2.2 Capacité projective et imputation causale de l'action

Dans l’introduction, nous avons évoqué la ténacité de certaines représentations collectives relatives à la SCI, édifiées sur le prisme de l’affairisme et du fiscalisme. Nous pouvons même avancer que sur le plan chronologique elles ont motivé le choix du sujet et enfanté les questions suivantes : qui se trouve réellement derrière les SCI et quelles sont les conduites à l’œuvre ? S’il arrive parfois que la réalité et les croyances se rejoignent, nous avons plutôt pris le parti de nous défier des idées reçues et de nous pencher sur les usages et images in extenso de la SCI, quels que soient les profils de porteurs de parts et la nature de leurs pratiques.

Au départ, nous présagions en effet de tomber sur des représentants du monde des affaires (indépendants et chefs d’entreprise), sans trop nous faire d’illusion sur d’éventuelles rencontres avec des individus adeptes de conduites flottantes et illicites. Nous faisions alors confiance aux contingences du terrain ; lui seul nous guiderait au beau milieu de populations pensées comme plus hétérogènes que ne le laissent entendre les croyances collectives. Il n’était pas sérieusement envisageable de prime abord d’enquêter sur un monde social hermétique, dont le détournement financier est une raison d’être et d’agir, soucieux en outre de préserver à tout prix le mystère entourant ses intentions et ses méthodes. « Vivons heureux, vivons cachés », comme dit l’adage.

De fait, il nous a paru judicieux d’appréhender la condition sociale de porteur de parts de SCI en termes de « catégorie de situation » 76 ou de carrière. En effet, derrière la disparité des histoires, des parcours, des projets et des stratégies – ce qui ne facilite pas au demeurant l’extraction de régularités comportementales –, nous affirmons que c’est la situation qui se présente comme un dénominateur commun des logiques d’action dans leur ensemble, dessinant ainsi une esquisse d’homogénéité. Dès lors, l’objectif que l’on doit s’assigner se situe dans la recherche des mécanismes, des processus et des conjonctures qui ont présidé à cette confrontation situationnelle et dans l’observation des manières de la vivre.

Notes
76.

Cf. Daniel BERTAUX, Les récits de vie. Perspective ethnosociologique, Paris, Nathan Université, « 128 », 1997, p. 15.