Les états intermédiaires de la langue

Under the Volcano est un roman dont l'hétéroglossie recouvre à la fois une réalité diégétique et un principe d'écriture. Lowry tire ainsi parti de l'immersion linguistique de ses protagonistes dans un pays étranger, des problèmes de communication et/ou de compréhension qu'ils connaissent tous à des degrés divers, en faisant germer le sens au sein même de la confusion langagière et des malentendus. En outre, il permet aux langues étrangères (principalement l'espagnol, et accessoirement le français) d'investir et de contaminer (ou, si l'on préfère, de carnavaliser) l'anglais, langue de la voix narrative, en aménageant dans le récit ce que nous avons appelé, à la suite de Bakhtine, des zones d'influence des personnages qui donnent naissance à de curieux effets de déformation170. En effet, les fautes syntaxiques ou lexicales, et les greffons hybrides, qui sont d'insolites transmutations en anglais d'expressions appartenant à d'autres langues, délimitent le champ d'action des voix étrangères dans le récit et contribuent à faire ressortir l'étrangeté et l'arbitraire de la langue en bafouant la norme idiomatique anglaise.

Notes
170.

D'autres langues telles que le latin, l'italien et l'allemand investissent le récit çà et là, mais ne délimitent à aucun moment une zone d'influence actorielle. Leur présence dans le texte découle de l'intertextualité foisonnante (et multilingue) du roman.