénonciation de l'hypertrophie des décors et des costumes est réitérée, la dramaturgie de Shakespeare et de Calderon posée en contre-exemple. Au milieu de ce feu d'invectives, par lesquelles Brentano exerce sa verve (le Directeur est comparé un ver solitaire), résonnent quelques passages plus pathétiques, plus solennels. Au delà de la comparaison absurde, Brentano donne sa définition de l'art dramatique :
‘[…] comment le ver solitaire qui vit dans les entrailles d'un homme […] peut-il avoir une idée de l'homme créé à l'image de Dieu et donc de la puissance divine qui est en l'homme, c'est-à-dire, que peut comprendre un directeur de théâtre moderne de la puissance d'un art qui a pour vocation de faire intérioriser à l'homme la plus haute concentration de vie, l'œuvre poétique, au moyen du créateur même de celle-ci, l'être humain ? 386 ’On est frappé par la grandeur attribuée à l'homme, mis presque à l'égal de Dieu. Mais l'art dramatique a bien pour fonction de "travailler dans tout son contenu et sa forme vers la sacralité" (im strengsten Sinne und Stile zum Heiligen […] hinarbeit[en]). 387 Cette conception nous semble inspirée par la religiosité croissante du poète qui se "convertit" peu de temps après, après avoir déposé une confession générale et fait le vœu de renoncer au théâtre. Dans cette conception exprimée par Brentano, costumes, décors, lumières n'ont plus lieu d'être, sauf à se faire discrets de manière à ne pas blesser (nicht beleidigen) le spectateur, ne pas rompre son adhésion à l'acte théâtral.
Avant de conclure ce chapitre, nous voudrions revenir encore sur certaines particularités de la réflexion de Brentano au sujet de l'organisation de l'espace scénique. En employant dans les deux textes l'image d'un point focal (Brennpunkt) en lequel la vie humaine est concentrée, Brentano utilise la même métaphore que Karl Friedrich Schinkel, une métaphore peut-être issue de discussions communes. Toutefois, dans la comparaison employée par Schinkel, cette vie concentrée est projetée vers le devant de la scène, comme sur un écran. 388 Elle constitue alors un tableau vivant. Chez Brentano, elle est projetée au milieu des spectateurs. Une autre idée intéressante de Brentano est la suivante : lorsqu'il oppose la situation de son temps à celle de l'époque de Molière et de Shakespeare, il ajoute immédiatement dans le texte : "De nos jours, [l'acteur] est coupé de nous par une large fosse d'orchestre (…)." 389 Brentano se prononce donc contre l'éloignement de l'acteur du public, et contre une certaine forme de séparation de la scène et de la salle 390 . On peut y reconnaître (comme chez Tieck) l'influence de la scène élisabéthaine où le public entourait pour les trois quarts les tréteaux sur lesquels se déroulait l'action. Mais il faut surtout rappeler que Brentano pose le théâtre antique comme modèle, avec une organisation particulière de l'espace dans laquelle "l'acteur devait, sur le proscenium qui s'avançait largement, au milieu des spectateurs, (…) toucher le cœur humain." 391 Cette disposition recueille tous les suffrages du poète. En proposant comme modèle l'avancée de l'acteur au milieu du public, Brentano rompt avec la tradition du théâtre à l'italienne, avec le principe de la "boîte optique", la Guckkastenbühne. Le quatrième mur transparent à travers lequel le spectateur voit l'action et qui sépare clairement la scène de la salle est brisé, transpercé. L'idée d'une scène "tableau" est totalement remise en question. La décoration devient inutile, l'action est replacée au cœur du public, et cette organisation confère à l'acte théâtral une dimension religieuse (liturgique, sacrificielle) qui correspond tout à fait à la personnalité de Brentano.
Brentano ne semble finalement pas (à l'inverse de Tieck ou de Schlegel) faire de différence entre les genres (théâtre et opéra) pour déterminer l'aspect et la fonction de la décoration. En effet, c'est un opéra qui a suscité la rédaction de l'article, et toute la réflexion sur la fonction minimale du décor ("signaler discrètement" – einen leisen Wink geben) est générée par la comparaison avec Shakespeare et Molière et par l'exploration des différentes possibilités de monter un opéra dont le sujet serait l'amour d'Achille pour la belle Briséis. Les exigences de Brentano sont valables pour l'ensemble des productions scéniques. Ce qu'il faut surtout retenir de la pensée de Brentano, c'est cette exigence de remettre l'homme au centre de la création dramatique, l'homme en tant qu'être sacré, création de Dieu, l'homme seule origine, seule matière, seule destination de l'acte théâtral.
"Über die zur Hauptsache gewordenen Nebensachen Kostüm und Dekoration in Gegenwirkung mit Poesie und Schauspielkunst". Brentano, Werke, Hanser Verlag, 1963. Bd II. p. 1130.
ibid. p. 1130. "Unter das große Unglück, welches das moderne allgemeine europäische Theaterwesen am Halse hat, gehört vor allem das betrübte Vorurteil der Dekorationen. Ohne Blüten und Frucht ist das Theater gänzlich ins Kraut geschossen, und ganz zur Luxussache geworden […]."
ibid., p. 1131. "Der Dichter ward zur Nebensache, der Leib der Schauspieler ward zur verzerrten, mittelmäßigen Hauptsache, und das ganz Untergeordnete […], der Rock und das Lokal, die Dekoration, ward zur Hauptursache und diese in dieser verkehrten Welt immer steigernd geht die Kunst mit Verschwendung einem innern geistigen, moralischen und äußern bürgerlichen Tode in Europa entgegen."
ibid., p. 1130. "das Gedicht" est en italique dans le texte pour en souligner l'importance.
