Hambo le prédateur : dévoration et phagocytose du Père

Ushant360, roman autobiographique de Conrad Aiken, est en partie consacré à la relation conflictuelle qu’entretient D., la voix narrative du roman, alias Conrad Aiken, avec Malcolm Lowry-alias Hambo, son élève et disciple. En 1929, Lowry avait envoyé une lettre à Conrad Aiken, pour lui faire part de son admiration et de l’intérêt qu’il portait à son œuvre, en particulier Blue Voyage, paru en 1927, dont le sujet de la traversée de l’Atlantique par le jeune artiste-écrivain, William Demarest, protagoniste du roman, est surtout prétexte à un voyage intérieur et à la découverte de soi. Comme pour donner des gages de son admiration à Conrad Aiken, Lowry avait truffé cette première lettre d’allusions à Blue Voyage, et l’avait envoyée à l’adresse anglaise de l’écrivain à Rye, dans le Sussex361. La seconde lettre de mars 1929 se fait plus pressante : Lowry souhaite qu’Aiken devienne son tuteur pendant les quelques mois qui précèdent son entrée à Cambridge en octobre de la même année. Il fait aussi état de l’inquiétude de son père face à son désir de devenir écrivain, et déclare que celui-ci est prêt à payer une somme non négligeable si Aiken accepte de prendre son fils en pension et d’encadrer en quelque sorte cette vocation naissante tout en le préparant à ses examens362. La lettre envoyée à la même adresse en Angleterre finit par rejoindre Aiken à Cambridge, Massachusetts, où ce dernier vient d’obtenir un poste à la prestigieuse université de Harvard. Aiken accepte cette offre à la fois pour des raisons financières et parce qu’il est intrigué par la personnalité de ce jeune écrivain en herbe. Lowry débarque à Boston en juillet 1929; commence alors une relation amicale et filiale dont le second aspect sera officialisé en quelque sorte l’année suivante lorsque Arthur Lowry, inquiet de voir son fils s’adonner de plus en plus à la boisson à Cambridge, et ne comprenant pas que celui-ci se passionne davantage pour l’écriture que pour les études, demande à Aiken, de retour avec sa nouvelle épouse à Jeake’s House dans le Sussex, de devenir en quelque sorte un père par procuration pour ce dernier, moyennant paiement de sa part363.

Si Aiken accepte de tenir ce rôle jusqu’en 1933, il n’en honorera pas pour autant tous les engagements, car si la relation qu’il entretenait avec Lowry était à certains égards filiale, elle reposait avant tout sur une complicité littéraire et un goût commun très prononcé pour les virées au pub et les soirées bien arrosées364. On retiendra, entre autres épisodes révélateurs de cette amitié aussi intempérante qu’intellectuelle, celui de l’arrivée de Lowry à Cambridge, Massachusetts, immédiatement arrosée et couronnée par l’incident tragi-comique de la blessure au crâne de Conrad Aiken365, et celui, quatre années plus tard à Grenade où, jouant à la fois son rôle de père et de rival, Aiken entreprit de présenter Jan Gabrial à Lowry, dans le but avoué de l’aider à réduire sa consommation d’alcool, et dans un autre, moins avouable, de partager éventuellement les faveurs de la jeune Américaine avec son protégé366.

L’essentiel de cette relation réside toutefois dans la connivence intellectuelle et littéraire qui unissait les deux écrivains. Comme le rappelle Conrad Aiken dans une note rédigée en 1961, soit quatre ans après la mort de son élève, la symbiose entre les deux esprits fut immédiate :

‘The suitcase contained an exercise book (and not much else) in which was as much as he had then written of his first novel, Ultramarine; and it was on this, as I have described at length in Ushant, that we were to work all that wonderful summer. […] The fact is that we were uncannily alike in almost everything, found instantly that we spoke the same language, were astonishingly en rapport; and it was therefore the most natural thing in the world that a year later, when difficulties arose between him and his father, I was able to act as mediator […], and, as a result of this, for the next three years, in loco parentis. I became his father367.’

