Conclusion

La construction et la rédaction d’une thèse ne consistent pas à notre avis à faire le tour complet d’une question. Il ne s’agit pas non plus d’une simple vue panoramique d’un objet. Certes, sans fatuité, nous sommes tenus de faire avancer la recherche, de donner des réponses heuristiques, d’apporter des connaissances nouvelles à des lecteurs plus ou moins avertis. Mais, surtout, nous devons proposer un mode de compréhension et d’explication d’un phénomène précis en usant de et en réfléchissant sur des méthodes et des postulats particuliers – des angles d’approche –, constitutifs de notre propre système théorique. Un syncrétisme épistémologique en quelque sorte. Confronté nous-même à des types de raisonnement juridico-financier qui nous étaient inconnus au départ, nous avons essayé d’être le moins technique et le moins jargonnant possible. Parfois, cependant, avouons que nous n’avons pu esquiver cet écueil ou ce défaut. A tous les coups un effet de la complexité de la matière abordée, de sa position à la frontière de plusieurs disciplines et champs analytiques, de son identité à la fois diffuse et concrète. Quand on aborde un objet juridique, il importe de prendre en considération son « [pouvoir] subtil de pénétrer de sa propre substance les protocoles intellectuels visant à son étude, lesquels deviennent dès lors assimilables à l’objet lui-même. Autrement dit, rien de plus difficile que de prendre le droit pour objet sans se trouver assujetti par lui » 767 .

Une vulgarisation raisonnée reste donc à cet égard un exercice difficile. Notre travail ne doit pas ainsi être contemplé comme une nature morte sans aspérités. D’autres modes de traitement de la question sociétaire étaient sûrement concevables. Tout en l’espérant cohérent, nous l’avons voulu dynamique, « métissé », risqué et personnel, avec ce que cela sous-tend de critiques et de reproches probables, aussi bien du côté des juristes, des sociologues que des enquêtés qui peuvent très bien ne pas saisir ou forcément être d’accord avec notre propos ; l’étonnement est source de progression intellectuelle. Eux aussi ont de louables interprétations, convenons-en. Nous ne détenons aucune vérité. Nous avons fait des choix – théoriques et méthodologiques – que nous assumons. Cette mise au point est essentielle.

Notre conclusion sera par conséquent fidèle à cet état d’esprit qui a animé notre travail. Notre synthèse générale n’est pas parfaite, d’autant plus que nous manquons, à l’heure de sa mise en forme, d’un peu du recul nécessaire. D’ailleurs, pour qu’il se fasse sa propre opinion, nous laissons le soin au lecteur de feuilleter à nouveau les petites conclusions des chapitres 4 à 11. Il verra sans doute que chacun d’eux peut à la fois être lu séparément et dans la perspective ou dans l’attente des autres, quoique certains gardent entre eux des connexions plus étroites.

Notes
767.

Cf. Louis ASSIER-ANDRIEU, Le droit dans les sociétés humaines, op. cit., p. 8.