De l’inaction collective aux effets pervers de l’échange et du don

Pour certains sociologues, la parenté tiendrait le marché à distance 102 . Nous pourrions, à la suite de nos allégations, mais avec toutes les précautions qui s’imposent, mettre en évidence la même idée à propos du droit des sociétés et du contrat. Dans la pensée juridique, la société est conçue comme une aventure commune et collective. En affirmant que les attitudes individuelles priment dans les SCI familiales, nous souhaitons faire valoir l’hypothèse d’une inaction collective. Plus exactement, il s’agit de découvrir les passerelles entre l’action et l’inaction et leurs conséquences sur la gestion matérielle.

En envisageant le droit sociétaire comme un double facteur de structuration et de déstructuration des rapports interpersonnels, un crochet par les théories de l’action collective nous permet de démêler l’écheveau. Il convient dès lors de saisir la nature de la participation de chaque associé ou la distribution des rôles dévolus à chacun d’entre eux. En gros, qui fait quoi ? Comment les initiatives sont-elles réparties ? Existe-t-il des zones de délibérations communes, une organisation sur le modèle des « avantages comparatifs » ou bien les décisions demeurent-elles concentrées entre les mains d’un leader ? Toutes ces questions renvoient à des stades et à des enjeux importants dans le processus comme l’énonciation du projet, la collecte des informations, la responsabilité du financement ou de la gestion du budget commun, l’allocation différentielle et intertemporelle des ressources, etc. Si nous postulons que la famille est un lieu de concurrence pour le patrimoine et le pouvoir sur celui-ci 103 , malgré son aspect originel fédérateur, il faut s’interroger sur les mécanismes de contrôle des tensions, des antagonismes et des conflits virtuels. Dans cette veine, il importe à notre avis de relever les tendances centrifuges et centripètes, c’est-à-dire les raisons et les témoignages des éloignements et rapprochements gouvernant les décisions patrimoniales.

Un exemple servira d’illustration. Si un père de famille et son épouse décident de procéder à un investissement immobilier aux fins d’une transmission différée à leurs enfants via une SCI, c’est eux qui injecteront de l’argent dans l’opération, soit en piochant dans leurs propres deniers, soit en empruntant auprès d’une banque. A rebours, on peut très bien tomber sur des cas de figure où les enfants sont mis à contribution sur le plan financier. Les parents peuvent leur demander, à condition que leur situation socioprofessionnelle et financière le leur autorise, de participer au pot commun, sachant que le bien immobilier acheté leur reviendra en temps voulu. Ils sont donc à cette occasion directement associés à l’investissement, de l’achat à sa gestion régulière, qu’elle soit financière (appels de fonds pour travaux, entretien et réinvestissements) ou juridique (implication corrélative dans les assemblées générales). Dans ce contexte, ils font figure de véritables associés et/ou partenaires financiers ; le cadre est plus « démocratique ». Leur statut s’éloigne de celui d’autres enfants, cocontractants et associés de façade. Chemin faisant, le moindre relâchement des enfants-associés est estimé coupable et sujet à réprimandes. Dans un souci de responsabilisation, les parents peuvent exercer dès cet instant une pression dont le but vise à voir les enfants se polariser sur l’effort collectif. En tant que partenaires à part entière, il ne faut pas qu’ils oublient qu’ils ont des devoirs précis, à commencer par une participation définie, ab initio ou au gré des conjonctures, à la triple vie juridique, comptable et financière.

De cet exemple idéal-typique – dont la portée sera débattue infra à l’aune de l’analyse qualitative – il résulte que notre hypothèse, appuyée par le paradoxe olsonnien, conserve sa valeur dans des contextes familiaux dominés par un potentat grimé en bon père de famille et par l’absence ou l’insuffisance des ressources de sa progéniture. Sur un plan axiologique, les parents peuvent refuser le concours des enfants arguant une orthodoxie familiale ou une hiérarchie successorale à respecter. De même, les enfants peuvent garder leurs distances – i.e. devenir des free-riders – sachant qu’ils récolteront d’une manière ou d’une autre les fruits de cet investissement par des cessions ou des donations-partages de parts de la SCI détentrice du bien, sinon par testament ou succession ab intestat.

