Surtout des quadragénaires et des quinquagénaires

En examinant l’année de naissance, l’occasion nous est donnée de montrer que le fait de devenir porteur de parts s’explique par un effet d’âge et un effet de génération [cf. Tableaux 23 et 24].

Si nous fondons notre analyse sur les résultats tirés de l’exploitation de « BDSCI.XLS », nous pouvons remarquer que l’on est nettement plus porteur de parts et gérant entre 41 et 60 ans. Le phénomène se renforce d’ailleurs au travers des entretiens, puisque plus des deux tiers des enquêtés sont des quadragénaires et des quinquagénaires. Toutefois, l’examen de la structure des âges requiert de plus amples développements. 7 classes, correspondant à peu de chose près à des générations, ont été construites ; elles peuvent être regroupées dans 3 grandes catégories qui expriment un stade spécifique des itinéraires socio-patrimoniaux.

Les classes 18-30 ans et 31-40 ans coïncident avec les années ou les âges d’installation dans la vie active – une mise à son compte pour les travailleurs non-salariés – et, en corollaire, avec l’amorce du processus d’accumulation patrimoniale. C’est à ce moment-là, semble-t-il, que l’on commence à devenir propriétaire de sa résidence principale et de son outil de travail. En observant les résultats, nous constatons que les proportions de porteurs de parts « ICP » sont plus importantes dans ces classes (52,2 et 58%), ce qui tend à prouver que très tôt le choix de la SCI peut être effectué pour soulager l’essor d’une entreprise, créée ou reprise, et prendre à bras le corps de futurs problèmes de cessions ou de financement de fin d’activité.

Tableau 24– La structure des âges des enquêtés PDP et PRAT/PDP (au moment de l’enquête)
CLASSE N Enquêtés PDP N Enquêtés PRAT/PDP
[18-30[ 1 -
[31-40[ 2 -
[41-50[ 6 7
[51-60[ 16 3
[61-70[ 8 -
[71-80[ 3 -
TOTAL 36 10

Source : Entretiens et Archives RCS

Néanmoins, l’âge peu élevé de certains gérants – notamment pris dans la classe 18-30 ans – doit être considéré avec vigilance. S’il peut traduire une familiarisation précoce aux outils juridiques utiles, consécutive aux processus de socialisation familiale et/ou professionnelle, il peut également manifester l’existence de stratégies familiales originales. En accord avec une volonté parentale de transmission anticipée, une invitation à la responsabilisation gestionnaire ou des tactiques insufflées par des praticiens, un enfant peut par exemple se voir conférer un rôle pour lequel il n’était pas spécialement prédestiné 256 .

Avec les porteurs-gérants appartenant aux classes 41-50 ans et 51-60 ans, nous avons affaire à des individus dont les trajectoires professionnelles et patrimoniales culminent. Les porteurs-gérants « ICP » ressortent de manière assez claire, en particulier les quadragénaires (62,7%). Cette tendance est corroborée par les résultats de l’enquête Actifs Financiers réalisée par l’INSEE en 1992 [cf. Tableau 25]. Les Français de 40-49 ans et de 50-59 ans y sont désignés comme les plus gros détenteurs du patrimoine professionnel (36 et 23%) et, juste derrière les sexagénaires, du patrimoine net. Parallèlement, il s’agit de périodes du cycle de vie où l’organisation de la retraite, les stratégies de défiscalisation et d’investissement dans l’immobilier de rapport ainsi que les transmissions anticipées constituent des moments existentiels significatifs.

A titre indicatif, nous préciserons que l’âge moyen du porteur-gérant atteint 50,4 ans, ce qui lui permet donc d’intégrer la catégorie des baby-boomers dotés, toutes choses égales, d’un meilleur niveau de vie et d’une plus forte capacité patrimoniale 257 . En affinant le calcul, cet âge moyen s’élève à 52,3 ans pour les porteurs-gérants « HAB » et à 48,8 ans pour les porteurs-gérants « ICP ».

