2. 2. 1. 5. Ludwig Tieck (1826) : une attention excessive à "l'inessentiel"

Alors qu'en 1797 dans le Chat botté, Tieck avait déjà fustigé l'esthétique réaliste des costumes d'Iffland, il s'est exprimé une nouvelle fois vingt ans plus tard sur la problématique de la reproduction du réel sur la scène, et plus précisément sur le principe de la vérité historique qui entre temps avait fait son chemin, plus particulièrement à Berlin et à Vienne, mais aussi de façon moins rigoureuse sur d'autres scènes importantes de langue allemande. La chronologie est ici importante, car Tieck ne se serait sans doute pas exprimé comme il l'a fait, si l'administrateur des Théâtres berlinois, Karl von Brühl, n'avait voulu instaurer l'authenticité rigoureuse des décors et des costumes sur la scène.

L'essai "Le costume", dans le deuxième tome des Dramaturgische Blätter paru en 1826 constitue, parmi les textes romantiques, le texte le plus riche que nous possédions, premièrement sur la question de la vérité historique, et ensuite sur celle de l'habillement des acteurs. On comprend à la lecture de l'essai que Tieck prend position par rapport aux expériences déjà plus anciennes d'A. W. Iffland qui est cité nommément, mais aussi par rapport aux réformes plus récentes du comte Brühl :

‘Nombre de directions ont depuis lors poussé jusqu'aux limites du possible ce goût de l'érudition dans le costume. 490

Le pluriel fait référence à l'intérêt grandissant des grandes scènes allemandes pour les costumes historiques 491  la scène de Berlin n'est donc pas la seule concernée , mais le comte Brühl est sans aucun doute visé par Tieck qui poursuit avec une remarque ironique :

‘Si l'on commence à étudier des détails, effectuer des recherches dans les livres, écrire des lettres, se laisser guider par des informations venues de contrées lointaines pour savoir si un soldat portait à l'époque telle ou telle nuance d'une couleur, alors il devient nécessaire de se procurer le véritable pourpoint de cuir dans lequel tomba Gustave Adolphe ou celui que portait Wallenstein lors de son assassinat […]. 492

La recherche intensive dans les ouvrages spécialisés relate tout à fait la méthode du comte Brühl ; et "les informations venues de contrées lointaines" sont une allusion directe à un échange entre Karl von Brühl et le critique Karl August Böttiger en 1822-1823 au sujet d'un personnage du Wallenstein, le colonel Wrangel, sur la couleur de son uniforme. Böttiger était à Dresde l'un des rédacteurs du journal Abend-Zeitung et connaisseur en matière de costumes. Brühl lui demanda plusieurs fois conseil. Böttiger de son côté tenait informé le public de Dresde de l'actualité théâtrale berlinoise. A la suite de la parution à Berlin des gravures de costumes pour la pièce de Schiller, Böttiger exprima des doutes sur le bien fondé de la couleur du costume du personnage, et Brühl, après des recherches méticuleuses menées jusqu'en Suède, lui envoya sa réponse. Les textes de ce petit débat parurent dans la Abend-Zeitung 493 où Tieck, qui résidait à Dresde depuis l'été 1818, a pu les lire lui-même. Aux yeux de Tieck, cet échange devait être profondément ridicule et futile, et peut-être l'a-t-il même incité à faire part un jour de son propre point de vue.

En 1826, Tieck intervient donc encore une fois dans le débat sur la scénographie et plus particulièrement sur la question du "costume". L'idée principale de l'essai est l'opposition de Tieck au principe de la vérité historique. Cette opposition en elle-même a été plusieurs fois étudiée (Gross, Schaffner) ou mentionnée (Böhn, Kindermann, Alcandre, Brauneck) 494 par la critique. Edgar Gross, qui s'intéressa plus longuement à l'essai de Tieck dans Die ältere Romantik und das Theater (1910), affirme :

‘[Tieck] polémiqua vivement contre la question de la fidélité au costume historique, dans laquelle il ne voyait que le désir d'ostentation d'une érudition puérile, ayant pour but de soudoyer la masse par quelque moyen que ce soit et de la tenir éloignée d'une noble jouissance esthétique. 495

Gross retranscrit ensuite librement les passages-clés de l'essai de façon à en redonner le contenu essentiel ; toutefois il ne commente que très peu les idées de Tieck, il tente plutôt d'évaluer leur justesse, si bien qu'il se lance lui-même dans le débat. Hermann Schaffner, qui aborde également le travail d'Iffland dans son analyse des réformes du comte Brühl, présente Tieck à deux reprises (face à Iffland et face à Brühl) comme "opposant décidé à la réforme du costume". 496 Max von Boehn cite également Tieck plus longuement, mais ne commente pas non plus les extraits. Kindermann, dont le propos est de présenter les théâtres berlinois sous la direction du comte Brühl, indique Tieck comme opposant à la réforme et choisit de ne retenir qu'une citation, certes essentielle, de l'essai. Ce passage permet de mieux comprendre les autres arguments de l'auteur. Tieck écrit :

‘Prendre au sérieux ce qui est accessoire, c'est un jeu avec le jeu, la véritable représentation ne peut plus désormais être considérée comme elle devrait l'être. 497

Il s'agit en effet de la raison principale pour laquelle Tieck s'est opposé avec tant de fermeté au principe du respect de l'authenticité des costumes. Les mots disent bien ce qu'ils doivent dire : les costumes historiques sur la scène sont accessoires, littéralement "ce qui est inessentiel" (das Unwesentliche) et, dans la logique de la phrase, ne comptent pas au regard de "ce qui constitue véritablement la représentation" (die eigentliche Darstellung). En fait, les costumes historiques détournent le spectateur de l'essentiel. Ces éléments essentiels, Tieck ne les nomme pas ici, mais nous les connaissons de ses autres textes : ce sont le jeu de l'acteur, le texte dramatique. Jean-Jacques Alcandre, dans son étude sur la représentation des Brigands de Schiller, indique donc à juste titre que Tieck "s'élève contre la chasse au détail historiquement authentique", et que l'écrivain regrette que l'on "regarde les moindres détails au lieu de s'intéresser à l'œuvre dramatique en elle-même" 498 Alcandre souligne ainsi encore une fois la raison essentielle du parti pris de Tieck. Il faut donc reconnaître à la critique le mérite d'avoir fait connaître l'essentiel du discours de Tieck. Toutefois, la richesse du texte et de l'argumentation demandait que nous nous y attardions. Il nous a semblé intéressant, dans le cadre de notre étude, de reprendre ces passages importants, voire d'autres passages intéressants non soulignés jusqu'ici, afin de dégager l'ensemble des raisons qui expliquent la position de Tieck. Il était nécessaire aussi de replacer le texte dans la perspective du débat sur les questions de scénographie. La richesse du texte, mais aussi l'opportunité de le traduire en langue française, explique la place importante des citations dans la suite de ce chapitre.