"[der Schauspieler ist] von Dekorationen und Kleiderschimmer so unterstrichen, daß es ordentlich eine Heldencourage braucht, dem schlechten Schauspieler aus Hochachtung vor den Dekorationen und teuern Kleidern zu sagen, er sei schlecht." ibid., p. 1131.
"Über Anforderungen an die moderne Bühne, Theaterkritik und die Art eine Oper zu behandeln." ibid., p. 1135.
ibid. p. 1131. "das beim vortrefflichen Gedicht und dem vortrefflichen Schauspieler im geringsten Grade Hinreichende". Sous-entendu : le luxe de la décoration sert à compenser la mauvaise qualité d'une œuvre ou du jeu d'un comédien, ce qui n'est un compliment ni pour la décoration, ni pour le répertoire, ni pour les comédiens.
ibid., p. 1133. "Bei den Alten, welche vielleicht allein im wahren Sinne ein Schauspiel hatten und haben konnten, war die Dekoration nur ein Wink, ein Fingerzeig, nur das Wo, aber das Wie und das Was zu tun war, mußte der Dichter und der Schauspieler tun. Jetzt ist das Was und das Wie eingeschlafen oder erstickt in dem sich selbst überwachsenden Wo und Worin, in der Dekoration und Kleiderpracht. Zu Shakespeares, zu Molieres Zeit waren zwei Kulissen die höchste Tiefe […]." On peut remarquer la référence positive à Molière, signe de l'ouverture à une partie du théâtre français, que Brentano est l'un des seuls (avec Goethe) à faire parmi l'ensemble des auteurs pour lesquels Shakespeare reste la référence absolue.
Cette simplicité ne correspond pas à la réalité historique, mais elle reflète véritablement les aspirations de Brentano. Il faut noter encore l'intérêt pour une scène peu profonde, qui rappelle les réformes demandées par Ludwig Tieck ou par Karl Friedrich Schinkel et visiblement connues de Brentano.
Schinkel, comme nous l'avons vu, a créé dans un premier temps pour la scène de Berlin des décors qui reflétaient une véritable interprétation de l'œuvre signalée par des symboles, et dont le cycle de la Flûte enchantée reste le meilleur exemple. C'était une pratique non habituelle à l'époque.
"der Schauspieler mußte auf dem weit vorspringenden Proszenium mitten unter den Zuschauern, durch seine Kunst, durch den Menschen das menschliche Herz ergreifen." Brentano, Werke, op. cit., p. 1133. Les italiques sont dans l'édition du Hanser Verlag.
"Das Schauspiel ist eine menschliche Kunst ; mit dem allmächtigsten erschaffenen Mittel, mit dem Menschen, soll das menschliche Leben, in dichterischem Brennpunkte zusammengedrängt, dem Menschen dargestellt werden." ibid., p. 1133.
"[…] wie kann der Bandwurm, der in den Eingeweiden eines Menschen lebt […], einen Begriff von dem Menschen als dem Ebenbild Gottes und also auch von dessen Ebenmacht im Menschen haben, das heißt, was kann ein moderner Theaterdirektor von der Macht einer Kunst verstehen, welche das konzentrierteste Leben, das Gedicht durch dessen Schöpfer selbst, den Menschen, dem Menschen einzuspiegeln berufen ist." Werke, op. cit. (Beiträge aus Zeitungen und Briefe). "Briefe über das neue Theater." p. 1158.
ibid., p. 1158.
Il est fascinant de voir que bien avant l'apparition du 7ème art (ou encore de la photographie), on peut lire dans le fonctionnement d'une autre forme d'art des principes qui semblent devancer le principe du cinéma. Soit une somme de vie qui est passée par un point focal (la caméra) pour être projetée sur une surface plane, dans un cadre. Certes le cinéma produit une illusion très forte que quelqu'un comme Schinkel ne cherchait pas à réaliser au théâtre. Mais on peut penser aussi aux spectacles visuels des dioramas et panoramas, ici expression d'une évasion par l'image. Comme si le principe du cinéma était déjà "dans l'air", dans les aspirations des hommes avant qu'il ne soit réalisé.
"Heutzutage ist [der Schauspieler] durch einen breiten Orchestergraben von uns abgeschnitten […]". p. 1133.
La séparation de l'acteur et du spectateur, même dans un espace scénique qui place les uns au milieu des autres, ne peut à mes yeux (F. R.) être complètement résiliée, sous peine d'anéantir l'acte théâtral.
"der Schauspieler mußte auf dem weit vorspringenden Proszenium mitten unter den Zuschauern […] das menschliche Herz ergreifen." Brentano, p. 1133. C'est nous qui soulignons.