Romain

Romain est un garçon de 5 ans et 7 mois au moment de l’évaluation. Il est l’aîné d’une fratrie de deux. Les parents sont venus consulter grâce à leur mise en relation avec une association de parents d’enfants à troubles autistiques.

Les parents n’ont rien remarqué d’anormal chez Romain pendant la première année. Vers l’âge de douze mois, ils considéraient qu’il présentait un bon potentiel de développement : il répétait les sons et avait envie de communiquer. Pour eux, Romain était un nourrisson « joyeux et facile » et il dormait bien.

Romain est rentré en maternelle à l’âge de 26 mois. C’était sa première expérience de groupe et de séparation. Au vu des premières difficultés, les parents ont pensé que Romain « n’acceptait pas l’école ».

Vers 28 mois ils disent avoir pris conscience que quelque chose n’allait pas. L’institutrice les avait quelque peu orientés du fait de ses inquiétudes, et leur avait demandé un examen auditif et visuel. Les parents ont commencé à s’inquiéter de son absence de langage, de communication, et de son évitement et son manque d’intérêt vis-à-vis des autres enfants. Il avait également une démarche sur la pointe des pieds.

C’est après coup que le père admet que son fils a toujours été « différent ».

Est-il si évident de constater ou d’accepter la pathologie de son enfant ?

Les troubles autistiques ne sont pas toujours évidents à percevoir précocement. Ils sont généralement constatés tardivement et d’autant plus délicats à saisir si l’enfant est l’aîné de la famille.

Les deux points suivants sont à noter :

Tout d’abord, le désir d’enfant et l’idéalisation envers lui nous empêchent souvent de percevoir ses « défauts ». Toutes les mères accouchent du « plus beau bébé du monde ».

Le second point : comment savoir, principalement chez les jeunes parents, si l’enfant possède un bon développement ? Quelles comparaisons peuvent-ils faire à l’arrivée de leur premier enfant s’ils ne côtoient pas d’autres enfants ? Le développement tardif du langage est courant sans être pathologique. Des enfants très timides, préférant la solitude à la foule, ne sont pas forcément porteurs de pathologies. A l’inverse, un enfant très calme, qui dort bien et réclame peu, peut être perçu comme un enfant « parfait », « rêvé » et en bonne santé.

Le déni et les difficultés d’acceptation de la perte de l’enfant idéal sont courants. De plus, l’expérience parentale n’est pas innée.

Cette vignette nous ramène à nos interrogations sur les difficultés à distinguer les troubles de certains enfants, mais également sur l’impossibilité de certains parents, et parfois de certains soignants, à être spécialistes des symptômes précoces de ce type de pathologie.

L’enfant à troubles autistiques, comme tout enfant, se développe à sa manière et à son rythme. Les cas présentés ci-dessus ont des points communs quant à la découverte de leur pathologie mais également des différences en ce qui concerne la réaction parentale. Ils ne sont pas représentatifs des familles. Chacune a sa façon de réagir et donc d’influer sur le développement de l’enfant.

De nombreux parents tentent de stimuler leur enfant, de le faire réagir en forçant le contact. L’épuisement parental face à l’absence de réactions est inévitable. Le comportement de l’enfant peut retentir sur celui des parents. La « froideur » parentale exposée dans certaines études est fortement susceptible d’être la conséquence de la froideur de l’enfant. Cette réaction comportementale sera développée dans la suite de cet ouvrage.

Dans la même continuité, la perte des repères des parents du fait du comportement incompréhensible de leur enfant engendre, chez les parents, des comportements parfois tout aussi a-normaux. Quand tout ce qui leur semblait imaginable a été tenté, toutes sortes d’expérimentations peuvent être essayées pour faire réagir leur enfant. C’est alors du côté de l’enfant que se développe une incompréhension du comportement parental. Nous entrons dans un cercle vicieux aux conséquences angoissantes face à l’étrangeté du comportement de l’autre.

C’est parfois une personne extérieure (crèche ou pédiatre) qui constate les difficultés de l’enfant. Ces derniers ont une plus grande expérience de la diversité de développement chez l’enfant, mais également un lien à l’enfant distinct de celui des parents. Il arrive aussi que ce soit une démarche d’ordre médicale (convulsion, ORL…) qui enclenche le début du long cheminement vers l’hypothèse de troubles autistiques. Les spécialistes rencontrés ne sont pas toujours ceux de la pathologie en question.