Nous voulons procéder en deux temps : d'abord évoquer les critiques de Tieck et les raisons qu'il donne pour justifier son opposition au costume historique. Ensuite nous analyserons les propositions de Tieck au sujet du costume, en distinguant sa réflexion théorique et les propositions pratiques. Ce faisant, nous suivons d'ailleurs approximativement le plan de démonstration choisi par Tieck lui-même. Nous verrons que l'argumentation de Tieck contre l'authenticité des costumes est variée. Il aborde des aspects aussi différents que l'aspect pratique, esthétique, didactique, scientifique. La variété des arguments constitue une attaque en règle qui ne laisse aucune chance aux tenants du camp opposé. Nombre d'arguments rappellent l'argumentation du comte Brühl en faveur du costume historique, et nous voudrions montrer que Tieck démonte point par point cette argumentation. On peut alors se demander s'il n'y a pas ici une intertextualité beaucoup plus importante que cela n'a été indiqué jusqu'ici. Dans tous les cas l'essai de Tieck témoigne d'une bonne connaissance des idées du parti opposé. Quant aux propositions venant de Tieck lui-même, nous verrons en quoi elles consistent à la fois en un retour à des pratiques antérieures et en une approche nouvelle du vêtement de scène.

Dans un passage de la Préface (Vorrede) rédigée pour les Dramaturgische Blätter Tieck expose déjà ce qu'il va développer dans l'essai sur le costume.

‘Mais, pour attirer le spectateur, pour compenser quand même au moyen d'une séduction des sens le théâtre que l'on a perdu, on ordonne de grands défilés coûteux ; le bruit des chevaux  plus il y en a, mieux c'est  couvre ceux qui parlent ; des feux d'artifices explosent et effrayent ; des éclairages étranges éblouissent, saltimbanques et ballets remplissent les pauses, et des costumes de toutes les époques paradent avec une érudition puérile, afin de corrompre à coup sûr la masse, et la tenir tant que possible éloignée d'un noble plaisir spirituel : comme si cela n'allait pas de soi que dans l'art du théâtre, comme en peinture ou en sculpture, le vêtement et le costume doivent servir seulement les intentions les plus élevées, et pourrait être mille fois faux aux yeux du prétendu connaisseur qu'il n'en resterait pas moins correct et conforme aux règles de l'art. 499

L'idée de la perte de qualité du théâtre, le thème des effets spectaculaires qui doivent volontairement maintenir les spectateurs dans un plaisir facile rappellent des propos déjà tenus dans le Phantasus. Le costume érudit vient s'ajouter à la liste d'effets spectaculaires, à ce qu'il y a de plus futile au théâtre, ce qui fait de ce passage l'un des plus sévères (voire méprisant) sur le sujet. On voit apparaître aussi le rôle véritable du costume dans la conception de Tieck : un rôle de service. Il est contrecarré par la recherche d'authenticité qui fait du costume le centre de l'attention des hommes de théâtre. Tieck ne semble donc pas avoir varié sur ses positions quant à la fonction de la scénographie dans la représentation, et nous verrons que si le ton est moins satirique, moins violent dans l'essai qu'il ne l'a été dans les textes antérieurs, les idées gardent presque la même radicalité.

L'essai sur le costume commence par un rappel historique de l'évolution qui a mené au respect de la vérité historique dans les costumes, non seulement en Allemagne, mais en Angleterre et en France, et passe ensuite à l'analyse de la situation contemporaine. Le rappel historique permet à Tieck de relativiser la nécessité de choisir des costumes historiques.

En Angleterre au temps de Shakespeare, affirme L. Tieck, les acteurs anglais reproduisaient les vêtements de différentes nations, qu'ils voyaient d'ailleurs traverser leurs villes, "Vénitiens, Français, Danois, et Russes" ; ils n'observaient pas rigoureusement le costume antique qui ne manquait pas de porter la marque du temps présent ; après la "rébellion" (Tieck fait allusion à la décapitation de Charles I) "on jouait l'histoire ancienne et moderne dans les costumes alors à la mode, avec quelques insignes arbitraires en nombre limité". 500 La différenciation entre plusieurs nationalités semble trouver l'accord de Tieck ; il s'agit en fait d'une distinction géographique et non pas historique, reproduction d'une réalité que la population anglaise vivait selon lui au quotidien. C'est l'empreinte de l'époque contemporaine sur le costume, sur le drame lui-même qui est évoquée ici implicitement, puis soulignée dans les phrases suivantes. La possibilité de jouer un spectacle en vêtements contemporains est une idée importante que Tieck reprend plusieurs fois dans son essai, et une option qu'il ne rejette visiblement pas. Par cet exemple de l'Angleterre dans l'histoire du théâtre, nous voyons que Tieck relativise la nécessité d'un costume authentique sans le dire expressément. Lorsque les comédiens anglais se contentent de "quelques insignes arbitraires" pour indiquer le moment de l'action, ils font tout le contraire de ce que propose le comte Brühl qui multiplie les éléments historiques, quand il ne les reproduit pas même dans leur totalité (broderies, textiles, bijoux) : cette précision est sûrement délibérément ajoutée par Tieck. Signalons encore que Tieck présente la scène shakespearienne comme le "véritable théâtre en Europe" (die wahre Bühne in Europa)… Le théâtre de Shakespeare demeure la référence absolue.

Tieck rappelle ensuite les efforts des comédiens français, Mme Favart, Mlle Clairon et François Joseph Talma. Cette évolution amena selon lui une réelle amélioration du goût dans le vêtement de scène, en Allemagne comme en France ; en effet, les casques à plumes et les robes à paniers de style rococo ne semblent pas susciter l'admiration de Tieck. Il n'en donne pas la raison, mais on peut supposer que le luxe, l'éclat de ces costumes déplaisait à l'écrivain, car tout cela risque de détourner l'attention du spectateur de l'essentiel qui est le texte. Si la réforme trouve grâce aux yeux de l'écrivain, c'est sans doute moins pour l'effort d'authenticité, de réalisme qui l'inspirait, que pour la simplification des vêtements de scène qui en découlait. Cette concession à une amélioration du goût en matière de costumes à la fin du XVIIIe siècle est formulée également par August Wilhelm Schlegel dans le Cours sur littérature dramatique. Il blâme les vêtements de scène de la fin du XVIIe et du XVIIIe siècle, et reconnaît que "l'on est enfin revenu à un goût plus juste", que "sur certaines scènes majeures le costume est véritablement enseigné et rigoureusement respecté". 501 Tieck indique cependant dans les premiers paragraphes de son essai que les Français eux-mêmes, pourtant initiateurs du costume historique, s'intéressent en 1820 principalement au costume antique, mais qu'ils sont très laxistes concernant les autres périodes. 502 Les Français accordent donc seulement une importance relative à l'authenticité des costumes, ce qui est un argument de poids au vu de l'intérêt que les intellectuels et artistes français accordèrent au costumé depuis le XVIIe siècle dans le domaine des beaux-arts et dont la réforme du "costume" au théâtre était le dernier avatar. 503 Encore une fois, le rappel de l'histoire permet à Tieck de présenter la vérité historique comme quelque chose de secondaire.

