1996-1998 : une reprise différente

Enfin, plus près de nous, la période 1996-98 célèbre une reprise du nombre d’immatriculations (+9,2%) qui va de pair avec un retour de la croissance économique. Le moral des ménages s’améliore en raison du recul du chômage, de la progression du pouvoir d’achat et de la baisse du loyer de l’argent, ce qui les encourage, toutes proportions gardées, à investir de nouveau dans l’immobilier. Après des années noires, les marchés reverdissent au point de retrouver leur niveau de la fin des années 80.

Mais un contexte propice à la reprise de l’investissement immobilier, et donc immanquablement à une re-mobilisation des techniques sociétaires de détention, ne doit pas occulter la poursuite d’une dynamique ébauchée quelques années plus tôt : celui de la modification des comportements patrimoniaux. Stimulé par la problématique de la retraite, le changement en question prend appui sur des considérations socio-démographiques, familiales et successorales beaucoup plus prégnantes qu’auparavant. Ignorée par le droit pour des raisons morales, la question du sort du conjoint survivant et des enfants naturels revient avec acuité sur le devant de la scène socio-juridique 231 . Elle s’ajoute à la controverse sur les effets patrimoniaux de l’allongement de l’espérance de vie et d’un dessaisissement parental de plus en plus précoce. Autant de situations que la SCI peut résoudre au cas par cas.

Dans ces conditions, des montages sont sollicités par des catégories aisées pour opérer des donations-partages de parts de SCI tout en jouissant d’une fiscalité avantageuse sur l’échelonnement des transferts. Dans la continuité de la loi de 1992, instituant un abattement pour les donations inférieures à un montant de 300 000 francs par parent et par enfant dans un laps de temps de 10 ans, la loi du 12 avril 1996 confirme en deux temps la mise en harmonie des lois fiscales avec la nouvelle donne dévolutoire. Jusqu’au 31 décembre 1997, la réduction des droits pesant sur les donations simples et donations-partages est de 35% si le donateur est âgé de moins de 75 ans. A partir du 1er janvier 1998, elle passe à 35% si le donateur a moins de 65 ans et de 25% s’il a 65 ans révolus et moins de 75 ans.

Comme nous pouvons le pressentir, la fiscalité est toujours une donnée cardinale, mais qui donne moins corps que par le passé à des stratégies exclusives d’évasion. D’autres critères rentrent en ligne de compte et la fiscalité retrouve aujourd’hui un statut de moyen qu’elle avait perdu à une époque où la mode l’avait convertie en finalité. S’il existe évidemment encore des montages sociétaires construits autour de comportements mimétiques ou de « combines » fiscales, beaucoup de praticiens s’enorgueillissent de ne prendre en considération que les projets sur-mesure, reposant sur les besoins d’une situation familiale singulière, au détriment de SCI standardisées dont l’objet a pendant longtemps été dévoyé par une certaine idéologie fiscale.

La pratique coutumière des montages de SCI pour la segmentation patrimoniale est toujours d’actualité, mais force est de reconnaître que de nouveaux types émergent, donnant une autre coloration à la reprise des immatriculations. La SCI vient grossir le rang des solutions viagères ajustées au phénomène de vieillissement de la population ou d’accroissement de l’espérance de vie et à la volonté parentale de transmettre tôt sans pour autant s’« appauvrir ». Certains spécialistes le prévoient pour l’avenir : « Le viager sera une forme non altruiste des solidarités intergénérationnelles car il permettra à des personnes âgées de compter sur des revenus réguliers et indexés, tout en permettant à de jeunes couples de se constituer à leur tour un patrimoine pour leurs vieux jours » 232 .

Notes
231.

Cf. Hugues FULCHIRON, « La transmission des biens dans les familles recomposées », Répertoire du notariat Defrénois, 114ème année, 1994, p. 833-856.

232.

Cf. Axel DEPONDT, « Le conseil patrimonial à l’aube du troisième millénaire », op. cit. Pour un approfondissement de la question, cf. infra, chapitres 6 et surtout 10 et 11.