9.4 Conclusion

Dans ce chapitre, il a été question d’aborder la confiance entre porteurs de parts et praticiens comme le substrat d’une émission et d’une réception peu ou prou réussies du message sociétaire. Nous avons cherché à revenir sur sa propriété de « liant généralement invisible des rapports économiques » 572 et à mettre en avant sa double transcription orale (entretiens, face à face) et écrite (contrats). En nous penchant sur les répertoires d’action des praticiens, ainsi que sur les attitudes et réactions des porteurs de parts, nous sommes implicitement convenu de l’existence d’un continuum pratique, lisible dans les deux sens :

Au moyen d’illustrations concrètes, davantage que par des hypothèses, nous avons souligné que les praticiens avaient parfois maille à partir avec les habitudes et les catégories de perceptions de leurs clients, blâmant au passage une espèce de pollution intellectuelle ou idéologique. Tout en mettant l’accent sur l’élaboration de stratégies pédagogiques fondées sur la confiance, nous avons tenu à différencier une confiance réelle, caractérisant une relation ancienne, durable et complice, d’une confiance simulée, caractérisant une relation marchande répondant à des exigences commerciales spécifiques. Ces deux types admettent naturellement des niveaux intermédiaires qu’une analyse plus approfondie aurait sans conteste fait mieux rejaillir.

Cependant, nous avons parfait notre propos en suggérant que les stratégies pédagogiques s’apparentaient à des stratégies d’influence. En diffusant des informations juridiques rationnelles, certains praticiens font passer d’autres messages plus axés sur le respect d’une éthique ou une morale économique, patrimoniale, professionnelle et familiale. Ceux-ci ne sont pas, non plus, à l’abri de raisonnements idéologiques et tendancieux ; la rationalité instrumentale dont ils se font les champions ne serait alors qu’un filtre. Nous en avons donc profité pour démontrer que les clients pouvaient à leur tour être influents et tenter de rallier les praticiens à leur cause, au point que ces derniers « abjurent » parfois leurs principes déontologiques objectifs.

Pour analyser la relation fiduciaire, nous avons choisi de considérer le dévouement – et dans une autre mesure la transparence, la gratitude ou la reconnaissance, terreaux des réputations – aussi bien comme une figure relationnelle particulière que comme un concept nous permettant de jeter un pont entre don et marché. Norme codifiée de l’activité de conseil, le dévouement et ses effets positifs ne sont pourtant pas toujours au rendez-vous. Le constat de leur absence, de leur disparition ou de leur relativité produit des déceptions et des contrariétés qui peuvent éroder la confiance. Le sentiment de recevoir s’éteint. Défiances, contestations et défections, d’intensités certes variables, peuvent s’ensuivre. Les défaillances morales, l’hypovigilance et les défauts de conception techniques, attestés et pressentis, traduisent des défauts de communication interindividuelle – i.e. des fissures dans le processus d’émission/réception – qui incitent les plus amers à un repli autogestionnaire. Ces situations stimulent, toutes choses égales par ailleurs, l’inventivité des porteurs de parts. Ils n’ont pas ou plus l’impression que la créativité soit le seul lot des praticiens. Il endossent ce rôle de stratège que leur dénient les professionnels les plus exclusifs. En fin de compte, elles sont une réponse indirecte aux désappointements des praticiens face à l’ignorance prédominante des mécanismes et des enjeux sociétaires et de ses effets secondaires. Les appels à un retour dans le « droit chemin » sont par conséquent réciproques.

Après avoir étudié les relations entre praticiens, celles entre clients et praticiens, il est temps de porter notre regard sur celles entre porteurs de parts. Consacrons-nous d’abord plus amplement à l’ossature et à la structuration des groupes d’associés.

Notes
572.

Cf. Jean-Michel SERVET, « Paroles données : le lien de confiance », op. cit.