En Allemagne, on suivit la réforme des Français si bien que "sur la plupart des scènes allemandes, autour de l'année 1790, on pouvait enfin dire du vêtement des acteurs qu'il était de bon goût." 504 Tieck conçoit donc qu'une certaine réforme du costume était nécessaire. Toujours à la même époque, relate Tieck, qui est celle de la direction de Johann Jakob Engel au théâtre de Berlin, celle que Tieck a connue dans sa jeunesse et qu'il a toujours idéalisée, les personnages de paysannes "étaient souvent habillées plus richement que la vérité ne l'aurait exigé", "on ne distinguait pas exactement les siècles dans les pièces de chevalerie" et on employait "casques et armures, manteaux et écharpes plutôt selon les besoins de l'art dramatique" (nach theatralischen Bedürfnissen) au lieu d' "étudier les salles d'armes, les gravures, voire les pierres tombales pour surtout ne pas manquer au costume de l'année 1109", même si l'on disposait déjà du costume des années 1500… Et Tieck de conclure : "Tel fut nommément le manque de sens critique qui régnait sur la scène berlinoise, lorsqu'elle était dirigée par Engel." 505 Or, nous verrons un peu plus bas que cette période "manquant de sens critique", est justement celle que Tieck pose en exemple. Tieck répond ici de toute évidence à une critique faite à la direction d'Engel ; son propos est ici, au moyen de l'ironie, de défendre les choix esthétiques de cette période du théâtre de Berlin. L'adjectif unkritisch ("qui manque de sens critique", c'est-à-dire non scientifique, non authentique) appartient au vocabulaire des partisans de la vérité historique. Le comte Brühl (1819) certifie à plusieurs reprises l'adoption d'une attitude "critique" (kritisch), rigoureuse pour la réalisation des décors et des costumes. Nous reconnaissons dans la réplique de Tieck une trace littéraire du débat. Le lecteur comprend à nouveau que Tieck ne demande en rien le strict respect du costume historique.

Mais la situation en Allemagne a évolué après 1790. Selon Tieck, "seuls les Allemands méticuleux que nous sommes ont produit la science du vêtement sur certaines de nos scènes, et nous en sommes fiers." 506 La remarque ne constitue en aucun cas un éloge, elle est même tout à fait sarcastique. Tieck pose d'ailleurs un regard ironique sur la nation à laquelle il appartient. 507 La scène de Berlin est évidemment visée. L'idée d'une "fierté" fondée sur la réalisation parfaite de costumes authentiques confirme notre interprétation de l'esprit dans lequel travaille le comte Brühl, qui prend position contre d'autres esthétiques (française, italienne) dans une perspective nationale et identitaire. L'exactitude absolue du costume est devenue aux yeux du comte Brühl, comme nous l'avons déjà évoqué, l'apanage du théâtre allemand. Tieck critique donc cette attitude : le théâtre national allemand ne doit pas être fondé sur la règle esthétique de la vérité historique.

Historiquement, d'après Tieck, Iffland est le premier à avoir recherché une imitation plus exacte des vrais costumes (Trachten). Tieck y consacre plusieurs pages, mais loin de louer Iffland, il exerce son ironie sur des exemples de costumes étranges et ridicules présentés à Berlin lors de sa direction. La réflexion conduite ici est plutôt d'ordre esthétique. Tieck estime que "la plus haute forme de vie évolue effectivement devant nos yeux dans le drame représenté", mais que "la beauté ne doit pas être meurtrie" pour autant, qu'il faut "éliminer tout ce qui offense le regard." 508 Plusieurs problèmes sont évoqués ici, d'une part le problème du goût du public, du regard et des attentes du spectateur, et de l'autre, le problème de la beauté ou de la laideur des costumes. Evidemment les exemples sont si bien choisis qu'on ne peut qu'y adhérer (par ex. le choix d'un chapeau évoquant les chasseurs de chamois dans un drame de chevalerie). En exigeant à plusieurs reprises la beauté des costumes, Tieck se rapproche de l'idéalisation souhaitée par les écrivains classiques. Mais ce serait aller trop loin que de voir ici un retour aux arguments du XVIIIe siècle autour de la "Belle Nature". En fait, Tieck réclame surtout une dignité, c'est-à-dire une discrétion du costume, plus qu'une recherche esthétique, comme le confirment ensuite ses propres indications. 509 On constate encore que Tieck ne tient pas compte de l'idée de la relativité du goût timidement introduite par Brühl dans sa préface. Concernant les connaissances du public, la position de Tieck est discutable. Les costumes de Brühl étaient effectivement très nouveaux et durent parfois choquer le public, mais il ne faut pas oublier que l'élan vers le costume historique était entre autre venu d'une meilleure connaissance de l'Histoire diffusée dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, qui renforçait la conscience d'une disparité entre les costumes (surtout antiques) présentés sur la scène et les vêtements authentiques. Les costumes historiques constituèrent même une attraction pour le public. Entre 1790 et 1820 les connaissances du public en matière de costumes s'élargirent encore. Tieck, conscient de la situation, concède, à la fin de l'essai, la nécessité de reproduire cinq à six des époques les plus importantes. Concernant l'argument de la beauté des costumes, nous pouvons signaler la série d'articles parue en février 1818 dans le journal Berlinische Nachrichten, dans laquelle l'auteur anonyme pose aussi comme exigence la beauté des costumes, mais à la différence de Tieck semble regretter ceux d'Iffland. Nous voyons dans ce passage l'effort de Tieck de ne laisser aucun argument de côté.

Le rappel historique effectué par Tieck a donc bien pour but de conforter sa position : d'une part l'auteur démontre que d'autres époques ont tout à fait su se passer de costumes historiques, et d'autre part il présente les efforts effectués dans cette direction comme des tentatives ridicules. En se référant à l'Angleterre et à la France (car cette dernière, même honnie, est tout de même reconnue comme une grande nation théâtrale, sinon tous les intellectuels de l'époque ne se rendraient pas à la Comédie-Française et à l'Opéra), Tieck s'assure l'efficacité de sa démonstration.

Tieck s'intéresse aussi aux conséquences désastreuses de l'emploi des costumes historiques qu'il constate sur la scène de son temps. Ces conséquences sont d'abord tout à fait pratiques. Ainsi, les comédiens rencontrent bien des difficultés dans leur gestuelle (alors que bras et mains se perdent dans les manches immenses des costumes médiévaux) et dans leurs déplacements (ils se tiennent raides comme des mannequins). Le fait que les costumes historiques entravent le jeu constitue un énorme défaut aux yeux de Tieck qui place le travail de l'acteur bien au-dessus de la scénographie. Tieck fait encore remarquer un peu perfidement que les actrices ne respectent d'ailleurs pas la stricte vérité historique et cherchent d'abord à se mettre en valeur. En revanche, il n'est pas d'accord avec certaines dames dont la légèreté des vêtements et la fureur des gestes lui donne des inquiétudes pour le héros qui se trouve en face d'elles. Tout en prônant une plus grande liberté par rapport au respect de la vérité historique, Tieck demande toujours le respect de la décence. Il dénonce aussi la situation absurde dans laquelle se retrouvent les acteurs et les directions des théâtres : certains acteurs préfèrent être loués pour leur costume plutôt que pour leur jeu, en quoi ils sont blâmables puisqu'ils accordent de l'importance à ce qui est inessentiel. Et la direction privilégie des pièces qui permettent de réutiliser les costumes. L'ironie qui teinte ces propos culmine dans la remarque suivante : le fonds des costumes s'accroît tellement qu'il faudrait presque engager des écrivains pour écrire des pièces adaptées aux costumes ! Le renversement absurde rappelle le principe comique du Chat botté, dont le ton enjoué semble cependant bien lointain. Pour des raisons de rentabilité, les costumes historiques deviennent un obstacle à la constitution d'un répertoire de qualité. Les costumes historiques sont souvent éclatants, luxueux : on retrouve alors le reproche fait à la scénographie dans son ensemble, considérée comme trop riche. Dans cette situation, la question de la richesse inutile de la décoration et celle de la reproduction de la vérité historique se confondent.

