Colères

Parmi les comportements suscitant des inquiétudes parentales fréquemment retrouvées, nous pouvons citer les crises de colère, voire des crises de rage. De nombreux parents expriment leur incapacité à sortir, aller au restaurant ou faire des courses de crainte qu’une de ces réactions immaîtrisables ne se déclenche.

Différentes hypothèses peuvent expliquer ces réactions qui donnent l’impression d’une profonde angoisse de la part de l’enfant.

Tout d’abord, leur incapacité à mettre en oeuvre l’interactionnel et la communication, et donc à faire comprendre leurs désirs, peut être source d’agacement. De ce lourd handicap découlerait une frustration.

‘« Il désignait alors du doigt un jouet et ouvrait la bouche pour lui donner l’existence : mais les sons qu’il produisait ne formaient pas des suites cohérentes. Il en était le premier surpris, car il se sentait tout à fait capable de parler. L’étonnement passé, il trouvait cette situation humiliante et intolérable. La colère s’emparait de lui et il se mettait à hurler sa rage. » (Nothomb, 2000)’

Une autre hypothèse, souvent citée par les psychanalystes, serait l’angoisse de morcellement. L’impossibilité de ces enfants à se représenter et à délimiter leur propre corps peut avoir pour conséquence la création d’une fantasmatique terrifiante. L’enfant, qui croit que le bras d’autrui fait partie intégrante de son corps, le voit s’éloigner, incapable de le maîtriser. Il imagine alors que ce bras est arraché de son corps.

‘« Le scénario nouveau était celui-ci : on profitait d’un moment où il était tranquille pour prendre le bébé et le mettre dans son parc. Il restait d’abord hébété à contempler les jouets qui l’entouraient.
Peu à peu, un vif désagrément s’emparait de lui. Il s’apercevait que ces objets existaient en dehors de lui, sans avoir besoin de son règne. Cela lui déplaisait et il criait. » (Nothomb, 2000)’

Ces enfants semblent être restés au stade du nourrisson incapable de distinguer le moi du non-moi.

Au cours de notre expérience clinique nous avons rencontré quelques enfants qui semblaient sujet à ce type d’angoisse. Principalement Guillaume, présenté en première partie. Guillaume avait des difficultés à délimiter son corps des objets de son environnement. Il nous est arrivé à plusieurs reprises de lui servir de pince à sucre, de porte de placard ou d’un quelconque outil pour attraper un objet. Cette impression de continuité exprimait son angoisse de perdre la maîtrise de ces objets environnants. Au bout de nombreuses séances groupales et individuelles nous avons développé une forme de communication lors de ses crises d’angoisses afin de pouvoir les prévenir à l’avenir. Lorsqu’il imaginait perdre le contrôle de son corps et donc qu’une angoisse de morcellement venait à se développer, Guillaume se collait à nous. Nous avons rapidement compris la situation : nous le laissions donc se coller à notre corps, nous l’entourions de nos bras et nous le serrions le plus fort possible en lui expliquant que son corps était bien maintenu en un seul bloc et qu’aucun morceau ne risquait de le quitter. Cette technique a permis à Guillaume d’atténuer ses crises d’angoisse et de mieux appréhender son corps et ses sensations.

Guillaume fonctionnait beaucoup sur les sensations : goût, odorat, toucher, ouïe. Ces angoisses de morcellement sont-elles communes à tous les sujets considérés comme autistes ? D’autres enfants développaient des crises du fait qu’ils étaient incapables de maîtriser leur environnement, ces crises ne dépendaient pas forcément de leur relation aux sensations corporelles.