Altération qualitative des interactions sociales reciproques

« La fuite est un évanouissement joué, c’est une conduite magique qui consiste à nier l’objet dangereux avec tout notre corps, en renversant la structure vectorielle de l’espace ou nous vivons en créant brusquement une direction potentielle de l’autre côté. C’est une façon de l’oublier, de le nier. (…) Il s’agit en somme de faire du monde une réalité affective neutre, un système en équilibre affectif total, de décharger les objets à forte charge affective, de les amener tous au zéro affectif et, par là même, de les appréhender comme parfaitement équivalents et interchangeables. (…) Nous ne pouvons pour cela qu’agir sur nous-même, que nous "mettre en veilleuse" – et le corrélatif noématique de cette attitude c’est ce que nous appellerons le Morne : l’univers est morne, c’est-à-dire : à structure indifférenciée. En même temps cependant, nous prenons naturellement la position repliée, nous nous "blottissons". Le corrélatif noématique de cette attitude c’est le Refuge. »
Jean-Paul SARTRE Esquisse d’une théorie des émotions, 1938.