« S’improviser conseil »

Le penchant pour l’autogestion, même relative, dont font preuve bon nombre de porteurs de parts enquêtés, ne peut se détacher d’une représentation positive de l’objet SCI et de la croyance dans les avantages qu’il procure. Ils raisonnent et agissent en convaincus, imaginent des scénarios et expérimentent des tactiques. Persuadés qu’ils tiennent parfois dans leurs mains une solution « miracle », ils diffusent ses principes à leurs amis proches, à tout le moins ceux qui nourrissent des projets patrimoniaux analogues pour eux ou leurs enfants, subissent les mêmes conjonctures et partagent les mêmes positions sociales.

‘« […] Quand on en parle maintenant autour de nous, parce que c’est vrai qu’on a des amis qui sont un peu plus âgés que nous, puisque mon mari est plus âgé que moi, donc qui ont des enfants de notre âge qui veulent acheter, ils nous posent des questions pour savoir comment on fait. Donc c’est vrai que nous on est emballé par ce qu’on fait, on est un peu plus enthousiastes et les gens nous demandent de leur faire la photocopie des statuts, de les conseiller sur les papiers pour l’ANAH. Donc on le fait avec plaisir et je pense de plus en plus de gens passeront par ce biais-là »
[Stéphanie, PDP 34]’

L’exemple de Stéphanie n’est pas marginal. Nous avons vu dans le chapitre précédent que le relationnel mondain pouvait être un vecteur efficace de transmission informationnelle. Didier et Robert s’improvisent aussi conseil. Le premier s’ingénie à démontrer à ses amis, concernés comme lui par le problème de la mobilité géographique et de la conversion d’un patrimoine d’occupation en patrimoine locatif, les ressources du refinancement et de l’effet de levier de l’endettement. Le second, membre d’une association d’anciens élèves de SUP de CO, répond aux sollicitations des ses anciens camarades lors de leurs retrouvailles annuelles et leur enseigne qu’une gestion avisée est une gestion personnelle, que l’on ne peut avoir confiance qu’en un nombre restreint d’interlocuteurs (cf. infra, chapitre 9, § 9.3) et qu’un projet qui marche est un projet autofinancé.

Cette attitude confine au prosélytisme. Comme le suggère Stéphanie avec bon sens, les sociabilités sont un espace-temps de diffusion d’informations et de méthodes patrimoniales qui peuvent jouer sur l’allure collective des créations de SCI. D’une certaine façon, elle voit dans ce canal un moyen d’entretenir un cercle vertueux. Elle n’a pas un réflexe égoïste de rétention d’informations pour son seul profit. Elle tient à aider ses proches et reprend le rôle socialisateur qu’avait joué sa mère quelques années auparavant. Ceci pour dire qu’à la faveur d’un processus interactionnel, des formes de rationalité juridico-financière se transmettent dans certains milieux, leurs membres étant socialement proches en raison de leur attachement, ancien ou naissant, à une culture patrimoniale projective.