« Partir du principe qu’il y a déjà une sélection qui se fait »

Dans l’esprit de certains praticiens, l’usage de la SCI relève d’un appartenance quasi culturelle au monde des affaires ; l’association reste prégnante. De fait, la technique s’adresserait en priorité, et mécaniquement, à des patrons, des professions libérales et des commerçants préoccupés au premier chef par la problématique patrimoniale (professionnelle et privée) et par les « attaques » conjoncturelles, structurelles et institutionnelles que leurs biens peuvent parfois subir. La décision de la constitution s’inscrirait dans un dessein protecteur et préventif, le patrimoine devant coûte que coûte être mis à l’abri pour pallier tout « appauvrissement » et/ou en faire profiter sa progéniture. Le raisonnement se fonde non seulement sur des arguments matériels, mais aussi statutaires, socio-culturels et temporels :

‘« Tout le monde peut faire une SCI, mais il n’y a que les gens qui naviguent dans les affaires, qui pataugent dans les affaires, qui vont être conseillés pour mettre leur patrimoine à l’abri. « Je suis gérant de société, mon affaire tourne bien aujourd’hui, j’ai un peu de dividendes parce qu’elle fait de bons bénéfices. J’ignore si dans un an, deux ans ou dix ans ça va aussi bien marcher et puis je me dis merde, j’ai des enfants, je me constitue un patrimoine […] »
« Je crois qu’il faut partir du principe qu’il y a déjà une sélection qui se fait. C’est la personne qui travaille et qui a un salaire moyen qui va créer une SCI, parce que lui, dans son esprit, il va voir « Appartement à vendre »… Lui, ce qui l’intéresse, c’est de constituer le domicile de sa famille, c’est tout […] Alors quand on fait une SCI, c’est qu’on est un peu dans les affaires à côté. En règle générale, je vois mal le quidam du quartier, qui travaille et qui gagne 10-15 000 balles, s’acheter son appartement en SCI. Mais quelqu’un qui rentre dans le monde des affaires et qui veut se constituer un patrimoine, il ne va jamais le faire en nom propre. Il va toujours essayer de faire une SCI pour préserver ce qu’il a acquis ou compte acquérir »
[Conseiller juridique, PRAT 14]’

Un tel discours n’est pas exempt de parti pris. L’évocation de l’idée de sélection – que nous pourrions à première vue percevoir comme une sélection naturelle ou une auto-sélection – résulte de l’immersion des praticiens du droit et du chiffre dans le monde composite de l’entreprise. Dès lors, seuls ses représentants seraient animés d’une volonté de fractionnement et de préservation patrimoniaux et renseignés sur les alternatives techniques disponibles. D’où une différenciation presque péjorative avec des catégories sociales que ces praticiens n’ont pas forcément l’habitude de côtoyer au quotidien.

Si les utilisateurs de la SCI sont ciblés par leur niveau de ressources, leur potentiel projectif et les contextes professionnels instables qu’ils traversent, nous pouvons également envisager cette sélection comme artificielle. Les praticiens entretiennent une différenciation sociale (intra et inter-catégorielle) dans le sens où les capacités stratégiques et projectives de leurs clients indépendants constituent un terreau fertile pour une offre de solutions patrimoniales adaptées.