Présentation

Dans la première partie de notre travail, nous exposerons les linéaments d’une problématisation de ce que l’on pourrait baptiser la « question sociétaire ». Il s’agira tout d’abord de retracer l’histoire de la SCI, de se pencher sur ses soubassements idéologiques et philosophiques, ses références paradigmatiques et sa place dans l’univers juridique, au carrefour de plusieurs droits (chapitre 1). Après avoir posé ces jalons, nous rentrerons ensuite à l’intérieur de la problématique de recherche – dont le substrat théorique vient d’être évoqué en l’introduction – et de son jeu fondateur de questions et d’hypothèses (chapitre 2). En concevant un objet à l’interface du social, de l’économique, du juridique et du spatial, nous nous ingénierons à prouver que la sociologie, dans ses efforts de construction objectale, à tout à gagner d’une approche pluridisciplinaire ou transversale. Nous déclinerons enfin les différentes orientations méthodologiques sélectionnées pour mener à bien notre projet de compréhension du phénomène SCI (chapitre 3). Etroitement liées au travail de théorisation, elles se caractérisent par la mise en œuvre d’un protocole classique (entretiens, dépouillement documentaire) accompagné parfois de techniques moins usuelles ou, si l’on préfère, plus « bricolées » (élaboration personnelle d’une base de données informatique). Dans ce cadre, nous envisageons de montrer que l’édification de certains concepts-clés et hypothèses doit moins à un exercice spéculatif a priori qu’à la « vérité » du terrain.

Dans son ensemble, la seconde partie sera consacrée à l’examen des logiques d’action des porteurs de parts dans leur double dimension macroscopique et microscopique. Il s’agira dans un premier temps de mettre en exergue l’évolution quantitative des immatriculations de SCI en France et dans la région lyonnaise durant ces vingt dernières années et de leur donner sens au regard de grandes tendances socioéconomiques. Corrélativement, en nous centrant sur le processus de diffusion de la SCI, nous essaierons de tester le statut d’analyseur des dynamiques spatiales et immobilières – logiques de distribution des populations et des activités économiques, stratégies d’investissement et/ou d’appropriation territoriaux, processus de division sociale de l’espace – que nous attribuons à la SCI (chapitre 4). Dans un deuxième temps, nous nous pencherons sur l’éventail des motifs de recours à la SCI en présumant de leur intercurrence, c’est-à-dire de leur conjugaison temporelle, et de leur indexation à des contextes conjoncturels et structurels, individuels et collectifs, significatifs. De fait, nous esquisserons une première ébauche de la carrière – au sens interactionniste du terme – de porteur de parts (chapitre 5). Par-delà la découverte de régularités et de diversités causales, nous nous intéresserons plus finement aux systèmes de pratiques, de représentations et de préférences gestionnaires des porteurs de parts (chapitre 6) ainsi qu’aux usages et images qu’ils font et ont du droit et de la fiscalité (chapitre 7), sachant que les deux aspects se confondent bien souvent. Leur analyse nous permettra de déterminer quelle est la portée effective des prescriptions normatives juridiques ou, dit autrement, de confronter rationalités, idiosyncrasies et logique déontique.

Avec la troisième partie, nous déplacerons notre regard des propriétés objectives et subjectives aux relations et aux transactions sociales. Nous commencerons tout d’abord par porter notre attention sur l’éventail des praticiens et autres professionnels concernés par le recours à la SCI. Nous axerons notre propos non seulement sur leurs pratiques et représentations de l’outil et du phénomène SCI, mais aussi sur les enjeux professionnels qui se nouent au travers des usages instrumentaux et sur les relations d’interprofessionnalité (chapitre 8). Dans ce contexte, la SCI sera mobilisée comme un analyseur des dynamiques professionnelles touchant les univers des praticiens de l’argent, du droit, du chiffre et de l’immobilier. Ensuite, nous reprendrons la description des différents modes d’accès à l’information sociétaire faite au chapitre 5, en insistant sur l’influence des réseaux sociaux. De surcroît, nous observerons comment se tissent et évoluent les rapports praticiens/clients (chapitre 9). De ses deux points, dont le lien avec le chapitre 7 sera ré-établi, ressort une forme de construction sociale de la réalité juridique et économique. Nous nous évertuerons enfin à montrer comment la SCI peut structurer ou déstructurer les rapports entre porteurs de parts, reliés la plupart du temps par des liens forts. Nous étudierons la nature des configurations d’associés, les pratiques du don, de l’échange, de la négociation et des jeux de pouvoir à l’œuvre dans ces groupes restreints (chapitre 10) ainsi que les formes de prévention, de gestion et de résolution des blocages sociétaires (chapitre 11). Il nous appartiendra par conséquent de mettre en relief l’importance de l’oralité et de l’écriture et de leurs éventuelles combinaisons selon les situations.