D'autres arguments vigoureux suivent dans le texte. Pour Tieck, la recherche poussée de l'authenticité des costumes, l'érudition elle-même, conduit à une impasse :

‘La perfection à laquelle nous tendons sur cette voie de la vérité est en fait totalement inaccessible […]. [Je suis] persuadé que tout tailleur du XIVe ou XVe siècle nous rirait au nez, s'il voyait les modèles que nous avons dressés." 510

On peut étudier longuement les chroniques, les gravures, les galeries de tableaux, cela ne permettra pas d'acquérir les connaissances suffisantes pour reproduire un vêtement authentique. D'un point de vue tout à fait pragmatique, il est donc inutile de dépenser temps et énergie pour des recherches en matière de costume. Derrière la difficulté de trouver la documentation nécessaire, et ensuite de la reproduire, c'est un autre aspect très important de la démarche du comte Brühl et de ceux qui l'imitent qui est remis en question ici : son aspect scientifique. Pour Karl von Brühl, le travail sur la scénographie (dont le costume fait partie) puise dans les connaissances en géographie, botanique, archéologie, histoire de l'art ; la scénographie a pour fonction de transmettre un savoir sur le monde. Or, chez Tieck, la fonction de transmission elle-même est attaquée. Il s'oppose à l'idée d'une fonction didactique de la scénographie, un autre des grands principes du comte Brühl. "Pourquoi le public ne trouverait-il pas au théâtre l'opportunité de toutes les formes de culture scientifique ?" 511 demandait Brühl en 1819. Tieck, au contraire, place les costumes historiques à la fin d'une liste des déviances du théâtre contemporain que sont les intentions moralisatrices du théâtre de la Spätaufklärung, l'emploi de la scène comme tribune contre un danger, les effets spectaculaires (introduction de chiens et chevaux sur la scène).

‘[…] est ce que le [théâtre] doit en plus devenir une planche avec modèles de vêtements traditionnels des peuples les plus divers et à toutes les époques ? La scène deviendrait-elle "un miroir de l'époque" dès lors qu'on nous ferait connaître des habits multiples et variés ? 512

Si la scène doit être le miroir d'une époque, c'est-à-dire montrer, refléter, signifier le monde, elle ne le fera pas par la reproduction minutieuse de costumes historiques. Ce qu'il y a derrière la pointe amère d'une "planche de costumes" devenue "miroir du monde", c'est une distinction implicite entre deux manières de représenter le monde, deux manières de comprendre le "costume" (inspirées du sens étymologique) : un "costume extérieur" (äußerliches Kostüm) et un "costume essentiel" (wesentliches Kostüm) intérieur, considéré comme supérieur Cette distinction, Tieck la reprend du Cours sur l'art dramatique d'A. W. Schlegel. Dans son 26ème cours, Schlegel désirant défendre Shakespeare contre le reproche d'un manque de connaissances, "d'érudition" (Gelehrsamkeit), explique que le dramaturge n'a certes pas toujours respecté les faits réels (le costume extérieur) dans ses drames pleins d'anachronismes, mais qu'il a su rendre la profondeur de la nature humaine ou l'esprit d'une époque, qu'il a su rendre le costume essentiel. Tieck, retournant l'argument de tous les critiques de Shakespeare attachés au respect de la réalité et de l'Histoire, qualifie à son tour de "fausse érudition" (falsche Gelehrsamkeit, p. 220) le respect du réel dans les vêtements historiques. Pourtant, ces vêtements savants n'apportent-ils aucune précision sur la vie, ne peuvent-ils contribuer à montrer l'esprit d'une époque, la profondeur d'un personnage ? Les études anthropologiques, sociologiques, sémiologiques du vêtement montrent pourtant à quel point le vêtement est le reflet des mentalités ou d'une personnalité (ce que l'acteur August W. Iffland avait perçu). Tieck et les Romantiques en général en avaient sans doute conscience, mais ils considérèrent que ce genre d'informations n'avait pas sa place sur la scène. Tieck décèle peut-être surtout une sorte de dichotomie entre l'apparence du personnage (fondée sur des éléments factuels) et ce qu'il est vraiment. Il cite en exemple le personnage de la charmante paysanne des opérettes de Favart, que Mme Favart donna en robe de laine et en sabots, alors que le texte est encore tout à fait écrit dans l'esprit galant du XVIIIe siècle. Tieck soulève alors le problème de la cohérence entre le vêtement et le texte. Ainsi, le costume historique ne correspond pas forcément à l'essence du personnage, peut-être même ne peut-il pas la dire. Mais peut-être n'est-ce pas non plus la fonction du costume que de dire la profondeur, la vérité d'un personnage. C'est l'idée qui se dégage des indications théoriques et pratiques données par Tieck au sujet du costume dans la deuxième partie de son essai.

Les principaux arguments des tenants du costume historique sont donc combattus et rejetés. Jusque-là dans le texte, Tieck définit le costume par la négative. Après avoir détaillé l'argumentation de Tieck contre un costume historique, voyons maintenant plus précisément ce que l'écrivain souhaite pour le costume de scène. Un certain nombre de principes se dégagent évidemment implicitement des critiques énoncées précédemment. Tieck lui-même propose une sorte de réflexion théorique sur le costume avant de terminer son essai par quelques propositions concrètes.

Tieck commence par une réflexion plus générale, celle de la vérité dans l'art, et dans le même temps, celle du rapport de l'art au réel. Alors que le XVIIIe siècle voit la relation particulière de l'art au réel sous la forme de l'imitation (plus ou moins idéalisée), et que les tenants du costume historique suivent cette même voie, toute la réflexion de Tieck conduit à l'idée que la reproduction mimétique du réel, qu'elle soit réussie ou non, n'est pas (n'est plus) la question prioritaire du costume de théâtre.

‘Tout art possède sa vérité propre et ignore totalement la vérité extérieure du réel. Il se meut dans son propre élément et ignore ceux qui veulent lui imposer quelque chose d'étranger. 513

