5.5 Conclusion

L’analyse des conditions d’entrée dans la carrière de porteur de parts ne peut faire l’impasse sur la coaction des déterminations, tant socioéconomiques qu’historiques, et des intentions individuelles. D’après ce que nous venons de montrer de façon plus ou moins détaillée, ce rapport causal reste soumis à des graduations certes objectives mais également subjectives. Chaque porteur de parts adopte une posture réflexive, à tout le moins interrogative, sur les contextes qui le conduise à un moment précis de son existence de propriétaire à recourir à la SCI. Il en va de la conversion « réussie » des causes en motifs ou des contraintes en avantages.

Les résultats de notre enquête auprès des porteurs de parts valident dans une large mesure les discours de praticiens sur la présence d’un certain déterminisme catégoriel. Plus prosaïquement, plus on est aisé et détenteur d’un bon patrimoine, plus on a de chances d’employer le canal sociétaire à des fins d’optimisation patrimoniale et fiscale. Considéré sous cet angle – comme sous celui d’ailleurs de la localisation géographique – le recours sociétaire est destiné aux « riches », voire aux « très riches ».

Toutefois, il convient de tempérer le poids de ce simple déterminisme puisque, comme nous nous sommes attelé à le prouver, des disparités matérielles, trajectorielles et relationnelles existent. Il faut se méfier de l’effet d’appartenance à une même catégorie de situation socio-juridique ; celle-ci cache des parcours, des projets ou des histoires individuels ou familiaux différents. Les particularités rejaillissent d’ailleurs dans le choix des biens, des emplacements, de leurs destinations et usages, ainsi que dans les stratégies de gestion patrimoniale mises en œuvre. De surcroît, l’influence de facteurs moins « classiques » ne doit pas être éludée. Même s’il procède d’une démarche stratégique et intentionnelle, nous avons vu que le recours sociétaire pouvait aussi être le fruit du hasard, de contingences existentielles ou de raisons socio-symboliques : nous pouvons par exemple épouser la carrière de porteur de parts à la suite d’un héritage ou bien d’un choix relativement éloigné au départ des canons de la rationalité instrumentale.

A plusieurs égards, le déterminisme catégoriel s’accompagne, ceteris paribus, d’un déterminisme générationnel et d’un déterminisme relationnel. L’implication dans des réseaux professionnels, amicaux, familiaux ou d’une autre nature s’avère parfois même plus discriminante que des variables comme les positions socioprofessionnelle ou dans le cycle de vie. L’immersion dans des environnements propices aux rencontres et aux échanges, utilitaires ou non, favorise la circulation de l’information juridico-financière et donc l’éventuelle utilisation de la SCI. L’analyse phénoménale ne peut ainsi se satisfaire que d’une seule piste explicative. La réalité offre des situations peu ou prou complexes, desquelles se dégagent des combinaisons ou des interactions factorielles.

Dans la même perspective théorico-méthodologique, celle d’un va-et-vient entre régularités et singularités causales et comportementales, et en gardant un œil sur ces quelques éléments d’analyse, nous allons maintenant nous intéresser à ce qui fait l’essence de la SCI : ses traductions patrimoniales techniques. Notre tâche va consister à montrer plus finement au lecteur – sans tomber dans le panégyrique, ni le guide – les principales facettes contextualisées de la gestion patrimoniale sociétaire.