4.6 Conclusion

En tant que technique juridico-financière mobilisée par différents acteurs pour matérialiser le mieux possible des projets immobiliers, patrimoniaux et de prévoyance, la SCI épouse les principes de leur distribution dans l’espace. Aussi pouvons-nous affirmer sans danger que la technique sociétaire existe moins en soi que par le jeu des représentations, savoirs, savoir-faire et connaissances localisés de ces acteurs et par les contextes (géographiques, socio-historiques, biographiques) dans lesquels elle s’inscrit – et sans lesquels elle n’échapperait pas à un processus de réification. Tout bien considéré, la frontière entre droit, argent et espace paraît très ténue.

Sans bercer dans un déterminisme simpliste, la majorité des SCI, de leurs porteurs de parts et des réseaux de conseils utilisateurs des techniques sociétaires en général, n’échappe pas foncièrement aux règles de localisation urbaine (d’investissement, d’occupation personnelle, résidentielle) caractérisant les pratiques spatiales d’une grande partie des catégories sociales supérieures et des activités productives, capitalistiques et professionnelles. En cela, l’examen du phénomène sociétaire ne fait que confirmer la tendance persistante à la concentration accrue des catégories aisées et des activités haut-de-gamme dans des portions de plus en plus resserrées de l’espace métropolitain, proches des principaux nœuds de communication, zones d’emploi et équipements collectifs 249 .

Observée par le truchement de la diffusion sociétaire, la division socioéconomique de l’espace lyonnais sous-tend que les populations qui en tirent profit sont non seulement dotées d’un fort capital économique et relationnel, mais aussi d’un capital juridique (stock de connaissances) qui les conduit à esquisser le plus rationnellement ou le plus raisonnablement possible leurs plans ou projets. Les stratégies de niche fiscale – objectivées par le recours sociétaire – dont elles sont « friandes » participent au (re)profilage des environnements urbains au sein desquels elles évoluent.

La distance qui les sépare des autres franges de la population urbaine est autant spatiale que sociale. L’accès inégal à certains secteurs urbains, aux biens matériels et symboliques, s’accompagne d’un accès inégal aux informations et connaissances juridico-financières, malgré une démocratisation avérée depuis plus de vingt ans. La SCI revêt donc l’allure d’un phénomène de « riches ».

Cette première définition de l’identité des porteurs de parts mérite dès à présent d’être consolidée par d’autres éléments puisés dans l’analyse des propriétés sociologiques, des systèmes de motifs et des trajectoires individuelles des enquêtés.

Notes
249.

Cf. François ASCHER, Métapolis ou l’avenir des villes, op. cit., p. 142.