Deux idées sont exprimées dans ce passage : une distinction entre vérité de l'art et la vérité du réel premièrement, et deuxièmement la différence entre les arts (une idée qu'il reprend par la suite en distinguant les choix esthétiques du théâtre, de la peinture, de la sculpture). Nous voyons que la fonction de l'art (du théâtre) de dire la vérité n'est pas remise en question, mais c'est le terme de "vérité" qui est entendu par Tieck d'une façon particulière ; et cette acception est capitale. La formulation "vérité extérieure" est révélatrice de cette conception particulière de la vérité ; on retrouve de nouveau la distinction entre l'intérieur (avec une connotation positive) et l'extérieur (avec une connotation négative), distinction effectuée aussi par d'autres Romantiques (A. W. Schlegel, Cl. Brentano). La vérité du réel, ce sont les données objectives, scientifiques reposant sur l'expérience sensible. Cette vérité tangible, visible dont le costume historique fait partie, n'a pas besoin d'être reproduite ; en revanche l'artiste s'efforcera de faire apparaître une vérité plus profonde, cachée aux sens, l'essence de l'être humain, d'un personnage, d'un peuple, d'une époque. L'idée de mimésis est donc rejetée ou plutôt comprise dans un sens nouveau en ce qui concerne la scénographie. Il ne s'agit plus "d'imiter la nature" dans les décors et les costumes, c'est-à-dire il n'est pas nécessaire de la reproduire mimétiquement, car ce chemin ne conduira pas à l'expression de la vérité qui est ailleurs. Tieck ne parle-t-il pas d'une "vérité qui n'est pas vraie" (eine ganz unwahre Wahrheit, p. 219) ? La distinction entre la vérité de l'art et la vérité du réel rappelle la distinction déjà opérée par Goethe dans Vérité et vraisemblance des œuvres d'art 514 entre "vérité de l'art" (das Kunstwahre) et "vérité de la nature" (das Naturwahre). Dans ce texte, les deux personnages dialoguant sur le genre de l'opéra et sur l'effet irréel produit par des spectateurs peints sur un décor s'accordent pourtant sur le plaisir que leur procure un opéra et sur leur adhésion au spectacle, même si rien ne semble y être comme dans la nature. La conclusion tirée de leur échange est que l'art dit la vérité autrement qu'en imitant le réel, en ce sens il possède une forme de vérité qui lui est propre. Les deux auteurs Tieck et Goethe se rejoignent ici dans leur approche théorique de la scénographie, surtout dans la critique d'une attitude servile face au réel. Les différences apparaissent ensuite dans la mise en pratique et dans leurs attentes pour le jeu de l'acteur ; les deux écrivains proposèrent des réalisations scénographiques différentes, Goethe recherchant un jeu beaucoup plus stylisé. Tieck ne va pas non plus, dans le cas du costume ou du décor, jusqu'à l'emploi de symboles dont Goethe fit quelquefois l'expérience. Tieck propose tout au plus l'emploi de signes permettant de distinguer le statut du personnage.

L'autre idée importante formulée par Tieck est celle de la différence entre les arts. Lorsqu'il écrit que chaque art possède sa vérité propre, Tieck veut dire que chaque art a ses propres règles, a son propre mode de fonctionnement. Chaque art reproduit le réel d'une façon différente : ainsi, la peinture le fait sur une surface plane et en couleur, la sculpture en trois dimensions sans employer la couleur, les mouvements peuvent être différents, et pourtant on reconnaît aux deux arts le pouvoir d'exprimer la vérité. L'art dramatique fonctionne donc selon d'autres règles encore. Tieck se situe dans le prolongement du discours de Lessing qui s'était efforcé dans le Laocoon (1766), à l'opposé du discours de l'abbé Batteux cherchant le principe unificateur entre les arts 515 , soit le principe de l'imitation de la "Belle Nature", de démontrer le caractère particulier de la poésie, capable aussi d'évoquer les sujets terrifiants. Ce faisant, Lessing affranchissait la poésie des règles que l'on attribuait à la peinture. Tieck de son côté aspire à démontrer la particularité de l'art dramatique et l'existence de règles qui lui soient propres ; il démontre également la particularité de l'art de l'acteur et du travail scénographique. Il se distancie par cela encore une fois de toutes les conceptions de la scène comme d'un tableau, comme d'une peinture en mouvement  une conception défendue par Karl von Brühl pour justifier le respect du costume historique.

Cette idée d'une différence entre les arts semble tenir à cœur à l'écrivain, car il développe encore cette réflexion sur plusieurs pages, abordant non plus la différence entre les Beaux-arts, mais la différence entre les genres au sein de l'art de la poésie elle-même. Tieck prend l'exemple du roman et de l'œuvre dramatique et se lance dans une réflexion complexe, pas toujours dénuée de contradictions. Au contraire de l'auteur de roman, qui place les faits dans un passé lointain et irréel (dans l'Histoire donc, qui n'est pas comprise ici comme discipline scientifique et objective, mais au contraire comme un territoire vague et propice à l'évasion), l'auteur dramatique privilégiera, selon Tieck, le présent, en raison de la particularité de l'art dramatique, pour que les faits soient immédiatement accessibles au lecteur ou au spectateur. 516 L'idée fondamentale qui ressort du passage est vraiment l'importance du "présent" dans la création de l'œuvre dramatique, "ce sentiment de l'importance du présent immédiat dans le drame" 517 , une empreinte que Tieck avait déjà soulignée à propos des pièces de Shakespeare, marquées par leur époque même dans les drames historiques. En fait, Tieck entend ce "présent" comme une vérité humaine éternellement valable, au-delà du temps (en réponse à l'objection de l'historicité de ce "présent"). Il n'est donc pas nécessaire de recourir à l'Histoire pour dire cette vérité. L'aboutissement de la démonstration est tout simplement l'absence d'intérêt du costume historique. Si l'argumentation de Tieck n'est pas tout à fait convaincante, l'intérêt de sa démonstration réside dans cette obstination à différencier le mode de fonctionnement des arts qui introduit en fait la possibilité d'une plus grande liberté dans leur traitement. Affirmer qu'il existe une multitude de règles, de conventions différentes, c'est rejeter la tyrannie d'une règle unique, en l'occurrence ici celle de l'imitation de la nature comprise comme reproduction mimétique du réel.

Après avoir nommé comme principe fondamental la distinction entre vérité de l'art et vérité de la réalité, après avoir dénié au costume la fonction de reproduire la "vérité extérieure" superficielle (le réel), Tieck explique comment il conçoit le costume de théâtre qui pourra répondre à ces exigences. Il s'agira d'un habit propre au théâtre, un costume "poétique" et "commun" (ein poetisches allgemeines Theaterkostüm). Tieck le présente d'abord d'une manière théorique.

‘Il existe en un mot un costume propre au théâtre, comme il existe un costume propre à la peinture et à la sculpture. De ce costume, l'acteur intelligent ne s'écartera qu'à peine, afin de rendre la nuance de tel ou tel peuple, ou un caractère fortement dessiné ; ces modifications reposeront cependant sur un élément commun, un habit de théâtre poétique et esthétique, qui, constitué de tels chapeaux, manteaux, pourpoints, bottes, n'a peut-être jamais été porté ainsi (…). 518

L'écrivain réitère sa demande à l'occasion de plusieurs exemples, montrant ainsi l'importance qu'il attache à ce costume "poétique". Dans les dernières pages de l'essai, il apporte quelques précisions supplémentaires quant à l'organisation des costumes qu'il conseille d'adopter :

‘[Le costume du] Moyen-Âge et Âge de la chevalerie peut être approximative-ment le même pour chaque siècle, ce que l'on appelle le costume espagnol pourra tant bien que mal, parallèlement au costume ci-dessus, subvenir à tous les besoins de représentation poétique, et si l'on accorde encore une juste attention à l'époque de la Guerre de Trente ans et de Pierre le Grand, si au même moment l'habit grec et romain est à peu près garanti sans trop aller contre la vérité, alors, chaque théâtre devrait avoir, en y ajoutant les vêtements récents, tout ce dont il a besoin. 519

Et il poursuit :

‘C'est ainsi qu'il en était sous la direction de Schröder et Engel, qui m'apparaît aujourd'hui encore comme un modèle aussi dans ce domaine. 520

Qu'en est-il donc réellement de ce "costume poétique" ? Et quelle en est la portée? Il n'est pas si facile de déterminer la valeur exacte de la proposition de Tieck. Retour au passé ou innovation ? Heinz Kindermann interprète la dernière affirmation citée ci-dessus comme un "retour" en arrière et une erreur de Tieck. 521 E. Gross, considérant l'ensemble du texte, regrette aussi une sorte "d'étroitesse désuète" (archaistische Einseitigkeit) 522 dans le rejet global des réformes par Tieck. Sans contester tout à fait ces jugements sévères, nous pensons qu'il faut les nuancer, moins pour la proposition pratique (le costume espagnol) que fait Tieck que pour l'idée même d'un "costume poétique" dégagé de la problématique contraignante de la vérité historique.

