Les effets de miroir dans Under the Volcano

Un autre aspect de l’autotextualité du roman se traduit par des effets de mise en abyme à différents endroits du texte. Dans Le récit spéculaire, Dällenbach définit la mise en abyme comme un « miroir interne réfléchissant l’ensemble du récit par réduplication simple, répétée, ou spécieuse275 ». De façon plus précise, considérant que toute mise en abyme fictionnelle installe une forme d’anachronie dans le déroulement du récit276, Dällenbach en distingue trois espèces :

‘[…] la première, prospective, réfléchit avant terme l’histoire à venir ; la deuxième, rétrospective, réfléchit après coup l’histoire accomplie ; la troisième, rétro-prospective, réfléchit l’histoire en découvrant les événements antérieurs et les événements postérieurs à son point d’ancrage dans le récit. (Dällenbach 77, 83)’

Chacune de ces trois formes de mise en abyme se voit attribuer un terme particulier qui exprime de manière métaphorique la spécificité de chacune d’entre elles : la « boucle programmatique » pour la mise en abyme prospective, la « coda » pour la forme rétrospective et le « pivot » pour la forme rétro-prospective277.

Nous allons à présent essayer de démontrer que le chapitre liminaire de Under the Volcano fonctionne comme une « mise en abyme prospective » puis « rétrospective » de l’ensemble des onze chapitres suivants, mais qu’elle n’en est qu’une forme éclatée ou fragmentée, que le dernier chapitre s’éloigne d’une définition stricte de la mise en abyme pour ne former qu’une reprise autotextuelle, et qu’enfin le chapitre VIII accueille en son sein un micro-récit qui tient lieu de « blason » textuel fonctionnant comme une mise en abyme rétro-prospective du roman278.

Notes
275.

Le récit spéculaire : Essai sur la mise en abyme (Paris : Editions du Seuil, coll. « Poétique », 1977), p. 52. (Toute référence ultérieure à cet ouvrage sera accompagnée de la mention Dällenbach 77).

276.

«  […] toute « histoire dans l’histoire », en tant que réflexive, est nécessairement conduite à contester le déroulement chronologique qu’elle respecte en tant que segment narratif » (Dällenbach 77, p. 82).

277.

Voir Dällenbach 77, pp. 83-94 (ou Dällenbach 76, pp. 287-291).

278.

Dällenbach nous renvoie à l’origine du terme « mise en abyme » en citant le Journal d’André Gide qui introduit une parenté entre le procédé héraldique du blason et le phénomène littéraire qu’il veut décrire :

« J’aime assez qu’en une œuvre d’art [écrit Gide en 1893] on retrouve transposé, à l’échelle des personnages, le sujet même de cette œuvre. Rien ne l’éclaire mieux et n’établit plus sûrement toutes les proportions de l’ensemble. […] [C]e qui dirait mieux ce que j’ai voulu dans mes Cahiers, dans mon Narcisse et dans la Tentative, c’est la comparaison avec ce procédé du blason qui consiste, dans le premier, à en mettre un second « en abyme » » (Journal 1889-1939, Paris : Gallimard, « Pléiade », 1948, p. 41). Cité dans Dällenbach 77, p. 15.