Réévaluation post-mortem et, de ce fait, nostalgique, de la relation entre le père spirituel et son fils adoptif ? Quoi qu’il en soit, si Aiken avait à cœur de jouer son rôle de Père en littérature en prodiguant des encouragements à Lowry, on peut constater que, sur ce plan-là, du moins, le contrat fut parfaitement rempli. Trop bien, peut-être, lorsque l’on s’aperçoit que, du côté du disciple, l’amour filial, exprimé par un besoin d’identification au modèle, évolua peu à peu, comme nous allons le voir, vers un désir de surpasser le père en le « cannibalisant».

Dans son introduction à Under the Volcano, Stephen Spender émet l’hypothèse que le transfert que Lowry fit sur la personne d’Aiken, suivi du besoin d’attenter à son intégrité littéraire, aurait pu se produire avec d’autres figures littéraires en d’autres circonstances368. Il nous laisse ainsi entrevoir chez Lowry un mécanisme psychique qui aurait pu l’amener à voir en chaque modèle littéraire un Père en écriture auquel il ne lui aurait pas suffi de s’identifier, mais qu’il aurait aussi dû « détruire », notamment en absorbant sa voix. Schéma œdipien séduisant, mais somme toute banal, auquel il convient toutefois d’ajouter, en l’occurrence, l’attitude singulièrement consentante de Conrad Aiken face aux attaques du fils rival. Dans la même note adressée à Canadian Literature, celui-ci montre en effet très clairement qu’il était partie prenante dans l’identification de l’élève au maître, et qu’il encourageait en quelque sorte ce processus :

‘Blue Voyage he knew better than I did—he knew it by heart. Its influence on him was profound and permanent, and was evident even in that first title—he was delighted with my suggestion that he might well have taken the next step and called the book Purple Passage. But though the influence was to continue even into the later work, a matter that was frequently and amusedly discussed between us, and was also to comprise a great deal by me in conversation, it was much more complicated than that. (Aiken 61, 101-102)369

Comme il a été montré plus haut, le désir de tuer le Père avait déjà trouvé un premier exutoire dans la relation amoureuse par procuration qu’Aiken avait fait naître en confiant à son protégé le soin de courtiser Jan Gabrial, et en se contentant lui-même du plaisir des yeux370. Ceci n’était toutefois qu’une première étape dans la destruction de la figure paternelle371, et l’identification au Père en littérature allait aboutir en 1937 (lors du séjour d’Aiken à Cuernavaca) à la « mise à mort » de ce dernier  dans la logique implacable de cette relation sado-masochiste fantasmée à deux :

‘“…But you—I shall wholly absorb you. I am absorbing you; now. And it’s your own wish, moreover—you said so. Am I not your son, in whom you are destined to be well pleased? All modern improvements, too. What possible escape is there for you from the logical and temporal sequence, as members of a series, by which it is your fate simply to become a better ‘you’ in me--? I shall become a better ‘you,’ and you will be dead.”’ ‘“How wonderfully tempting it is. Wonderfully tempting. You are very plausible, Hambo. Or is it I who make it plausible? Yes, I began by imagining, which is to say, willing, the thing, and now it gigantically looms for us. Could I backtrack now? […]”’ ‘“Too late now. Your virtue has already passed over. You’ve been bled too badly, you no longer feel too surely just where your boundaries are. You admitted so much. Remember? Night before last. When I fell in the Bilbo Canal, and you played gentle Jesus to my dirty Judas. […] I was drunk, but not too drunk to know what was happening. I had gotten possession of your mind, your soul, your power—listen to me, it’s your own voice now speaking—so how can you resume? You no longer know your own boundaries. You are a nation invaded. And as I’m younger, and as I’m stronger, in appetite, in will, in recklessness, in sense of direction, it will be no use your trying to compete with me, you will only appear to be echoing me, imitating me, parodying me—you will no longer have a personality of your own.”’ ‘“ If I ever had one. Here’s to betrayal and death.”’ ‘“Betrayal and death.” (Ushant, 355-356)’

