6.5 Conclusion

Il a été question dans ce chapitre de prolonger la définition identitaire du porteur de parts de SCI. Après avoir dans les deux chapitres précédents mis en évidence les spécificités spatiales du phénomène sociétaire, des propriétés de positions, un ensemble de contextes et de raisons d’agir, nous avons tenté de montrer en quoi les pratiques et les représentations de ce propriétaire immobilier particulier pouvaient nous conduire à replacer les usages sociétaires dans le champ d’une tendance contemporaine à la professionnalisation de la gestion patrimoniale.

Notre ambition n’a pas été d’accomplir une étude exhaustive des pratiques gestionnaires matérielles mais plutôt de nous laisser guider par les logiques des enquêtés. Par-delà les singularités stratégiques et tactiques, dont l’observation donne une saveur particulière à la démarche descriptive, est ressortie, telle une régularité, l’interdépendance des stratégies patrimoniales, financières et locatives. Selon les projets, les stratégies et les attentes de chaque porteur de parts, cette interdépendance ne se présente pas sous la même forme, l’un des trois aspects pouvant être plus saillant que l’autre. Les histoires familiales, patrimoniales, professionnelles, résidentielles, juridiques et judiciaires (séquences biographiques) ne sont pas étrangères à ce phénomène de nivellement en situation. Le matériel symbolique, les prédispositions, les valeurs et les normes nés d’une trajectoire sociale les incitent à faire preuve d’un sens de l’orientation gestionnaire, plus ou moins aigu, et à évaluer, nolens volens, les événements auxquels ils sont confrontés.

De ce fait, le truchement sociétaire et le tour d’horizon comportemental nous ont permis dans un premier temps d’isoler les logiques du projet ou de l’intention des logiques de l’opportunité ou de l’occasion et, dans un deuxième temps, de découvrir leur compatibilité circonstancielle. Propre à caractériser les conduites de quelques porteurs de parts très aguerris, parmi les plus professionnels disons, cette cooccurrence logique démontre que l’organisation d’un patrimoine familial voué à être transmis peut par exemple être appréhendée comme le traitement d’une affaire ou d’un investissement commercial, avec des arguments objectifs, des leviers juridico-financiers et des modes d’emploi (stratégies du déficit ou de l’endettement, protocoles financiers, etc.) analogues, apparentés et/ou refondus.

Nous percevons là un signe patent du compromis entre le calcul rationnel, l’utilitarisme, inhérents au monde des affaires et des normes sociales et éthiques appliquées par des individus, des cercles et des groupes mus par des instincts auto-conservateurs, protecteurs, sécuritaires, solidaristes ou affectifs. Il convient toutefois de ne pas trop réduire la dimension syncrétique des logiques d’action à une cette seule expression ou incidence unilatérale. Le droit des affaires, des sociétés et du contrat conquiert bien les mentalités d’une frange aisée de la population – dont nos enquêtés font partie – via des instances socialisatrices institutionnelles (famille, réseaux, marché), mais peut aussi supporter quelques aménagements ou ajustements prouvant que le processus d’acculturation normative n’est pas joué d’avance. L’exemple du « détournement » ponctuel des baux locatifs reste à ce sujet, quoique détachable du contexte sociétaire, un beau témoignage de ces oscillations dialectiques. Poursuivons notre propos sur l’internormativité en nous immisçant cette fois-ci au cœur des manières de vivre le rite sociétaire proprement dit.