Nous pensons que l'on peut comprendre le terme de "costume poétique" dans un sens restreint et dans un sens plus large. L'habit décrit par Tieck, constitué d'un pourpoint, manteau et couvre-chef correspond en fait à peu près à l'un des habits-types qui étaient employés dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le costume dit "espagnol", comme Tieck le précise d'ailleurs lui-même ("cet habit commun et poétique, ou couramment appelé costume espagnol") 523 . Le costume "espagnol", dont le nom est dû aux quelques réminiscences de l'habit de cour espagnol des XVIe et XVIIe siècles (les hauts de chausses, les crevés, le pourpoint, une simplicité élégante, parfois la couleur noire) dont il s'inspire, est à la fin du XVIIIe siècle, selon les indications de Winfried Klara 524 , un costume de héros tragique, plus spécialement le costume attribué aux héros "nobles, romantiques, sensibles", par exemple Hamlet ou le comte d'Essex (amant de la reine Elisabeth). C'est un costume élégant qui signifie que l'action se déroule dans le passé, un passé vague, indéfini. Il est intéressant de noter que pour le public des années 1770-1790, le costume espagnol signifiait les temps reculés, qu'il était considéré comme un costume historique. Il semble que pour Tieck, tout à fait conscient du décalage de ce costume avec la réalité, il devienne véritablement une convention. En cela Tieck se situe à contre courant du mouvement réaliste caractérisant la recherche de costumes historiques et le XIXe siècle en général. On remarquera que le choix des détails caractéristiques du costume revient à l'acteur, mais que ses possibilités sont limitées car il doit revêtir le costume type proposé par Tieck ("de ce costume l'acteur intelligent ne s'écartera qu'à peine") : à la fois tradition (caractérisation libre) et innovation (soumission à une volonté extérieure, à une loi esthétique extérieure) dans le sens de l'unification de la représentation, vers laquelle évolue l'histoire du théâtre au XIXe siècle.

Le fait que Tieck conseille aux directions d'acquérir un costume des XVIIe et XVIIIe siècles montre une certaine tolérance pour l'emploi d'un costume historisant dans les cas particuliers où la pièce l'exige (drames historiques du type Wallenstein). Pour tous les autres cas (époque non définie, lointaine) c'est le costume poétique (inspiré du costume espagnol) qu'il recommande. En conseillant aux directions d'adopter environ six types de costumes correspondant aux époques les plus récurrentes dans le répertoire, Tieck propose une sorte de compromis entre l'ancien système des types (costume grec, turc, moderne) et le respect du costume historique qui a fait imploser le système des types. Au moment où Tieck rédige le texte (1825), les époques représentées (notamment à Berlin) sont très diversifiées ; il propose une solution très proche des pratiques de la toute fin du XVIIIe siècle, comme il l'indique lui-même en faisant référence à J. J. Engel (Berlin) et à l'acteur Schröder (Hambourg). Il faut bien garder à l'esprit que la modernité en 1825 réside plutôt dans le respect de la vérité historique. Evidemment on peut se demander si les cinq, six ensembles de costumes définis par Tieck ne participent pas tous de ce "costume poétique" qui est en fait le système d'habillement demandé par l'écrivain : un costume anti-réaliste, neutre tout en étant élégant, et surtout un costume s'effaçant au profit du texte.

Les avantages que Tieck attend de ce costume "propre au théâtre" et quelques autres précisions contenues dans l'essai sur la fonction du vêtement de scène en général nous éclairent sur les questions posées. Tieck mise sur l'habitude que créera ce costume conventionnel, car "plus le spectateur voit les mêmes tenues vestimentaires décentes auxquelles il est déjà habitué, d'autant moins il sera dérangé dans la jouissance de la poésie et du jeu." 525 Il n'y a pas beaucoup de place ici pour une fonction esthétique du costume. Le costume de théâtre peut encore donner quelques indications très liminaires : dans une critique théâtrale du Roméo et Juliette deShakespeare, Tieck loue les costumes réalisés sans exactitude maladive, dans le respect de la théâtralité, réjouissant le regard et convenables (theatralisch, erfreulich und passend) et particulièrement utiles parce qu'ils "permettaient de distinguer les groupes et les partis" (les deux familles ennemies). 526 C'est l'un des rares témoignages sur un éventuel rôle dramatique que l'écrivain accorderait au costume. Nous savons encore, parce qu'il le précise au début de son essai, qu'il reconnaît tout à fait que l'on ne représente pas un personnage ottoman de la même manière qu'un grec, que l'on distingue entre la comédie et la tragédie, entre soldats et civils, donc que le costume indique le statut social, le rang du personnage. Mais au-delà de cette caractérisation limitée Tieck ne semble pas concevoir que le costume lui-même puisse prendre une part active dans l'acte théâtral, ce que laissait déjà apercevoir notre analyse du Chat botté. Sur ce point, une partie des praticiens ultérieurs et plus particulièrement les metteurs en scène du XXe siècle ont suivi d'autres voies que la sienne.

Au moment de conclure, dans les derniers paragraphes de l'essai, Tieck revient encore sur la question de l'emploi du vêtement moderne sur la scène pour des pièces dont l'action est située dans le passé. Cette pratique anti-réaliste a diminué au XIXe siècle au fur et à mesure que s'imposait l'Histoire sur la scène. Tieck rappelle que l'acteur anglais Garrick jouait Hamlet en costume contemporain. Pourquoi ne pas choisir, comme les comédiens anglais, les vêtements modernes ? "Là où le poète rapproche les personnages tout près de nous, cela est permis également à l'acteur" 527 , explique Tieck. Il cite un exemple comparable dans l'histoire de l'art : Dürer et nombre de peintres italiens représentèrent "des histoires anciennes en costumes de leur temps, pour les rendre vraiment proches et familières". Tieck emprunte sans aucun doute cet exemple à August Wilhelm Schlegel qui dans Cours sur l'art dramatique aborde le thème de la transposition dans le présent de façon plus approfondie et détaillée. Encore une fois, à travers cette réflexion, les deux écrivains montrent qu'ils veulent libérer le choix du costume des contraintes "extérieures" du texte (les éléments factuels, les indications de lieu et de temps) au profit d'une autre forme de vérité. Mais de toutes les possibilités, Tieck indique bien, à la suite du passage où il parle de Garrick dans le rôle d'Hamlet, que le costume "poétique" aurait sa préférence par rapport le costume moderne. Comme Schlegel le dit également, le présent du début du XIXe siècle ne permettait plus le rapprochement avec les temps mythiques présentés par Shakespeare.