Dans cette scène paroxystique du psychodrame filial, Aiken nous présente son fils spirituel en proie à une jouissance perverse nourrie par un fantasme de dévoration de la figure paternelle. Gardons toutefois à l’esprit qu’Aiken n’est pas un observateur neutre de cette volonté de puissance qui s’affiche avec désinvolture; il en est le narrateur, dont la fiabilité n’est sans doute pas totale puisqu’il est l’autre acteur de cette lutte verbale.

On trouve ici rassemblés les principaux ingrédients de la phagocytose du Père littéraire fantasmée par Lowry. En vrai disciple de D., Hambo a recours à la métaphore de l’encerclement sériel de Dunne que son maître lui a transmise, afin que le coup porté soit imparable.  Ainsi, dans cette logique sérielle que Hambo-Lowry applique aux écrivains, il s’inscrit lui-même dans une chronologie qui lui permet d’encercler ou, ce qui revient au même, d’engloutir Aiken, dont il devient la version bonifiée « englobante ». La perversion du fils dévorant va jusqu’à s’attribuer la voix du maître dans un processus de phagocytose vocale ou, plus exactement de ventriloquisme inversé et perverti, dans la mesure où la voix originale (et originelle), celle de D., est dessaisie de son identité, comme si dans l’esprit de Hambo-Lowry, le clone vocal qu’il est devenu se substituait à l’original en réécrivant l’histoire d’une voix. Ce faisant, Hambo-Lowry se constitue en Père-géniteur et rabaisse D. (ou Aiken), le véritable Père littéraire, au rang d’écho. Il réduit D. à une copie de sa propre voix, et toute velléité de rébellion de la voix phagocytée n’aboutirait, dans cette perspective, qu’à une dévalorisation accrue de cette dernière, sous la forme humiliante de l’imitation ou de la parodie. Cette phagocytose de la voix du Père, présentée comme un acte de guerre (on notera au passage la métaphore de l’invasion d’un pays), se présente donc en deux étapes : à l’envahissement succède la dépossession vocale. Hambo-Lowry trahit le Père en le déréalisant. Le processus d’assimilation de la voix du Père implique en effet un effacement de sa frontière constitutive, une perte des repères et une inversion des rôles dans la distribution vocale. La mise à bas de la puissance paternelle est ainsi consommée.

Cette dépossession du père spirituel dans ce qu’il a de plus précieux — sa voix — est, comme cela a déjà été dit, une mise en scène purement fantasmée, dont les modalités ne semblent pas déplaire foncièrement à la victime (« How wonderfully tempting it is »). En revanche, lorsque le fantasme d’appropriation se réalise, la réaction du Père est nettement moins enthousiaste. Aiken reconnaît toutefois avoir encouragé cette propension au vol d’idées et avoir pris part de manière active à ce qu’il compare à une « conjuration de fous »372. Aussi est-il prêt à excuser jusqu’à un certain point son disciple, et à relativiser l’importance du délit, dans la mesure où, lors d’une conversation, les frontières de la propriété verbale sont généralement perméables et instables.

Si Aiken ironise sur la manière dont Lowry identifie la matière brute verbale pour la récupérer et l’insérer dans sa prose, il n’en demeure pas moins fasciné par cette habileté peu commune à capter et à digérer le mot d’autrui. Il nous en fournit une parfaite illustration en relatant l’épisode comique du chat qui aurait pris Aiken pour un oiseau perché sur un arbre :

‘[…] “He thinks I’m a bird in a tree”—so D. had observed of the little cat, at his feet in the garden, who, hearing D.’s low whistle, had looked up at him with startled inquiry; and Hambo, chuckling at the empathy, and empathizing with it himself (at one remove), could already be seen in the very act of entering that note, that bird-note, amongst the pile of other notes, in that creative nest of his on the verandah, where the new book was taking shape. (Ushant, 357)’

