Complexité psychique

« On peut très bien imaginer en effet qu’à partir d’une anomalie initiale de l’un des partenaires interactifs, l’autre se trouve profondément décontenancé et que de ce fait ses réponses interactives se trouvent perturbées, aggravant en retour le désordre initial du premier et ainsi de suite dans une sorte de cercle vicieux, une spirale auto-aggravante, et cela fort rapidement si ce n’est d’emblée.
On voit que dans ce modèle de primum movens, le point de départ peut aussi bien être le fait de particularités neurobiologiques ou organiques du bébé que le fait d’une dépression maternelle néonatale par exemple. »
Bernard GOLSE Du corps à la pensée, 1999.

Dans cet extrait, B. Golse présente le « processus autistisant » définit quelques années auparavant par Jacques Hochmann (1989). Il s’agit du risque de problématique interactionnelle lorsque l’un des partenaires est sujet à certaines prédispositions pathologiques au niveau communicationnel.

Cette idée de plasticité et de réversibilité des conduites entre les partenaires avait déjà été évoquée par M. Mahler (1968) lors de l’explication de l’échec du processus de « séparation – individuation ». Elle élaborait d’un point de vue interactionniste l’idée que les troubles autistiques seraient liés à une impossibilité d’établir une relation de symbiose avec l’objet maternel. Ce manquement pouvait avoir deux origines, soit la future mère n’était pas prête à ce type de relation, soit l’enfant se révélait impuissant à investir l’objet maternel.

‘« Le symptôme est considéré comme l’effet d’une négociation entre le sujet et l’objet. De la mère ou de l’enfant, il est impossible de savoir qui a "commencé", impossible de faire la part entre la difficulté maternelle et le handicap de l’enfant, celui-ci entraînant celle-là, celle-là majorant celui-ci. » (Mahler, 1968).’

Les psychanalystes ne sont pas à la recherche de causes primaires de l’Autisme Infantile mais de la compréhension de ce mode interactionnel. L’enfant, dans sa relation avec les autres, est fortement dépendant du regard de l’adulte et de l’histoire que va lui inculquer celui-ci. Cet adulte en question, parent ou autre, a lui déjà une histoire et un vécu bien établi. Tout mode relationnel va non seulement être dépendant de ce vécu mais également de la réactivité de l’enfant face aux événements qu’il va rencontrer. D’où la difficulté de comprendre la formation des symptômes autistiques et l’influence du rôle interactionnel, que l’anomalie organique soit primaire ou non. La plasticité du cerveau d’un enfant dépend de la plasticité de son mode interactionnel avec son environnement.

‘« On sait, depuis le travaux du pédiatre américains Terry Brazelton sur les "compétences" innées du nouveau-né, à quel point celui-ci est partie prenante dans ses premières relations. L’hypothèse d’un raté relationnel entre l’enfant et ses parents n’implique donc pas forcément la responsabilité des parents, et peut tout à fait être lié à un déficit chez l’enfant de ces fameuses compétences à découvrir le monde. Il n’a peut être pas été capable de trouver des parents qui pourtant étaient là, disponibles. C’est là une hypothèse qui tient compte de ce dont dispose l’enfant biologiquement et génétiquement sans la réduire à une machine vivante » (Ribas, 1992)’

Nos connaissances actuelles dans le domaine médical et psychopathologique ne nous permettent plus d’ignorer l’influence psyché-soma d’un être vivant. Les grands débats idéologiques entre les tenants d’étiologies psychodynamiques et les biologistes ne sont plus à l’ordre du jour. Seul un travail en adéquation interdisciplinaire peut permettre des avancées dans des travaux à valeur heuristique.