Une très forte majorité d'uni-porteurs de parts

Sur les 46 enquêtés, 35 déclarent être porteurs de parts et/ou gérants d’une seule SCI [cf. Tableau 31]. Ils sont 6 à évoluer dans plus de 2 SCI et 4 dans plus de 5. Un seul d’entre eux participe à plus de 10 montages – 26 précisément. La multi-appartenance représente donc l’exception qui confirme la règle de la mono-appartenance.

Tableau 31 – Nombre de SCI détenues ou gérées par les enquêtés
TRANCHE N PDP %
Une SCI 35 71,0
Entre 2 et 4 6 15,8
Entre 5 et 10 4 10,5
Plus de 10 1 2,7
TOTAL 46 100
TOTAL GLOBAL DES SCI DES PDP ENQUETES : 109

Source : Entretiens et archives RCS

La mono-appartenance sociétaire dissimule des formes et des attitudes différenciées. Grossièrement, cela va de l’entrepreneur individuel, qui achète un ou plusieurs locaux qu’il regroupe dans une même entité, au retraité aisé qui souhaite transmettre une maison familiale à ses enfants en optant pour une SCI « démembrée ». Ce faisant, le statut d’uni-porteur concorde souvent avec un seul projet bien identifié à une étape de l’agenda familial, professionnel, résidentiel ou patrimonial. Toutefois, on peut très bien détenir quelques parts dans une SCI montée entre amis pour répondre à un aubaine (immeubles ou appartements à rénover, générateurs de plus-values) : quelqu’un qui a flairé une bonne affaire sollicite des amis proches pour le tour de table. Ici, ce sont moins les agendas ou les calendriers qui donnent sens au projet que l’entrecroisement d’une rationalité économique et de valeurs amicales.

Pour mieux appréhender le phénomène de multi-appartenance, nous ferons référence aux analyses proposées par François Héran au sujet des adhésions associatives 269 . Pour lui, le milieu associatif se caractérise par la forme de son recrutement social ; les classes supérieures sont plus associatives que les classes moyennes et ouvrières car mieux nanties en capitaux culturel et économique. L’écart se creuse davantage lorsque nous passons des uni-adhérents aux multi-adhérents. Ces derniers possèdent un capital social plus important qui leur facilite l’accès à un réseau d’associations fourni.

A rebours, dans les SCI, le capital culturel est moins sélectif que les capitaux économiques et social-réticulaire et son influence n’existe pas relativement à un niveau de diplôme – quoique les enquêtés bénéficient dans l’ensemble d’un bon capital scolaire et ont emprunté des cursus parfois symétriques. Elle réside essentiellement dans la propriété de valeurs et de normes socio-culturelles communes au milieu des affaires (rationalité, usages techniques, procédés d’enrichissement, vertus de l’indépendance) et aux groupes familiaux aisés (solidarité, entraide, dévolution préciputaire ou égalitaire).

Mais là encore, nous discutons en termes d’échelle d’observation idéales-typiques puisque l’on peut par exemple être multi-porteur dans des SCI familiales, dont la trame est l’organisation successorale ou la protection du conjoint [Rémi, PDP 21, 56 ans, masseur-kinésithérapeute ; Etienne, PDP 19], ou dans des SCI d’investissement composées d’amis ou de partenaires circonstanciels habités par les mêmes stratégies de financement collectif, de rémunération capitalistique ou de défiscalisation [Dominique et Bernard, PDP 15 & 16, 53 et 52 ans, gérant d’une société d’assistance aux PME et photographe ; Pascal, PDP 24, 52 ans, loueur professionnel ; Frédéric, PRAT/PDP 43, 48 ans, directeur de sociétés de conseil immobilier]. Si dans le premier cas de figure la logique du placement et la traque des opportunités marchandes abondent dans le sens d’un enrichissement familial ou conjugal, dans le second ces éléments surgissent avec autant d’acuité mais sont conditionnés par une mobilisation réussie du réseau 270 .

Notes
269.

Cf. François HERAN, « Un monde sélectif : les associations » et « Au cœur du réseau associatif : les multi-adhérents », Economie et statistique, n° 208, mars 1988, p. 17-31 et 33-44.

270.

Les nombreux associés-amis composant les 26 SCI de Frédéric se fréquentent en dehors des montages, évoluent dans les mêmes sphères socioprofessionnelles et sont conscients des règles du jeu dictées par Frédéric mais, plus généralement, par les milieux d’affaires. Au sujet de cette inter-compréhension normative mutuelle, cf. infra, chapitre 10.