Des localisations intra-muros très sélectives

La géographie des résidences des gérants sur Lyon intra-muros porte aussi témoignage d’une certaine typicité. Les 6ème, 3ème et 2ème arrondissements constituent les trois principaux secteurs de prédilection [cf. Tableau 21 et Graphique 5]. Ils représentent respectivement 49,5% et 15,7% des localisations résidentielles lyonnaises et de l’ensemble du périmètre d’étude.

Comme nous l’avons déjà mentionné au sujet des localisations des sièges sociaux, ces trois arrondissements se signalent par une forte concentration en catégories aisées et en classes moyennes-supérieures ; elles en composent le noyau dur. Au sommet du classement, le 6ème arrondissement apparaît comme le type de secteur le plus huppé, ce qui le rapproche particulièrement d’une commune comme Caluire. La présence des 3ème et 2ème arrondissements montre quant à elle que la bourgeoisie d’entreprise n’est pas le seul milieu auquel appartiennent les gérants de SCI. Ils évoluent également au sein des milieux de commerçants, de professions libérales médicales et juridiques et de cadres, ingénieurs et techniciens supérieurs. En mobilisant un découpage urbain plus fin, celui des quartiers-INSEE, il est possible de préciser cette dimension de l’identité objective ou modale des gérants et des porteurs de parts en général [cf. Tableau 22 et Carte 7]

Tableau 22 – Classement décroissant des quartiers-INSEE lyonnais résidentiels des gérants de SCI [1978-98]
QUARTIERS-INSEE N N/256 (%)
Helvétie (6e) 30 11,7
Saint-Pothin (6e) 20 7,8
Terreaux-Tolozan (1er) 20 7,8
Serin-Lyon Plage (4e) 19 7,4
Part-Dieu (3e) 17 6,6
Vitton-Astoria (6e) 16 6,3
Charcot-Saint-Irénée (5e) 16 6,3
Préfecture (3e) 16 6,3
Cordeliers-Jacobins (2e) 16 6,3
Charité-Carnot (2e) 15 5,9
Parc Tête-d’Or (6e) 14 5,5
Vieux-Lyon (5e) 14 5,5
Croix-Rousse-Grande rue (4e) 12 4,7
Bellecour (2e) 11 4,3
Saint-Rambert (9e) 10 3,9
Point du Jour (5e) 10 3,9
TOTAL 256 100

Source : « BDSCI.XLS »

En utilisant la méthodologie élaborée par l’INSEE Rhône-Alpes en 1992 pour appréhender l’espace social lyonnais 247 , il est intéressant de remarquer que 10 des 16 quartiers du classement sont désignés comme accueillant des familles plutôt aisées et peu couverts par les prestations sociales : Helvétie, Saint-Pothin et Parc Tête-d’Or dans le 6ème, Bellecour, Charité-Carnot et Cordeliers-Jacobins dans le 2ème, Charcot-Saint-Irénée et Point du Jour dans le 5ème, Serin Lyon-Plage dans le 4ème et Saint-Rambert dans le 9ème. Ils regroupent 33% des lieux de résidence des gérants lyonnais (161/483) et 10,6% des lieux de résidence de l’agglomération (161/1 521).

Si nous commentons ces résultats à la lumière du recensement général au quart de 1990, ces quartiers prévalent par leurs taux de propriétaires, d’indépendants et de retraités (ex-indépendants) très supérieurs aux 54 autres quartiers-INSEE lyonnais. De surcroît, d’autres études explicitent les stratégies de localisation résidentielle d’une partie de l’élite locale dans un nombre restreint de ces secteurs-clés, déterminées par plusieurs facteurs comme le prestige des adresses, les représentations collectives ou encore les effets d’agrégation provoqués par les transmissions patrimoniales 248 .

Carte 7 – Les lieux de résidence des gérants lyonnais par arrondissement et par quartier

Quid dans ce contexte des autres quartiers-INSEE figurant dans le classement comme Terreaux-Tolozan, Part-Dieu, Préfecture, Vieux Lyon et Croix-Rousse Grande-Rue ? Bien que ne possédant pas les mêmes attributs socioéconomiques que les 10 autres, ils demeurent tout de même des endroits attractifs pour des catégories socioprofessionnelles intermédiaires et supérieures, dont le niveau de vie autorise investissement et mobilité dans des quartiers et des arrondissements sujets aux réhabilitations immobilières et à un processus d’embourgeoisement. L’impulsion d’une telle dynamique de transformation dans ces quartiers urbains permet de comprendre en fin de compte pourquoi les 3ème, 5ème et 4ème arrondissements sont en bonne place dans le classement des secteurs résidentiels privilégiés. En l’espace de quelques années, ils sont devenus socialement plus homogènes du fait de l’arrivée massive de ces populations, ayant entraîné une forte hausse des prix fonciers et immobiliers, une mutation de l’habitat et de l’appareil commercial, et ne bénéficiant guère à une population plus modeste contrainte à la mobilité.

En définitive, ces 16 quartiers concentrent 53% des lieux de résidence des gérants de SCI lyonnais et 17% de ceux de l’ensemble des gérants du corpus.

Notes
247.

Cf. L’espace social lyonnais par quartier, Notes et documents de l’INSEE-Rhône-Alpes, n° 100, mai 1992. Cette étude menée conjointement par l’INSEE et la CAF de Lyon vise à mettre en relief la spécificité de chaque quartier-INSEE de la ville relativement à leur taux de bénéficiaires des prestations sociales. Si 14 prestations ont été retenues, la recherche à donné lieu au découpage de l’espace lyonnais selon 5 types de quartiers : « peu couverts par la CAF/familles plutôt aisées », « très concernés par l’ALS/peu de familles », « très concernés par l’ensemble des prestations/défavorisé », « bien couverts par l’ensemble des prestations/revenus modestes », « moyennement concernés par les prestations ».

248.

Cf. Yves GRAFMEYER, Quand le Tout-Lyon se compte. Lignées, alliances, territoires, Lyon, PUL/PPSH, « Transversales », 1992, p. 54 à 112.