Aide au diagnostic précoce

L’objectif commun de ces travaux est, tout d’abord, d’aider à comprendre l’Autisme Infantile ainsi que son développement, afin de permettre un dépistage le plus tôt possible.

Les études estiment à 19 mois l’âge moyen de la première alerte de la part des parents. Il s’agit de la première inquiétude de la part des parents et non de la première consultation ou du diagnostic.

Notre précédente étude (Samyn, 2001) donnait un âge moyen de 18 mois.

Les signes qui incitent les parents à consulter pour la première fois sont souvent les mêmes. Selon notre étude de 2001 (qui utilisait l’ADI) le retard de langage et la crainte d’une surdité poussaient le plus souvent les parents à consulter une première fois. Ces deux items ont été retrouvés dans d’autres études. C’est souvent à la suite de ce premier rendez-vous que les parents s’interrogent sur les autres attitudes de leur enfant. L’âge de la première consultation est évalué à 24 mois, ce qui prouve que le temps qui s’écoule entre les premières inquiétudes et les premières démarches informatives est relativement long.

Parmi les travaux de l’équipe de Pise, nous avons présenté la recherche de S. Maestro et F. Muratori (1999) sur les modalités d’apparition du déficit dans le courant de la vie. Celle-ci décrivait un déficit continu du premier trimestre à la fin de la première année, et un début régressif pouvant apparaître dans certains cas vers dix-huit mois. En amont, ils notaient des fluctuations relativement nettes pouvant être présentes entre six et dix-huit mois (Bursztejn, 2001).

D’après l’ADI, les premiers signes sont repérés avant un an seulement dans 30 % des cas, et avant deux ans dans 80 % des cas. Notre étude (Samyn, 2001) les évaluait respectivement à 47 % et 90 %.

Malgré toutes les recherches effectuées sur la perception très précoce de symptômes autistiques, ceux-ci restent très difficiles à discerner au sein d’une famille et même pour des spécialistes de la petite enfance, tels que les pédiatres, car ils ne sont pas spécialistes de l’ensemble des pathologies existantes.

De plus, des questions se posent quant à la validité des outils diagnostics existants. Nous l’avons vu au Chapitre II, le CHAT, par exemple, peut s’appliquer à de nombreux enfants mais pas à tous. Enfin, l’ADI, qui est considéré à l’heure actuelle comme l’un des principaux outils nécessaires au diagnostic, continu à être interrogé par les chercheurs quant au choix des items de l’algorithme. Ces derniers sont-ils véritablement les éléments principaux de la l’Autisme Infantile ?

Récemment, Fecteau et al. (2003) se sont intéressés à la validité de l’ADI en fonction de l’âge auquel l’enfant était évalué. L’évolution de l’enfant et de la pathologie est variable selon l’âge de développement de l’enfant. Un diagnostic précoce n’aura pas les mêmes conséquences qu’un diagnostic tardif même s’il concerne la même pathologie.

Leur étude recueillait les résultats obtenus à l’ADI-R sur 28 sujets diagnostiqués Autisme Infantile âgés de 7 à 20 ans. Les auteurs analysaient la présence de symptômes entre 4 et 5 ans, puis leur disparition, leur persistance ou leur apparition à la période du test. Le choix des items, parmi tous ceux de l’ADI-R, s’est fait en fonction de leur pertinence lors du relevé des données. Dix items ont été conservés dans le domaine des comportements sociaux, 10 dans celui de la communication et 7 concernant les activités restreintes. Parmi ces 27 symptômes, 13 étaient présents chez plus de 75 % des patients à l’âge de 5 ans. En ce qui concerne le domaine des comportements sociaux, 8 symptômes sur 10 étaient présents dans plus de 75 % des cas à 5 ans, 4 sur 10 dans le domaine de la communication, et seulement 1 pour les intérêts restreints et comportements stéréotypés. La symptomatologie était la plus souvent observée dans le domaine des comportements sociaux et le moins souvent observée dans celui des comportements répétitifs et intérêts restreints. Les symptômes considérés comme essentiels dans l’algorithme de l’ADI-R n’ont pas été particulièrement prévalents dans leur étude ce qui a suggéré aux auteurs, en premier lieu, qu’il fallait reconsidérer la valeur de ce diagnostic. L’analyse comparative par âge a montré une diminution au fil du temps des troubles dans les trois domaines. Cette diminution était très peu présente dans le domaine des comportements répétitifs et intérêts restreints, alors qu’elle était bien perçue dans les domaines du comportement social et de la communication. Lors de l’analyse détaillée, plusieurs constats ont été établis. Les symptômes les plus rares, tels que les néologismes ou autres maniérismes, indiqueraient selon les auteurs une comorbidité associée l’Autisme Infantile, mais ne seraient pas essentiels dans la manifestation du syndrome (nous reviendrons sur ce constat dans la discussion de nos travaux à partir du lien effectué avec les névroses). Un point important a été la relation entre le stade de développement et la symptomatologie. Les données ont indiqué que certains symptômes n’étaient des signes cliniques utiles qu’à certains âges seulement. Par exemple, l’utilisation du corps de l’autre pour communiquer et l’utilisation répétitive d’objets sont utiles pour diagnostiquer de jeunes enfants, mais le sont beaucoup moins pour diagnostiquer des sujets plus âgés (ces items ont rarement été notés chez les sujets âgés de leur groupe d’étude). A l’inverse, les rituels verbaux ne peuvent qu’être valables chez des enfants plus âgés et ne sont pas du tout pertinents dans le cadre d’un diagnostic précoce. Enfin, les auteurs notent un lien relativement étroit entre l’âge et la valeur des symptômes, ce qui serait à prendre en considération lors des évaluations diagnostiques. D’où la nécessité, comme nous l’avons déjà vu précédemment d’étudier le contexte pathologique présent à chaque niveau d’âge pour bien connaître la formation et l’évolution de la pathologie, mais également pour poser un diagnostic adapté à chaque enfant. Par conséquent, les travaux actuels sur la recherche d’outils adaptés au diagnostic précoce ne doivent pas exclure ceux utilisés pour d’autres périodes de développement, et même chercher à les améliorer.

Dans le cadre de nos travaux, il paraît nécessaire de s’attarder sur ces particularités développementales car elles nous permettront de mieux accéder aux distinctions entre nos deux sous-groupes en ce qui concerne leur impact sur l’évolution de la pathologie.