La scène que décrit Conrad Aiken se situe toujours en juin 1937, à Cuernavaca, et le nouveau livre auquel il fait allusion correspond à la toute première version du « Volcan » dont le manuscrit fut perdu lorsque Lowry quitta le Mexique en juillet 1938373. Aiken présente à nouveau en termes sériels le phénomène d’empathie qui, de manière assez cocasse, transite d’un observateur à l’autre pour donner naissance à une version quelque peu remaniée de cette scène au chapitre V de Under the Volcano, où le Consul affronte le regard et les propos hostiles de Quincey, son voisin :

‘“My little Xicotancatl.” The Consul stood up. He gave two short whistles while below him the cat’s ears twirled. “She thinks I’m a tree with a bird in it,” he added.’ ‘“I wouldn’t wonder,” retorted Mr. Quincey, who was refilling his watering can at the hydrant. (UTV, 134-135)’

La plaisanterie de Conrad Aiken a donc fait son chemin jusque dans la version publiée du « Volcan ». Apparemment, si l’on en juge par la lettre datée du 9 avril 1940374 adressée à son ami Aiken, Lowry n’avait déjà plus depuis quelque temps le sentiment de plagier son maître en écriture, puisque ses emprunts se limitaient à de simples propos tenus par ce dernier, et non à des mots fixés et, de ce fait, sacralisés par l’écriture :

‘I am on the last chapter of Volcano—a strange book and I think it makes an odd but splendid din. It is the first book of mine that is not in one way or another parasitic on your work. (This time it is parasitic however on some of your wisecracks in Mexico, & upon your political opinions! Poor Malc.) (CL1, 309/ Aiken-Lowry, 126)’

La façon dont Lowry hiérarchise l’importance de ses emprunts ne convainquit peut-être pas son père littéraire. (Lowry, du reste, crut bon de devancer les objections d’Aiken, dans la suite de sa lettre, en le présentant comme Doppelgänger ou double de lui-même, d’où, selon lui, une inévitable ressemblance dans la thématique de leurs œuvres respectives375). En revanche, elle lui permet de revendiquer le droit de piller le stock de bons mots produits par Aiken, l’échange verbal autorisant à ses yeux une plus grande liberté d’emprunt.

On retrouve ainsi dans le chapitre X de Under the Volcano, le recyclage de conversations politiques animées que Lowry avait eues avec son mentor376. Les idées conservatrices d’Aiken deviennent celles du Consul et permettent à Lowry de développer le thème central de la non-intervention que le Consul préconise tant sur le plan politique que sur celui de sa vie privée. Celles de Lowry, plus idéalistes, voire révolutionnaires aux yeux de son mentor, trouvent leur porte-parole en Hugh, le demi-frère du Consul, lequel est perçu comme un « professionnel du marxisme de salon » par Laruelle lors de leur première rencontre377. L’expression « professional indoor Marxman » est une fois de plus prélevée chez Aiken, cette fois-ci sous forme écrite, dans une lettre datée du 15 décembre 1939, où ce dernier déplorait que Lowry fût influencé par une nouvelle génération de poètes et écrivains anglais tels que  W. H. Auden ou Stephen Spender, plus ou moins durablement séduits par l’idéologie marxiste378.

