… dotés de ressources patrimoniales contrastées

Dans les représentations collectives sur la SCI, le mystère et la nébulosité tiennent une place particulière. L’outil relèverait de l’écran ne filtrant aucune information sur un patrimoine imaginé considérable et ses utilisateurs seraient pourvus de fortes ressources financières. Or l’enquête contredit l’idée d’une uniformité financière et patrimoniale des porteurs de parts, même s’ils partagent une condition juridique similaire. Elle fait cependant ressortir des tendances marquées.

Durant les entretiens, peu d’enquêtés ont souhaité s’étendre sur leur patrimoine en dehors des SCI pour lesquelles nous les avions contactés. Malgré tout, nous avons pu apprendre que les 46 porteurs de parts sont propriétaires de leur résidence principale ; 33, soit tous les indépendants en activité, possèdent ou ont possédé leur outil professionnel : parts ou actions de société commerciale, cabinet, étude, fonds de commerce ou artisanal ; 16 détiennent en direct ou en copropriété des résidences secondaires et des biens immobiliers de rapport, qu’ils ont accumulé ou dont ils ont hérité, disséminés en France et parfois même à l’étranger ; 12 ont souscrit à des supports d’assurance-vie et à des portefeuilles de valeurs mobilières.

Une meilleure connaissance patrimoniale butte donc en partie sur la discrétion des enquêtés. Quoi qu’il en soit, nous avons approché des personnes qui dans l’ensemble cultivent leur statut de propriétaire et jouent plutôt la carte d’une diversification des actifs. Si nous nous penchons sur leurs SCI proprement dites, nous remarquons que les enquêtés gèrent ou font gérer par des hommes de confiance un patrimoine immobilier dont la valeur vénale oscille entre 250 000 et 30 millions de francs. Tous les enquêtés disposent bien d’un patrimoine mais à la valeur et au volume hétérogènes. Pour schématiser, peuvent être concernés aussi bien un couple d’enseignants qui achète un studio à leur fils étudiant pour mettre un terme à sa versatilité résidentielle [Françoise et Henri, PDP 8, 72 et 68 ans] qu’un ancien PDG d’une entreprise cotée au second marché, devenu rentier à la suite de la cession de ses actions et s’adonnant aujourd'hui à la seule gestion de ses biens répartis dans 9 SCI [Etienne, PDP 19, 60 ans].

D’un certain point de vue, le dynamisme patrimonial des porteurs de parts se conçoit d’autant mieux que ceux-ci se positionnent dans des PCS et des milieux sociaux où l’accumulation, l’héritage et la condition de propriétaire se meuvent en normes socio-culturelles. Toujours selon l’enquête Actifs Financiers de l’INSEE, les entrepreneurs individuels, les cadres supérieurs et les retraités s’affichent comme les catégories aux plus forts revenus professionnels et patrimoniaux 264 . A eux trois, ils possèdent 67% de l’immobilier de rapport. Le cas des retraités est même plus discriminant : ils possèdent 45% des valeurs mobilières, 25% des assurances-vies et 35% de l’immobilier de rapport. Dans cette lignée, l’effet de structure – 29% des ménages comportent au moins un retraité – n’est pas seul en cause puisque les générations nées avant-guerre ont su profité, ceteris paribus, des Trente Glorieuses pour épargner.

Dans 5 des 46 cas approchés, un legs matériel des ascendants constitue ouvertement le ferment des montages. Ils puisent dans le droit sociétaire les moyens de sauvegarder et de transmettre à leur tour un patrimoine hérité. Dans les autres cas, par contre, il est délicat d’évaluer l’influence de probables dons ou héritages dans la formation des ressources financières familiales ou individuelles. Compte tenu de l’origine sociale des enquêtés, il n’est pas interdit de présupposer l’existence de logiques sédimentées de la solidarité. Mais, étant donné le manque de preuves discursives à ce sujet, nous conjecturons plutôt que les ressources patrimoniales de la majorité des enquêtés proviennent d’une vie axée sur le travail.

Notes
264.

Les revenus professionnels annuels moyens d’un chef d’entreprise et d’une profession libérale en fin de carrière sont respectivement de 177 785 et de 314 746 francs. En comparaison avec les mêmes revenus de l’ensemble des indépendants et des salariés – 110 088 et 126 983 francs –, l’écart est très accusé. Cf. INSEE, EAF 1992. Grâce à cette manne financière, ils peuvent investir dans l’immobilier de rapport via des SCI. Rappelons que 31% des porteurs-gérants appartiennent à la classe des 51-60 ans (549/1 782).