Justine

Justine est la seconde d’une famille de quatre enfants. Elle est jumelle d’une autre petite fille, Mathilde. Lors de la grossesse, il avait été annoncé aux parents qu’ils auraient des jumeaux de sexe masculin et de poids identique.

Les deux filles sont nées trois semaines avant terme. Justine pesait 1 kg 400 et Mathilde de 2 kg 600.

Mathilde est restée trois jours en néonatalogie et Justine trois semaines.

La reprise de poids de Justine a été rapide. A la sortie du service de néonatalogie une dilatation des ventricules latéraux a été notée, la vérification au quatrième mois s’est avérée normale.

Aucun problème particulier n’a été noté chez Mathilde.

Lors de l’anamnèse, les parents ont exprimé leurs inquiétudes depuis la naissance. Justine n’avait pas de contact oculaire avec eux, elle les évitait du regard. Elle pouvait passer des heures à fixer le plafond, le ciel ou la tapisserie.

En dehors de la nourriture, elle ne demandait rien. C’était un bébé très calme qui n’avait pas de problèmes de sommeil.

Le refus du contact était fortement connoté du côté des parents. Justine ne semblait pas apprécier leurs initiatives.

Dans les bras, il lui arrivait de basculer le tronc en arrière. La station assise a été acquise vers dix/onze mois et la marche vers dix-huit mois. Malgré l’acquisition de la marche, son équilibre restait très précaire. Elle donnait toujours l’impression qu’elle allait tomber, mais elle évitait bien les obstacles et arrivait à récupérer son équilibre.

Vers un an, les inquiétudes se faisant de plus en plus ressentir, les parents ont consulté leur pédiatre. Un scanner, un IRM et un EEG ont été réalisés. Les parents ont retenu que l’EEG était rapide et diffus. Un peu plus tard, les bilans ophtalmologique et auditif ont donné des résultats normaux.

A deux ans, le pédiatre a adressé les parents à un CAMSP où ils ont été reçus par une psychologue et une psychomotricienne.

Dans le souhait d’une prise en charge plus globale, ils ont pris rendez-vous dans notre service pour une évaluation. Justine avait un peu moins de quatre ans.

A la restitution du bilan évaluatif, les parents ont exprimé leur attente d’une dénomination de la pathologie de leur fille. Le diagnostic d’Autisme Infantile a été un soulagement mais aussi une tristesse car ils connaissent les conséquences familiales que ce type de pathologie est susceptible d’engendrer.

Lors de la séance d’anamnèse, la souffrance des parents a été fortement ressentie.

Plusieurs difficultés ont été présentes lors de la rencontre avec leur enfant. Tout d’abord, l’arrivée de deux filles au lieu des deux garçons annoncés : ce changement de sexe modifie les représentations, la construction fantasmée de l’histoire de leurs enfants. Puis les difficultés à la naissance, le fait de ne pas pouvoir ramener l’enfant chez soi. La confrontation à l’enfant réel est ici brutale et vive.

La construction d’une vie familiale avec l’arrivée de Justine à la maison a été à nouveau perturbée. La rencontre par l’échange avec Justine a posé problème.

Comment réagir face à un enfant qui ne vous regarde pas, ne vous cherche pas, ne vous sollicite pas et parait même refuser vos initiatives ?

Pour ces parents le constat d’un trouble, d’un problème développemental, est évident. Mais, que faire face à un handicap inconnu tant au niveau de sa cause que de sa dénomination.

Cette vignette rend compte non seulement de la difficulté de rencontre avec un enfant porteur de troubles mais également avec une pathologie inconnue, impossible à déterminer, et face à laquelle les parents ne savent comment la gérer.