Ces emprunts, et quelques autres dont il serait trop fastidieux de dresser ici la liste, pouvaient encore être facilement pardonnés à Lowry par son mentor. En revanche, celui-ci aura beaucoup plus de mal à accepter d’être devancé par son protégé dans l’exploitation du mythe de William Blackstone, figure emblématique de l’individualiste américain fuyant l’esprit communautaire oppressant de ses compatriotes puritains379, avec laquelle Lowry s’était familiarisé, par son entremise, dès 1929. Aiken souhaitait en faire une pièce maîtresse de son œuvre380, en écrivant une version d’un mythe fondateur américain à partir de la figure paradigmatique de William Blackstone, précurseur d’une lignée d’individualistes parmi lesquels figureraient Thoreau, Emerson, ou encore Emily Dickinson, Melville et Hawthorne  :

‘[…] And couldn’t one—D. had suggested—use him as a symbol, take him as the spiritual key, or center, of a book on American individualism? Wasn’t he the complete and unmistakable forerunner? Yes, this was the thing itself, the American character in excelsis, the pure archetype from which all the rest would logically descend. (Ushant, 290)’

On comprend, au vu de la nature ambitieuse de son projet, qu’Aiken ait pu être décontenancé par la rapidité avec laquelle Lowry s’empara du mythe. L’attitude du mentor face à son élève reste néanmoins très ambivalente, dans la mesure où il pressentait qu’une identification d’ordre mystique était en train de se produire chez son élève :

‘But the Blackstone theme; which had so fascinated Hambo, and with which Hambo had so early begun to build for himself a mystic identification—for wasn’t he destined himself to be another rolling Blackstone, and from Cambridge, Eng., too?—moving to his own southwest and northwest mystical frontiers, his own barrancas and estuaries of good and evil—?— the Blackstone theme, wasn’t this perhaps uniquely suited to the house at Saltinge? (Ushant, 291)’

L’extrait ci-dessus nous permet d’entrevoir en réalité une double identification et de lire en filigrane la contrariété d’Aiken. D’une part, Lowry s’identifie à Blackstone pour les raisons énoncées par Aiken : à sa manière, il va revivre au Mexique l’histoire de l’homme parti vivre parmi les Indiens381, et va faire du personnage un référent paradigmatique dont le Consul se réclamera pour justifier sa quête de la solitude et la profonde aversion que lui inspirent tous ceux qui, par leur ingérence, ne respectent pas ce choix de vie. D’autre part, Aiken suggère une autre forme d’identification à laquelle il sacrifie lui-même lorsqu’il reconnaît que Jeake’s House, sa maison de Rye (ou Saltinge dans Ushant), conviendrait parfaitement comme lieu de re-création, ou plus exactement de contemplation, du mythe Blackstone dans son intemporalité382. En 1952, date de publication de Ushant, l’absorption du mythe par Lowry est depuis longtemps réalisée, et Aiken se souvient, avec un mélange de fascination pour son génie et de jalousie face à son énergie créatrice, que l’entreprise de captation du mythe allait bon train dès leurs retrouvailles à Cuernavaca en 1937 :

‘[…] in the shadow of the volcano, and the sound of Nita’s clicking heels […]—there, this Doppelgänger of William Blackstone, and of D. as well, was engaged in simultaneously forging his own apocalyptic vision, everywhere veined with those mystic correspondences of his, and the intricate resonances and cadences of language with which, one day, he would make it voluble. And it was wholly typical, too, that already in those tentative pages, the disordered heaps of scrawled scraps and reminders, he had incorporated William Blackstone, made him his own, taking him in his spiritual voyage even as far as that barranca ---while D., so many years after, was to carry his own poor notes, and the half-formulated original concept, once again by ship to Saltinge. (Ushant, 297)’