En revanche, les parents peuvent aussi jouer sur la corde sensible et inciter leurs enfants à davantage d’intégration. Nous pouvons avancer l’idée qu’ils instaurent parfois un système de sanctions et de récompenses ou, dit dans un vocabulaire olsonnien, d’« incitations sociales sélectives » 104 . Un supplément d’implication dans la vie juridique et comptable peut être appréhendé comme un signe méritoire et se traduire le cas échéant par une digne rétribution en parts de société ; il prend la coloration d’une « prime à la fidélité » visant à juguler tout relâchement. Un déficit prolongé d’implication peut, quant à lui, induire d’abord des remontrances ou des avertissements, voire in fine une obligation de rendre ses parts (une cession forcée), qui n’est qu’une version euphémisée d’ostracisme.

Dans cette seconde perspective, les limites du paradoxe olsonnien sont atteintes : l’attitude du free-rider confine à ce que certains auteurs appellent une « fraude à la communauté » 105 . La position de retrait serait improductive et il faudrait au contraire augmenter son effort personnel, être curieux et actif, afin d’accroître son avantage et de bénéficier d’un bien immobilier dans de bonnes conditions. Il leur serait même conseillé de participer à la gestion des affaires patrimoniales de la communauté en lui accordant un minimum de temps et de ressources.

L’identification des enfants à des associés et l’usage potentiel du mécanisme des cessions de parts démontrent que l’attitude parentale tend à faire se rejoindre l’échange et le don – deux relations jugées très différentes par les juristes parce que le premier renvoie à la commutation et à l’altérité des partenaires d’affaires et le second à la solidarité, au sentiment d’appartenance à un même univers social, à une identité commune 106 .

En regardant la SCI comme une technique, il faut prêter attention à l’éventail des effets économiques et sociaux induits par sa diffusion et son usage. Eu égard à sa nature contractuelle, elle peut être autant un facteur d’affermissement du lien social – nous pensons surtout ici aux solidarités entre les générations, dont la SCI peut être le trait d’union – que de dilution ou de délitement de celui-ci. Les répercussions sont d’autant plus fortes et irréversibles dans des configurations aux liens affectifs étroits. D’un point de vue macrosociologique, la diffusion de la SCI dans de nouveaux milieux a, semble-t-il, promu de nouvelles donnes successorales orientées autour des transmissions anticipées et dont le principal ferment est de consolider les solidarités familiales. D’un point de vue microsociologique, cette diffusion accouche parfois de nouveaux rapports relationnels et produit des recompositions sociales, voire de nouvelles attributions patrimoniales. A titre d’illustration topique, on peut mentionner l’entrée dans une SCI familiale de parents par alliance ou d’amis proches.

La variété des effets apporte une aide précieuse dans l’étude des relations et des recompositions. Ces effets peuvent être pervers ou contre-intuitifs, à savoir qu’ils dépassent souvent largement la volonté initiale des créateurs de la SCI – i.e. hiatus entre les orientations et intuitions premières des acteurs et les effets d’ensemble de leurs comportements dans le temps ; en voulant le bien ont réalise le mal – ou stratégiquement recherchés par les initiateurs : mise en concurrence de descendants ou prétendants à la succession, favoritisme ou préciput, concubinage, familles recomposées, etc. Dans ce registre, la SCI nous permet d’observer antagonismes et conflits. Elle permet également de nous immiscer au cœur des pratiques du « legs stratégique » 107 et de faire un parallèle avec l’idée de « création d’incertitudes artificielles » 108 dans le but de faire barrage aux incertitudes « naturelles ».

Reprenons l’exemple de la SCI croisée avec un démembrement de propriété. A l’heure actuelle, elle nous fournit un témoignage éloquent de la dynamique conflictuelle affectant certaines familles. Remis au goût du jour par quelques juristes convaincus de son bien-fondé, la technique du démembrement consiste en une dissociation entre droits d’usufruit et droits de nue-propriété qui sont autant de droits « économiques » que « politiques ». Désirant transmettre à leurs enfants une maison de famille, des parents vont d’emblée monter une SCI dans laquelle ce bien sera placé. Une fois le contrat de société rédigé chez un notaire, les parents optent pour une donation-partage des parts à leurs enfants. Selon les préconisations du notaire, ils se ménagent une plage de revenus en s’arrogeant l’usufruit des parts, les enfants héritant de la nue-propriété de ces mêmes parts. Au décès des deux parents, les parts en usufruit tombent dans l'escarcelle des enfants nus-propriétaires qui ainsi deviennent pleins-propriétaires. Le souci des parents est de préparer leur succession, en allégeant la note fiscale – les donations de parts sont moins taxées que les donations des biens en eux-mêmes ; de plus ils peuvent profiter des abattements décennaux de 300 000 francs par parent, – tout en s’assurant unes source de revenus en cas d’appauvrissement.

