Les symptômes autistiques chez des personnalités à caractère normal

« J’y ai développé le point de vue selon lequel l’autisme est une protection autosensuelle de type réflexe que nous possédons tous, mais qui, quand elle est exploitée de façon massive et exclusive, constitue une pathologie. »
Frances TUSTIN Autisme et Protection, 1990.

Au sein de cette partie nous élargissons le cadre des pathologies à caractéristiques autistiques. Le constat de troubles autistiques chez des sujets normaux remet à nouveau en question la limite entre le normal et le pathologique. Mais également l’étendue de ces troubles. Et par conséquent, les problèmes de délimitation nosographique.

Certains travaux sur les névroses ont abouti à un constat similaire. La plupart des individus posséderaient au sein de leur personnalité et de leurs comportements, des troubles à caractéristiques névrotiques. Ces études les définissent comme des mécanismes de défense « normaux » dans le sens où ils permettent de mieux appréhender les agressions du monde extérieur. Ce serait une utilisation trop importante et une dépendance trop intense à ces mécanismes qui feraient émerger la pathologie.

‘« Pendant le temps de latence, la défense contre la tentation de l’onanisme semble être traitée comme tâche majeure. Ce combat engendre une série de symptômes qui font retour d’une manière typique chez les personnes les plus diverses et revêtant en général le caractère d’un cérémonial. Il est regrettable qu’ils n’aient pas encore été rassemblés et systématiquement analysés ; étant les productions les plus précoces de la névrose, c’est eux qui seraient le mieux à même de jeter la lumière sur le mécanisme de la formation de symptôme utilisé ici. Ils montrent déjà les traits qui ressortiront de façon si funeste dans une grave affection ultérieur : ils se logent dans les gestes qui, plus tard, doivent être exécutés comme automatiques, dans ceux d’aller se coucher, se laver et s’habiller, dans ceux de la locomotion, ils ont le penchant à la répétition et à la dépense de temps. » (Freud, 1926)’

Des hypothèses sur la présence de troubles autistiques chez tout un chacun peuvent être proposées.

En élargissant les symptômes autistiques à de nombreux comportements pathologiques, nous cherchons à mettre en exergue la difficulté de délimiter l’Autisme Infantile. Mais pas seulement.

Les multiples travaux sur l’étiologie de l’Autisme Infantile laissent à penser que le « spectre autistique » est relativement étendu. Nous aurions donc des pathologies à caractéristiques autistiques d’origines diverses : génétique, biologique, neurologique, biochimique, et/ou psychogénétique. Une hypothèse s’orienterait vers des dominantes étiologiques pour chacune de ces origines. Ces dominantes se composeraient de multiples variantes.

En recherchant les traits autistiques à leur base fonctionnelle, nous cherchons également leur origine.

En constatant la présence de traits autistiques chez les névrosés et de traits névrotiques au sein de l’Autisme Infantile, nous présentons des formes pathologiques à similarités développementales dont nous ne pouvons cependant pas affirmer le substrat primaire.

Quelle aide l’étude des traits autistiques chez des personnes considérées « normales » peut-elle nous apporter ?

Une caractéristique est courante : la difficulté de contact avec le monde extérieur. Quelle est son origine ?

Diverses orientations sont envisageables :

Une première supposition pourrait être des mécanismes de défense inconscients entraînant un repli.

L’exemple du Dr Hilary Jones ne permet pas de l’affirmer. Nous ne pouvons déterminer si le blocage d’Hilda est d’origine psychologique ou neurologique.

Un autre exemple peut nous conduire vers d’autres hypothèses :

‘« Tout le monde a fait cette expérience lors d’un long trajet sur une autoroute et éprouvé l’impression soudaine de n’avoir "rien vu" depuis quelques minutes. Autrement dit, nous n’avons pas toujours pleinement conscience de ce que nous percevons. » (Buten, 2003).’

Cette situation est inévitable chez tout un chacun. Les capacités attentionnelles des individus sont limitées et de très courte durée. Cette caractéristique est d’ordre physiologique.

Lorsque cette caractéristique entre dans un concept pathologique, est-ce que son étiologie reste la même ?

Là encore nous pouvons supposer une imbrication des causes et des conséquences :

‘« L’évasion n’est qu’une solution brutale puisqu’il faut briser la barrière générale et accepter une diminution du moi. Le repli sur soi-même, l’enkystement qui élève entre le champ hostile et moi une barrière de protection, est une autre solution également médiocre. (…) Par contre, du fait que l’acte est bloquée, les tensions entre l’extérieur et l’intérieur continuent à augmenter : le caractère négatif s’étend uniformément à tous les objets du champs qui perdent leur valeur propre… » (Sartre, 1938)’

Le lien avec le « processus autistisant » est également présent.

La présentation de l’Autisme Infantile au travers de sa difficulté de délimitation et ses liens avec d’autres pathologies nous a fait émettre de nombreuses hypothèses. Celles-ci seront traitées au cours de cette étude.

L’Autisme Infantile suscite des interrogations depuis sa première description. Toutefois, celle-ci était bien présente avant cette première description. Même sans connaître le nom de l’objet travaillé l’Autisme Infantile était étudié.

Au travers d’une revue de travaux de recherche, relativement anciens puis plus récents, nous allons tenter d’appréhender l’ensemble des interrogations préalablement présentées.