Adaptabilité et capacité d’expansion du génie lowryen, telles sont, dans l’extrait cité ci-dessus, les qualités que son mentor met en balance avec le caractère laborieux de son propre projet littéraire. Si nous concevons aisément le dépit, voire la rancœur, que Conrad Aiken dut éprouver face à de telles dispositions, force nous est de rappeler, cependant, que si Lowry fut l’annonciateur parfois arrogant ou cynique de cette phagocytose, Aiken en fut très largement l’instigateur. Certaines pages de son autobiographie montrent à l’évidence que les théories sérielles empruntées à Dunne, adaptées au contexte de la filiation littéraire, contribuèrent sans doute à susciter chez lui, puis chez son disciple, l’idée d’une nécessaire transmission et, partant, d’une dépossession du savoir en vertu de son appartenance à une lignée (ou une série) d’esprits semblables, dont le rang chronologique déterminerait la puissance croissante d’incorporation ou d’absorption. A cette vision sérielle des choses qu’affectionnait Aiken venait s’ajouter, de manière importante, une lecture des idées que Freud, inspiré par les théories biologiques de l’époque, exposait dans « Au-delà du principe du plaisir »383. A l’instar des cellules germinales présentées par Freud comme dépositaires à la fois des propriétés héréditaires de l’organisme et de celles nouvellement acquises au contact d’autres cellules, le paradigme littéraire que représente Blackstone dans l’esprit d’Aiken, doit sa vitalité non seulement à l’histoire réelle du personnage, mais aussi aux nouvelles potentialités symboliques que lui conféreront tour à tour de nouveaux utilisateurs. Pour Freud, « ce qui […] paraît particulièrement significatif, c’est que, pour s’acquitter de sa mission, la cellule germinale doit, sinon se fondre avec une autre, qui à la fois en diffère et lui ressemble, tout au moins être renforcée par elle ou recevoir d’elle l’impulsion nécessaire » (« Au-delà du principe du plaisir », 51). De manière semblable, Aiken voit dans l’appropriation du mythe Blackstone par Lowry, une étape en quelque sorte décrétée d’avance pour sa survie ou sa consolidation : Lowry, esprit jeune et robuste, non seulement peut, mais doit, absorber le Père littéraire en s’appropriant le mythe, et Aiken lui-même ne se voit plus, dès lors, comme le propriétaire du mythe, mais comme un passeur d’idées (« the mere transmitter ») dans ce qu’il appelle le « courant créateur » :

‘And, from this point of view, what more natural than that Hambo had at once, and without so much as a by-your-leave, taken over the Blackstone idea as his own. It was, if regarded in the proper light, complete poetic justice, and preordained; D. could have been, so to speak, ‘invented’ in order that he might re-invent, or discover, Blackstone, and thus release him, like a catalyst, once more into the creative stream; but wasn’t it also true that he, Hambo, was precisely this creative stream, ready and waiting, and himself thus ‘invented,’ into which D., the mere transmitter, must hand on an idea which was not his in fee simple, but merely on loan ? (Ushant, 294)’

Comme l’a fort justement résumé un critique, Aiken étoffe le schéma œdipien traditionnel avec ces conjectures biologiques. Il parvient ainsi à retrouver sa place dans la chaîne créative, en substituant précisément à la notion de propriétaire celle de passeur d’idées384.

Les conclusions à tirer de l’étude de cette phagocytose littéraire mise en scène par les deux acteurs sont multiples. D’une part, il apparaît clairement que la victime oscille entre la complaisance totale (en sa capacité d’instigatrice du processus) et la réprobation vengeresse. En réponse à la phagocytose annoncée en 1937 par Lowry, qui la décrivait comme une attaque de l’étoile de mer contre l’huître385, Aiken se proposait de jouer à son tour à l’étoile de mer, et il semblerait que Ushant ait été la riposte la plus efficace. Comme le rappelle Cynthia Sugars, cette vengeance eut aussi valeur de catharsis pour l’auteur blessé :

‘Although [Aiken] made no mention of his feelings to Lowry, he undertook “ a starfish turn of his own”[Ushant, 356, 361] with his “haughtybiography” Ushant. Aiken told his son John that the writing of Ushant constituted not only a “terrific catharsis,” but that it was also “an act of revenge” (Conrad Aiken Remembered, 35).This time it was he who incorporated Lowry’s words into a work of fiction. (Aiken- Lowry, xxx- xxxi)386

Pour Lowry, elle eut davantage l’effet d’une déculottée387, même s’il prit soin de rassurer son ami qu’il ne se sentait nullement blessé :