Prévoyance personnelle et solidarité intergénérationnelle s’unissent par conséquent dans une stratégie patrimoniale globale. En dépit du renforcement des liens familiaux que ce type de stratégie instaure, des tensions peuvent survenir. Si de prime abord, les familles peuvent être regardées comme des creusets d’harmonie et de concorde, d’aucuns nous rappellent que les conflits familiaux sont des conflits sui generis, puisqu’ils se produisent sur la base une « unité organique présumée » 109 . En outre, nous serions mal inspiré de ne pas voir que toute vie sociale jongle avec les contraires. Georg Simmel, une fois de plus, ne nous invite-t-il pas à prendre en considération autant les coopérations et les harmonies que les luttes et les concurrences ? 110 Pierre Bourdieu ne nous enjoint-il pas à débusquer les forces de fusion et les forces de fission affectant la vie des familles ? 111 Comme si la concorde portait en germe la discorde.

L’assemblage technique entre SCI et démembrement – symbole simultané des mouvements de rationalisation du droit et de modulation des organisations et stratégies familiales – ne met-il pas indirectement en relief les limites de la solidarité intra-familiale ? La réponse que nous proposons sous forme hypothétique fait appel aux développements confectionnés par la sociologie et l’anthropologie économique. La donation-partage de parts démembrées pourrait être comparée à un pseudo-don ou à un « cadeau empoisonné ». On donne sans vouloir donner. On ne se sépare pas totalement et définitivement de ses biens, comme si dépossession rimait avec disparition sociale 112 . D’ailleurs, le droit souscrit à cette ambivalence puisque dans un contrat de donation ou de SCI surgit toujours une clause de réversion des parts en cas de décès ou de mésusage de la libéralité.

L’explication du climat polémogène peut donc être justiciable de facteurs endogènes, fruits des variations des formes de l’action collective et de situations interpersonnelles singulières. Mais parallèlement, elle en appelle aussi à d’autres facteurs plus exogènes comme les évolutions démographiques. Aujourd’hui, on assiste dans la plupart des pays industrialisés à un allongement de l’espérance de vie 113 . Jadis, la dévolution successorale se cristallisait surtout dans la pratique testamentaire. Si la SCI et les solutions oblatives incarnent un pacte familial, visant à réfréner certaines convoitises, l’accroissement régulier de la durée de vie peut venir remettre en cause la paix des familles. En devenant nus-propriétaires, les descendants concernés pensent qu’ils deviendront à court ou moyen terme pleins-propriétaires. La technique du démembrement sert donc à les faire patienter. Voyant que leurs parents sont toujours en vie plusieurs années après le montage et la libéralité, leur perception du temps va prendre une autre coloration. Les projets qu’ils ont élaborés sont freinés, suspendus, voire abandonnés à cause de leur participation – que le consentement soit arraché, contraint, voulu ou négocié – à la SCI parentale. Dans ce contexte, les relations parents/enfants – et nous pourrions avancer la même idée pour les relations de germanité ou conjugales – dépassent l’identité supra-individuelle d’appartenance à une même communauté, la sociabilité familiale s’affirmant alors comme un « effet émergent » dérivant d’un compromis entre des volontés qui s’affrontent 114 .

En effet, la rédaction des statuts peut donner aux parents la mainmise absolue sur les opérations, les enfants n’ayant plus qu’à « attendre leur mort » – que l’on nous pardonne une expression aussi rude. Ils s’octroient les pouvoirs politiques, rendent, pour parodier Albert Hirschman, la défection (exit) quasiment impossible et circonscrivent toute forme de contestation 115 . Si au départ les futurs destinataires avaient été enrôlés ou séduits par le projet sociétaire, leur représentation se lézarde dans le temps. Ils expérimentent divers états psychologiques. Impatience ou longanimité, mécontentement, irritation et ingratitude se succèdent. Nous pouvons même imaginer que les enfants façonnent des coalitions afin de déjouer les plans originaux de leurs parents. De simples revendications (voice) peuvent ainsi parfois trouver un épilogue devant les tribunaux. Partant, les conflits d’intérêts se meuvent en conflits affectifs. Il n’est alors pas excessif de parler de « crise familiale » : les donataires voient leur existence matérielle menacée, leurs projets personnels bafoués et la cohésion groupale érodée du fait du verrouillage concocté par les parents. A travers ces scénarios, ce sont les comportements des acteurs nés d’un sentiment d’injustice qui sont à étudier. Nous rejoignons par là-même le débat qui nous préoccupe plus largement sur les pratiques et les représentations de la (inter)normativité. Des normes de justice distributive, axées sur une évaluation plus ou moins objective des mérites de chacun 116 et déterminant tant les implications dans l’action collective que la réalisation du projet patrimonial-sociétaire.

