La névrose narcissique

« Il est universellement connu, et il nous semble aller de soi que celui qui est affligé de douleur organique et de malaise abandonne son intérêt pour les choses du monde extérieur, pour autant qu’elles n’ont pas de rapport avec sa souffrance. Une observation plus précise nous apprend qu’il retire aussi son intérêt libidinal de ses objets d’amour, qu’il cesse d’aimer aussi longtemps qu’il souffre. »
Sigmund FREUD La vie Sexuelle, 1914.

Dans cet extrait, le repli libidinal du narcissique sur sa propre personne ainsi que sa fuite vis-à-vis de son environnement sont décrits par Freud comme une défense contre une douleur organique. Pour Kohut (1971), le narcissisme ne serait pas un retrait libidinal sur le moi mais une relation « self objet » où autrui est une fonction. Toutefois, il qualifie les défenses narcissiques comme étant des défenses de survie et d’expression d’un lien. Ce lien serait un transfert narcissique avec un autre non séparé de soi. Il nomme ce transfert narcissique « self objet ». Kohut distingue les névroses narcissiques, dont le self des sujets est stable, des états-limites et des psychoses composées de personnalités au self fragmenté ou vulnérable.

‘« Les personnalités narcissiques n’ont pas connu les conditions de réceptivité optimales nécessaires au développement harmonieux de leur narcissisme. » (Kohut, 1971)’

Ces deux concepts théoriques, de Freud et de Kohut, présentent le retrait narcissique comme une défense face à une incapacité à affronter de manière adéquate un vécu pouvant avoir un impact traumatique. Les sujets ne posséderaient pas de moyens adéquats pour mettre en œuvre une défense efficace. La distinction effectuée par Kohut entre les névroses narcissiques et les états-limites, puis entre les névroses narcissiques et les psychoses, présente ces dernières sur un continuum pathologique dans un contexte pas totalement distinct. Le trouble narcissique des états-limites et des psychotiques serait plus profond du fait d’un self beaucoup plus perturbé que celui des névrosés.

En reprenant ces différents points de vue, ne pourrions-nous pas supposer la présence d’une défense narcissique chez les sujets au diagnostic d’Autisme Infantile, identique au repli cité par Freud ? Cette défense narcissique serait la réponse aux déficits organiques de ces enfants et serait consécutive à une impossibilité à mettre en place un autre moyen de défense moins pathologique ?

Les autres pathologies névrotiques ne seront pas développées plus en détail. Ce qui nous intéresse ici est la similitude de leurs symptômes et leur mise en œuvre par des mécanismes retrouvés dans l’Autisme Infantile tels que le repli et le besoin d’immuabilité. Ces deux caractéristiques, nous l’avons vu au travers des descriptions de Freud (1912), sont présentes dans l’ensemble des névroses.

Pour résumer, nous reprendrons les propos de Daniel Widlöcher (1998) qui qualifie les symptômes essentiels à chaque névrose de la manière suivante :

‘« L’acte obsessionnel prolonge la pensée magique, l’acte hystérique amplifie la dramatisation gestuelle, l’évitement phobique trouve ses origines dans la fuite. »’

Les autismes ne se construiraient-ils pas par le développement et l’utilisation des ingrédients principaux de chacun de ces registres : le corps, la pensée et l’espace ?