‘[…] But I’m not writing an appraisal of Ushant here so much –there are tremendous things almost wherever you open it—as a note to set your mind at rest about Hammbo [sic], in case you were worrying, lest I be hurt. H’m. Our sweating self, but considerably better. And considerably more intelligent. Still:’ ‘What a fearful account he will have to give ’ ‘of himself at the judgment day!’ ‘OW, HOW IT HURTS! ’ ‘the reference being to the sinister inscription upon the glass case containing a bepoxed Liverpudlian waxwork in the old Museum of Anatomy in Paradise outside which it also said: Man know thyself! (Aiken-Lowry, 229 / CL2, 596-597)’

Dénégation on ne peut plus éloquente de la part de Lowry, puisqu’il ne parvient pas, en dépit du ton mi-sérieux mi-comique adopté, à dissimuler sa conscience de la faute, ni l’angoisse qu’elle génère en lui et qu’il compare, dans un scénario de Jugement Dernier où il lui faudrait rendre compte de ses larcins, à la peur occasionnée par sa visite du musée de la syphilis à Liverpool à l’âge de cinq ans, en compagnie de Stuart, son frère aîné388. Il convient de préciser que son mentor, avec une ironie quelque peu perfide, avait enfoncé le clou en dédicaçant l’exemplaire qui lui était destiné à son très cher « Malc-Hambo-Blackstone. »389

Cette étude des rapports complexes qu’entretenait Lowry avec Aiken nous permet, d’autre part, non pas de disculper entièrement Lowry (la colère du Père vengeur attestant suffisamment les torts causés par l’instinct de prédation du Fils), mais de relativiser sa « faute », en raison même de l’ambiguïté des rôle tenus : Aiken, s’il est le rival dépossédé de sa matière brute littéraire, est également le passeur d’idées complaisant, tout comme Lowry est à la fois le prédateur arrogant, prêt à commettre un parricide symbolique, et l’écrivain pénitent, dont la propension à l’auto-dénigrement est loin d’être feinte. A la lueur des théories biologiques et sérielles que Conrad Aiken applique au contexte artistique, et plus particulièrement littéraire, il apparaît que le moi de l’écrivain n’est pas pour lui, ni de ce fait pour son disciple, une forteresse inexpugnable390, et que le génie littéraire réside dans une transmission-dépossession continue qui transcende l’artiste en tant qu’individu. Lowry a, semble-t-il, très bien retenu la leçon, et dans une lettre de 1951 adressée à David Markson, où le phénomène d’identification à Nordahl Grieg (appelé « X ») est étudié sous tous ses aspects, il reprend à son compte l’idée du génie littéraire expropriateur qui, telle une force de vie irrépressible, transite d’un artiste à l’autre :

‘[…] it is certainly a force & as a force it obliges you to use it, obliges you to make an act of transcending. […] Aiken once told me that he considered it primarily an operation of genius. Genius knows what it wants & goes after it. He told me […] that he was once drawn to [T.S.] Eliot’s work in the same way. Eliot himself—who owes a great deal to Aiken himself that has not been acknowledged—has called this identification ‘one of the most important experiences (for a writer) of adolescence.’ I’d like to know when adolescence stops at that rate. […] However that may be, it is a force of life. But also it is an operation of the soul. (SL, 264-265 / CL2, 429)’

Conforté dans son processus identificatoire à des modèles littéraires par l’approbation tacite de son maître à penser et les théories qu’il lui a transmises, Lowry va donc développer une poétique fondée sur l’imprégnation dialogique, au risque de se voir parfois suspecté de plagiat ou de compromettre sa complicité avec Aiken en allant trop loin, ou surtout trop vite, dans son entreprise de captation littéraire. Ce dernier éprouva d’ailleurs le besoin de réitérer sa paternité littéraire dans une lettre parue dans le Times Literary Supplement après la mort de Lowry391, mais leurs ultimes retrouvailles à New York en 1954, après dix-sept années passées à correspondre sans se voir, furent chargées d’émotion, et le « Good night, disgrace », lancé en riant par Aiken lors de l’ultime adieu, est à l’évidence aussi un cri où se mêlent la tristesse et la consternation face au comportement inepte de son ex-protégé, plutôt qu’une marque d’indignation ravivée par le souvenir de ses actes prédateurs392.

