Syllepse consulaire318, hors-temps infernal

Le chapitre X est le lieu textuel d’une combinatoire sémiotique censée représenter, par un effet de fragmentation répétée de la continuité linéaire du texte, le déchaînement infernal de voix et de signes écrits qui envahissent de façon apparemment anarchique la conscience du Consul. La spatialisation du récit semble en effet encore plus marquée lorsque l’espace textuel est investi par les « genres intercalaires » évoqués par Bakhtine dans La Poétique de Dostoïevski319. Dans Under the Volcano, leur effet visuel traduit le caractère hétéroclite des perceptions du Consul et l’enfermement progressif dans un univers phénoménologique hypertrophié dans lequel tout véritable rapport à autrui est exclu.

Le terme de syllepse temporelle aurait pu servir à décrire la confluence de voix initialement dissociées dans l’espace intérieur du Consul au chapitre V. Son utilisation nous paraît toutefois particulièrement justifiée au chapitre X dans la mesure où l’effet de regroupement anachronique est encore plus puissamment orchestré par Lowry grâce à l’hétérogénéité du matériau verbal utilisé.

Notes
318.

Nous empruntons le terme de « syllepse temporelle » à Gérard Genette : « Ayant baptisé analepses et prolepses les anachronies par rétrospection ou anticipation, on pourrait nommer syllepses (fait de prendre ensemble) temporelles ces groupements anachroniques commandés par telle ou telle parenté, spatiale, thématique ou autre » (Figures III, p. 121).

319.

« La ménippée use abondamment de genres dits “intercalaires” : nouvelles, lettres, discours d’orateurs, symposiums, etc. […] Les genres intercalaires renforcent le pluristylisme et la pluritonalité de la ménippée ; on voit apparaître une attitude nouvelle à l’égard du mot en tant que matériau littéraire, conservée ensuite par tout le courant dialogique de la prose littéraire » (Dost., p. 165).