Comme cet exemple le suggère, les parents peuvent être à l’origine de l’inaction et de la passivité de leurs enfants, ces derniers subissant en quelque sorte la plupart du temps les événements. Il s’en faudrait de peu de parler d’une « impuissance » à agir, sachant que cette impuissance peut être le produit d’une domination intériorisée au cours du processus de socialisation familiale 117 ou bien d’un projet ponctuel finalisé dans des statuts écrits. Même si les groupes de parenté excluent a priori toute possibilité de défection au profit parfois de discussions internes, le désir de trouver une issue peut se signaler avec force. De la formation de contre-groupes normatifs, de coalitions dans la fratrie à l’alternative judiciaire, toutes les armes peuvent être mobilisées. Ces situations traduisent de fait un rejet de la norme préétablie, à laquelle les enfants avaient pourtant adhérés par obéissance, allégeance, irénisme, désintérêt, insouciance ou même par calcul. En dénonçant cette norme, ils dénoncent symboliquement l’ordre des choses. Si nous pouvons supposer que dans bien des cas le rapport d’emprise est consenti, il peut, au gré des événements existentiels rencontrés par les enfants, se rompre. Les attentes normatives respectives des parents et des enfants sont déçues conduisant soit à une transmutation de la tension en crise ou conflit, soit à une remise à plat du projet 118 .

Les praticiens, et en particulier les notaires, se trouvent en première ligne pour observer de telles dynamiques. Ils y sont même impliqués si en tant qu’officiers ministériels ils sont sollicités pour rédiger et authentifier les statuts de la SCI. Dans quelques cas de figure, la détérioration du climat familial peut engendrer plusieurs scénarios dont les plus fréquents sont la sortie des associés lésés et lassés par les tensions répétées ou bien des retouches statutaires par l’insertion de nouvelles clauses. De tout cela, il ressort l’éventualité de profonds dissensus avec l’ordre collectif fixé par les créateurs, une distanciation d’avec l’aventure commune, un déni du sacrifice personnel. Cette situation d’hétéronomie peut être avalisée au départ ; il n’empêche que l’acceptation s’étiole dans le temps au gré des événements familiaux, des projets individuels et d’une volonté affichée de s’affranchir de la tutelle parentale (recherche d’indépendance). Les statuts mettent tous les atouts du côté des parents ; ils sont au fondement de la fermeture. Le blocage statutaire, et donc juridique, nourrit à un moment donné des désirs de sortie impossible qui provoquent eux-même de nouveaux blocages.

Le mécanisme SCI n’élude pas la survenance de conflits, malgré la teneur prophylactique des statuts. Même si le contrat de société est conçu par les juristes comme ce fameux acte de prévision/prévention, entérinant une socialisation scénarisée, tous les paramètres ne sont pas contrôlables, à l’instar des vicissitudes des relations affectives. De ce qui vient d’être dit, il faut alors reconnaître le cachet ambivalent du mécanisme sociétaire : solidarité, prévention, prévision versus extrapolation d’antagonismes, troubles et conflits, voulus ou non. Finalement, on peut se demander si la SCI ne porte pas en elle-même les germes de sa propre usure ou si elle ne masque pas un caractère entropique immanent. L’absence d’antagonismes et de tensions signifie-t-elle que les règles du jeu définies par les parents, et homologuées par le droit objectif, sont acceptées par l’ensemble des participants ? L’émergence de problèmes traduirait la remise en question du processus d’involution, facteur de dilution des différences et d’affaiblissement des identités. L’enjeu se situe aussi à ce niveau : se faire une place dans la SCI mais, au-delà, dans la famille ou dans le groupe.

Notes
102.

Cf. Jacques T. GODBOUT, Le don, la dette et l’identité. Homo donator versus homo oeconomicus, Paris, La Découverte/MAUSS, « Recherches », 2000, p. 25.

103.

Cf. Pierre BOURDIEU, « L’économie des biens symboliques » in Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, op. cit., p. 195.

104.