Si l'on regarde l'ensemble de l'essai, on est encore une fois frappé par la variété des arguments. Un certain nombre d'arguments importants rappellent les positions d'A. W. Schlegel dans le Cours sur l'art dramatique. Au-delà de divergences inévitables entre les personnalités romantiques, on perçoit la volonté de resserrer les rangs dans l'opposition au théâtre officiel. Concernant la réflexion sur le costume, la conception de Tieck apparaît à la fois comme un retour en arrière et une proposition avant-gardiste. En effet, l'idée de Tieck de jouer en costumes-types est rétrograde parce qu'il oppose (peut-être aussi dans un esprit de polémique) un modèle alors révolu aux pratiques qu'il veut combattre. Toutefois sa conception du costume ouvre la voie à des expériences qui même au XXe siècle parurent tout à fait avant-gardistes, en tout cas éloignées du "théâtre officiel". L'idée de limiter le costume à un simple vêtement fonctionnel qui revête l'acteur de la manière la plus neutre possible devance d'une certaine manière l'idée de jouer en T-shirt et en pantalon de jean (le costume est alors uniquement un vêtement pour habiller le corps de l'acteur, c'est un habit de travail, commode, mais il ne véhicule peu ou pas de sens). Tieck lui-même n'était pas "costumier", c'est-à-dire il lui manquait la fantaisie (ou l'intérêt pour le costume) nécessaire pour proposer des créations nouvelles qui auraient dépassé toutes les contradictions, pour exploiter les pistes qu'il traçait. Tieck pose, surtout par l'idée de l'affranchissement de l'imitation du réel, des bases abstraites pour une pratique du costume nouvelle par rapport à ce qui se faisait en son temps, et qui trouva par la suite une résonance.

Notes
490.

"Manche Direktionen haben seitdem diese Liehaberei für ein gelehrtes Costüm bis an die Grenze des Möglichen getrieben." Ludwig Tieck, "Kostüm" in : Dramaturgische Blätter […]. Zweites Bändchen, Breslau 1826. p. 214.

491.

Theodor von Küstner (1784-1864), d'abord directeur du théâtre de Leipzig, puis de celui de Berlin, indique qu'il correspondait avec Brühl au moment où il dirigeait le théâtre de Leipzig notamment pour lui demander conseil en matière de costumes historiques. Cette indication témoigne à la fois de l'intérêt pour le respect de l'histoire et de la notoriété de Brühl dans ce domaine particulier de la scénographie. Cf. la biographie du comte Brühl rédigée par Küstner pour un album-souvenir des Théâtres Royaux de Berlin, Album des Königlichen Schauspiels und der Königlichen Oper zu Berlin unter der Leitung von August Wilhelm Iffland, Karl Grafen von Brühl […] für die Zeit von 1796-1851, Berlin, Schauer, 1858.

492.

"Wenn man erst Kleinigkeiten untersucht, nachschlägt, deshalb korrespondiert, sich aus fernen Gegenden belehren läßt, ob ein Soldat damals diese oder jene Nuance einer Farbe getragen habe, so liegt es als Nothwendigkeit ganz nahe, sich das wirkliche lederne Koller zu verschaffen, in welchem Gustav Adolf fiel, oder Wallenstein ermordet wurde […]." Tieck, "Kostüm" in : Dramaturgische Blätter (II), op. cit., p. 214-215. Cité aussi par Edgar Gross, Die ältere Romantik und das Theater, Hamburg und Leipzig, 1910. p. 101.

493.

Cet échange fut reproduit encore une fois dans le Cahier N° 17 des Neue Kostüme […], Berlin, Wittich, 1819-1831, avec les commentaires des gravures rédigés par Brühl.

494.

E. Gross, Die ältere Romantik und das Theater, op. cit., p. 100-104, p. 106 ; H. Schaffner, Die Kostümreform des Grafen Brühl an den Königlichen Theatern zu Berlin, Köln, 1926, p. 26, p. 100 ; M. v. Boehn, Das Bühnenkostüm in Altertum, Mittelalter und Neuzeit, Berlin, 1921, p. 426-428 ; H. Kindermann, Theatergeschichte Europas, Band V, Salzburg, 1962, p. 259 ; J.-J. Alcandre, Ecriture dramatique et pratique scénique. Les représentations des Brigands sur la scène allemande des 18ème et 19ème siècle, 1984 (Thèse reprographiée), p. 424 ; M. Brauneck, Die Welt als Bühne, Band III, 1999.

495.

"Mit heftiger Polemik wendet sich [Tieck] gegen die Frage der historischen Kostümtreue, in der er nur das Prahlen kindischer Gelehrsamkeit erblickt, die auf alle Weise den Haufen zu bestechen und ihn von einem edlen Genuß entfernt zu halten beabsichtigt." Gross, Die ältere Romantik und das Theater, op. cit., p. 100.

496.

"entschiedener Gegner der Kostümreform". Schaffner, Die Kostümreform […], op. cit., p. 100.

497.

"Dieses Wichtignehmen des Unwesentlichen ist ein Spiel mit dem Spiel, die eigentliche Darstellung kann nun nicht mehr so beachtet werden, wie sie sollte." Tieck, "Kostüm", op. cit., p. 215.

498.

Alcandre, Ecriture dramatique et pratique scénique […], op. cit., p. 424.

499.

"Aber, um den Zuschauer zu locken, um doch durch etwas Sinnenreizendes das verlorene Theater zu ersetzen, ordnet man große, kostspielige Anzüge an ; Pferde, je mehr je lieber, übertäuben die Redenden ; Feuerwerke sprützen und ängstigen ; seltsame Beleuchtungen blenden ; Seiltänzer und Ballet füllen die Lücken, und ein Kostüm aller Jahrhunderte prahlt mit kindischer Gelehrsamkeit, um auf alle Weise den Haufen zu bestechen, und ihn, so weit als nur möglich, von einem edlen geistigen Genuße entfernt zu halten : als verstehe es sich nicht von selbst, daß in der Theaterkunst, wie in der Malerei und Skulptur, das Gewand und Kostüm nur den höheren Absichten dienen, und hundertmal für den anmaßlichen Kenner unrichtig sein müsse, um nur passend und kunstgemäß zu bleiben." "Préface" (Vorrede), in : Dramaturgische Blätter […]. Erstes Bändchen, 1826. p. XVIII. Le lecteur remarquera qu'E. Gross a repris librement la fin de cet extrait pour caractériser la position de Tieck. Nous avons essayé d'éviter au maximum l'emploi de cette technique (car elle ne se présente pas ouvertement comme une citation), mais il est vrai que la densité du texte, à laquelle le critique est confronté, la rend parfois inévitable.

500.

ibid., p. 210. "[man] spielte alte und neue Geschichte in den Kleidern der Mode, mit einigen wenigen willkührlichen Abzeichen."

501.

"Jetzt ist man endlich auf einen reineren Geschmack zurückgekommen, auf einigen Haupttheatern wird das Kostüm wirklich gelehrt und in einem strengen Stil beobachtet." A. W. Schlegel, Vorlesungen über dramatische Kunst […], hrsg. von E. Böcking, Sämmtl. Werke, Band V, Nachdruck, Olms 1971, p. 319 ; id., hrsg. von E. Lohner, Kohlhammer 1967, p. 215.

502.

ibid., p. 209. C'est une impression que Tieck a pu acquérir au cours de son voyage en France et en Angleterre en 1825.

503.

Je renvoie ici au chapitre de P. Frantz sur la notion de "costume", dans L'esthétique du tableau dans le théâtre du XVIIIe siècle (Paris 1998), dans lequel il montre comment les Français se sont approprié le terme italien, comment il a d'abord influencé le domaine de la peinture avant de devenir l'orientation de la réforme du comédien François-Josef Talma. Cf. pp. 87-114. Il est vrai que Talma s'intéressa en priorité au vêtement antique (pour des raisons idéologiques : son admiration pour la République de Rome).

504.