Tableau 25 – La répartition du patrimoine en fonction de l’âge (%)
CLASSE Poids dans l’ensemble des ménages Patri-moine net Résidence principale Patri-moine financier Patri-moine profes-sionnel
Moins
de 30 ans
11 2 1 3 3
30-39 ans 20 12 12 13 22
40-49 ans 20 25 25 18 36
50-59 ans 15 22 22 20 23
60 ans et plus 34 39 40 46 16
Ensemble 100 100 100 100 100

Source : INSEE, EAF 1992

Chez les individus composant les trois dernières classes d’âge ou générationnelles (61-70, 71-80 et 80 ans et plus), le recours sociétaire cache des comportements plus contrastés. Les sexagénaires utilisent moins la SCI que les trois classes précédentes (216/ 1 782), sans que l’on puisse suggérer pour autant que leurs trajectoires patrimoniales soient déclinantes.

A la retraite dans la plupart des cas, ils usent de leurs réserves financières soit pour davantage consommer, soit pour poursuivre l’accumulation de biens immobiliers. Dans ce second cas de figure, les stratégies et les techniques déployées mettent en jeu deux logiques patrimoniales qui peuvent être distinctes ou reliées : gonfler un patrimoine dans le cadre d’une dévolution conséquente ou focaliser ses ressources sur des résidences secondaires ou des biens de rapport. De ce fait, l’appartenance à cette classe n’implique pas forcément des comportements désaccumulateurs, comme l’ont professé les théoriciens du cycle de vie 258 . On peut continuer à investir – certes de manière moins soutenue mais au gré d’opportunités, d’arbitrages ou selon des plans préétablis – et solliciter des supports techniques pour opérer des donations aux enfants et/ou au conjoint.

Enfin, chez les septuagénaires et les octogénaires, le nombre de porteurs-gérants chute au point d’occuper une place très marginale dans l’échantillon et dans le corpus d’entretiens (95/1 782 et 3/46). Deux facteurs expliquent ce phénomène : la conceptualisation tardive d’un projet de transfert patrimonial ou bien la décision d’acquisition d’un logement apte à matérialiser un projet résidentiel de fin de vie. Dans cette perspective, nous notons que les constitutions de SCI « HAB » sont privilégiées avec l’âge : 58,8% pour les 61-70 ans, 70,3% pour les 71-80 ans et 92,8% pour les 80 ans et plus.

Tableau 26 – Les PCS des enquêtés (au moment de l’enquête)
PCS N PDP %
Dirigeants d’entreprise 12 26,1
PL juridiques, financières et comptables 11 23,9
Retraités :
Ex-dirigeants d’entreprise
Ex-enseignant
Ex- ingénieur
Ex-cadre supérieur
Ex-commerçant
Ex-sans profession
9
3
1
1
1
1
2
19,6
6,5
2,2
2,2
2,2
2,2
4,3
PL médicales et paramédicales 5 10,1
Artisans, commerçants et agents commerciaux 5 10,1
Professions intermédiaires supérieures et employés 4 8,6
TOTAL 46 100

Source : Entretiens

Notes
256.

Pour une illustration et une analyse de ce type de situation « pédagogique », cf. infra, chapitre 10, § 10.2.

257.

Cf. Chantal CASES, Jean-Michel HOURRIEZ, Bernard LEGRIS, « Les revenus des ménages », Données sociales, INSEE, 1996, p. 338-346. Stéfan LOLLIVIER, « Inégalités de niveau de vie et générations », Données sociales, INSEE, 1999, p. 283-293. Pour eux, la génération la plus favorisée sur le plan socio-matériel est celle née entre 1941 et 1945.

258.

Cf. Francesco MODIGLIANI, « Cycles de vie, épargne et richesse des nations », Revue française d’économie, vol. 1-2, 1986, p. 16-54. Pour une critique de cette théorie, cf. André BABEAU, Le patrimoine aujourd’hui, op. cit., p. 137-143.