Cf. Mancur OLSON, Logique de l’action collective, Paris, PUF, « Sociologies », 1978 (1966), p. 83. La référence à la mise en place d’un tel système nous entraîne sur le chemin des pratiques éducatives familiales et des efforts intégrateurs qui en sont à l’origine, et dont l’argent et le droit se présentent comme deux vecteurs indissociables.

105.

Cf. Albert O. HIRSCHMAN, Bonheur privé, action publique, Paris, Fayard, « L’espace du politique », 1983 (1982), p. 139.

106.

Cf. Alain SERIAUX, « La notion juridique de patrimoine », op. cit.

107.

Cf. Luc ARRONDEL, « L’approche économique de l’héritage : modèles et tests », Communications, n° 59, 1994, p. 177-197. L’auteur distingue 4 types de legs : le legs accidentel ou de précaution ; les legs familiaux « paternaliste », « altruiste », « rétrospectif » ; les legs d’échange ou « don maussien » comportant « l’échange équilibré » et « l’échange stratégique » ; les legs capitalistes.

108.

Cf. Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG, L’acteur et le système, op. cit., p. 24

109.

Cf. Georg SIMMEL, Le conflit, op. cit., p. 86.

110.

Cf. Georg SIMMEL, « Le problème de la sociologie » in Sociologie et épistémologie, Paris, PUF, « Sociologies », 1987 (1977), p. 163-170.

111.

Cf. Pierre BOURDIEU, « L’esprit de famille » in Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, op. cit., p. 135-145.

112.

Cf. Anne GOTMAN, Hériter, op. cit., p. 200 sq. La sociologue voit dans la donation un « faux-don » ou un « prêt », ce qui lui fait dire qu'« elle représente toujours un risque pour le donataire, celui d’être piégé, comme pour le donateur, tel Lear, celui d’être dépossédé. Ni totalement sacra (biens précieux inaliénables), ni vraiment monnaie d’échange, les biens donnés en famille doivent partiellement revenir sous forme symbolique à leur possesseur initial. C’est toute l’ambiguïté de la donation ». Dans le même esprit, cf. Annette B.WIENER, « La richesse inaliénable », Revue du MAUSS, 4ème trimestre, n° 2, 1988, p. 126-155 ; Maurice GODELIER, L’énigme du don, Paris, Fayard, 1996, p. 21 pour qui l’acte de donner institue toujours un double rapport de solidarité et de supériorité ou de dépendance ; Marcel MAUSS, « Gift-Gift » in Œuvres, volume 3, Cohésion sociale et divisions de la sociologie, Paris, Editions de Minuit, « Le sens commun », 1969, p. 46-51, qui montre que, étymologiquement, le don a trait en même temps au « cadeau » et au « poison ».

113.

Cf. Alain PARANT, « Le vieillissement démographique de l’Union européenne », Population & sociétés, INED, n° 321, février 1997.

114.

Cf. Article « Communauté » in Raymond BOUDON et François BOURRICAUD, Dictionnaire critique de la sociologie, op. cit., p. 81-86.

115.

Cf. Albert O. HIRSCHMAN, Défection et prise de parole, Paris, Fayard, « L’espace du politique », 1995 (1970, 1975), p. 122 surtout, pour ce qui concerne l’impossible défection dans les groupes primaires et les manœuvres de restriction de la prise de parole (autoritarisme).

116.

Cf. Jean KELLERHALS, Jacques COENEN-HUTHER et Marianne MODAK, Figures de l’équité. La construction des normes de justice dans les groupes, Paris, PUF, « Le sociologue », 1988, p. 16.

117.

Nous suggérons que l’impuissance à agir renvoie à l’idée de « loyauté » telle qu’elle a été conceptualisée par Albert O. HIRSCHMAN. Si nous le suivons sur ce terrain, nous pouvons en inférer une sorte de « loyalisme inconscient » qui exclut le mécontentement et donc le recours à la revendication. Il se présente de plus comme « un frein à la défection ». En revanche, si des velléités de défection se manifestent, ses acteurs peuvent encourir de lourdes pénalités. C’est justement l’intériorisation de ce spectre de la pénalité qui serait à la source de l’inaction et de la soumission présumée. Cf. Défection et prise de parole, op. cit., CH. VII, p. 122-164.

118.

Pour une interprétation de la thèse de Niklas LÜHMANN sur les attentes sélectives et risquées débouchant sur des déceptions et des conflits, cf. Liliane VOYE, « Transaction et consensus supposé » in Maurice BLANC, Textes réunis et présentés par, Pour une sociologie de la transaction sociale, op. cit.., p. 194-213.