"(…) endlich war man in Deutschland um das Jahr 1790 auf den meisten Theatern so kostümiert, daß man es geschmackvoll nennen konnte." ibid., p. 212.

505.

"Selbst als man sich zum Geschmack erhoben hatte, und Bauernmädchen […] oft reicher kleidete, als es die Wahrheit erfordert hätte, unterschied man in Ritterstücken die Jahrhunderte nicht genau, nahm Helm und Harnisch, Mantel und Schärpe mehr so, wie diese Dinge den theatralischen Bedürfnissen angemessen waren, als daß man Rüstkammern, Kupferstiche, oder gar Leichensteine studirt hätte, um nicht etwa das Kostüm des Jahres 1109 zu verletzen, wenn eine Kleidung vorrätig war, die man vielleicht ungefähr so im Jahre 1500 getragen hatte. Dies war namentlich der unkritische Zustand des berliner Theaters, als Engel die Direktion führte." ibid., p. 209.

506.

"Nur wir gründlichen Deutschen haben in den neuesten Zeiten bei einigen unserer Bühnen auch die Kleidergelehrsamkeit ausgebildet, und wir wissen uns natürlich viel damit." ibid.

507.

dans laquelle il s'inclut malgré tout ("wir"). Le sentiment d'appartenance nationale est plus fort que le rejet des voies esthétiques choisies par cette même nation.

508.

"Das […] höchste Leben bewegt sich freilich im aufgeführten Drama vor unseren Augen, aber die Schönheit darf auch hier nicht verletzt werden" ; "Weg also mit allem, was das Auge beleidigt […]" ibid., p. 219-220.

509.

En regard des propositions de Tieck, qui exige un costume neutre, sans recherche esthétique, l'argument présent ne semble pas être l'argument le plus sérieux de l'auteur. Mais peut-être Tieck réagit-t-il aux moqueries dont la scène shakespearienne faisait l'objet de la part des partisans du réalisme : on trouvait les moyens techniques et le manque de culture (dont les costumes faisaient preuve) ridicules. Ainsi Tieck rend au parti opposé la monnaie de sa pièce…

510.

"Die Vollendung, die wir auf diesem Wege zur Wahrheit suchen, ist nur eine ganz unerreichbare […]"."[ich bin] überzeugt, daß uns jeder Schneider aus dem 14ten oder 15ten Jahrhundert verlachte, wenn er unsere aufgestützten Modelle sehen könnte." Tieck, "Kostüm", op. cit., p. 216.

511.

"Warum soll das Publikum nicht im Theater Gelegenheit finden zu jeder Art von wissenschaftlicher Bildung ?" Brühl, Neue Kostüme […], op. cit. Citation dans la préface, 2ème page.

512.

"[…] soll es nun auch noch eine Musterkarte von den Trachten der verschiedensten Völker in allen Jahrhunderten werden ? Ist die Bühne etwa dadurch ein "Spiegel der Zeit", wenn man uns viele und mannigfältige Röcke kennen lehrt?" ibid., p. 217.

513.

"Jede Kunst hat ihre eigenthümliche Wahrheit, und kennt jene wirkliche, außenliegende gar nicht ; sie bewegt sich in ihrem eigenen Elemente, und nimmt keine Kenntnis davon, wenn man ihr etwas Fremdartiges aufdrängen will." ibid., p. 219.

514.

Über Wahrheit und Wahrscheinlichkeit der Kunstwerke. Ein Gespräch, in : Goethes Werke, Hamburger Ausgabe in 14. Bänden. Hrsg. von E. Trunz. Band XII : Schriften zur Kunst. Schriften zur Literatur […]. Beck, München, 11. Auflage, 1989. Texte paru originellement dans les Propylées, 1798.

515.

Charles Batteux, Les Beaux-arts réduits à un même principe, 1747.

516.

Pour comprendre les propos de Tieck, il faut se référer à l'histoire littéraire du genre romanesque ; surtout ne pas avoir en tête un roman de type réaliste ou naturaliste, mais plutôt le roman de chevalerie alors encore très en vogue. Une œuvre comme celle de Balzac paraît en être le parfait contre-exemple, mais peut-être Balzac n'est-il pas si loin de la réflexion de Tieck lorsqu'il intitule son œuvre ancrée dans le présent du début du XIXe siècle : la "Comédie humaine".

517.

"dieses Gefühl von der Wichtigkeit der nächsten Gegenwart im Drama". Tieck, "Kostüm", op.cit., p. 228. Tieck met cependant en garde contre une trop grande importance accordée au présent (comme dans les drames bourgeois de la Spätaufklärung, dans les tableaux de famille, les comédies larmoyantes) qui produit des œuvres de mauvaise qualité.

518.

"Es giebt, mit einem Wort, ein Theaterkostüm, wie es ein Maler– und Bildhauerkostüm giebt; von diesem wird der verständige Schauspieler nur wenig abweichen, um dieses und jenes Volk, oder einen scharfgezeichneten Charakter zu nuancieren ; diese Modifikationen werden aber auf einem allgemeinen Elemente ruhen, auf einer poetischen und malerischen Theatertracht, die in solchen Hüten, Mänteln, Wämmsen und Stiefeln vielleicht nie so getragen wurde (...)". ibid., p. 220. J'ai préféré traduire malerisch : "qui est digne d'être peint" par l'adjectif "esthétique" qui exprimait mieux la demande de Tieck d'un vêtement noble, élégant, plutôt que "pittoresque" qui peut avoir le sens de coloré, charmant…

519.

"das sogenannte Mittel-und Ritteralter kann ungefähr in allen Jahrhunderten dasselbe sein, die sogenannte spanische Tracht wird neben jener Kleidung für alle poetischen Darstellungen so ziemlich aushelfen, und wenn man noch auf die Zeit des dreißigjährigen Krieges, so wie auf die Peter des Großen eine billige Rücksicht nimmt, ist man dabei nur einigermaßen der griechischen und römischen Kleidung gewiß, ohne zu arg zu verstoßen, so hat, die neusten Kleider hinzugerechnet, jedes Theater wohl, was es braucht." ibid., p. 229.

520.

"So war es auch unter Schröder's und Engel's Direktion, die mir auch in dieser Hinsicht noch jetzt als eine musterhafte erscheint." ibid.

521.

Kindermann, Theatergeschichte Europas, Band V, op. cit., p. 252. "Tiecks irrtümlicher Ruf : Zurück zum Kostüm von J. J. Engel und Schröder."

522.

E. Gross, Die ältere Romantik und das Theater, op. cit., p. 100.

523.

"jene allgemein poetische oder sogenannte spanische Kleidung" Tieck, Kostüm, op.cit., p. 230.

524.

W. Klara, Schauspielkostüm und Schauspieldarstellung […], Berlin 1931. p. 110 sqq.

525.

"Je mehr der Zuschauer dieselben anständigen Kleidertrachten wierdersieht, die er schon gewohnt ist, so weniger wird er im Genuß der Poesie und des Spiels gestört." Tieck , "Kostüm", op. cit., p. 220.

526.

Tieck, Dramaturgische Blätter […], Erstes Bändchen, Breslau, Max und Komp., 1826. "Romeo und Julia von Shakspeare", p. 269. "Es half zugleich die Gruppen und Partheien sondern."

527.

"Wo der Dichter die Personen so ganz nahe an uns rückt, ist es dem Schauspieler auch erlaubt." Tieck, "Kostüm", op. cit, p. 230.