Lowry s’exposa aux critiques d’autres personnalités, mais son principal ennemi, comme nous allons le voir, fut sa propre angoisse de l’influence, et sa conscience d’une faute, réelle ou fantasmée, face à laquelle des mécanismes de défense furent mis en place pour tenter de se dédouaner et justifier l’émergence légitime de sa propre voix.

Notes
360.

An Essay by Conrad Aiken, (1952 ; Cleveland & New York : The World Publishing Company (Meridian Books), 1962). (Toute référence ultérieure sera faite à cette édition de l’ouvrage, accompagnée de la mention Ushant).

361.

Lowry termine notamment sa lettre en empruntant à Conrad Aiken les onomatopées qu’il a utilisées dans son roman pour imiter le bruit lancinant provenant de la salle des machines d’un bateau : « But perhaps this letter has infuriated you so much that you have not read thus far. tethrum te-thrum; te-thrum te-thrum; Malcolm Lowry » ( SL, p. 4/ CL1, p. 60).

Dans sa deuxième lettre du 12 mars 1929, c’est la restitution du bruit des mouettes que Lowry empruntera à Aiken pour clore sa lettre : « Klioklio, C.M. Lowry » (SL, p.7/ CL1, p. 64).

Les deux lettres figurent également dans l’ouvrage qui regroupe la correspondance des deux écrivains : The Letters of Conrad Aiken and Malcolm Lowry, 1929-1954, Edited and introduced by Cynthia C. Sugars (Toronto : ECW Press, 1992), respectivement pp. 6-7 et pp. 8-11. (Toute référence ultérieure à cet ouvrage sera faite accompagnée de la mention Aiken-Lowry).

362.

« I suppose there are few things you would hate more than to be invested with any academic authority. Well, this I shall say. Next October I am going to Cambridge for three or four years to try and get an English Tripos and a degree. Until October I am more or less of a freelance and a perpetual source of anxiety to a bewildered parent. The bewildered parent in question would be willing to pay you 5 or 6 guineas a week (I should say six personally, but tacitly) if you would tolerate me for any period you like to name between now and then as a member of your household » (SL, p. 5/ CL1, p. 62/ Aiken-Lowry, p. 9).

363.

Voir le résumé que fait Douglas Day de la rencontre entre les deux hommes. Lowry-père, alarmé par une lettre qu’il juge obscène, trouvée dans la chambre de son fils, s’en remet à Aiken, lequel parvient de façon aussi cocasse qu’habile à calmer les angoisses puritaines du père : « Aiken suggested to the elder Lowry that there had been several quite respectable men in English literary history, and that obscene letters were perfectly normal in the life of a young male. Mr. Lowry was so impressed with Aiken’s own apparent probity that he offered to pay Aiken a salary to serve in loco parentis to Malcolm, to portion out his son’s allowance, and generally to watch over him. Aiken was happy to do this: he was genuinely fond of Malcolm; and he needed the money» (Day, p. 120).

364.

« [Lowry] was, after all, the ideal child-substitute for such a man as Aiken, sharing with his mentor a love of words, booze, and literature, and, above all, a yearning to write » (Aiken-Lowry, p. xxiii).

365.

« …the summer of Hambo’s first arrival in Cambridge, Mass., with broken suitcase and dirty socks and taropatch, […] the celebration for that casual arrival, and the all-but-fatal wrestling-match (for the possession of the porcelain lid of the w.c.) between Hambo and D.; from which D., although triumphant, had emerged with a concussion, and a permanent scar—in the shape of a cross—on his brow» (Ushant, pp. 294-295).

366.

A la fin de son autobiographie, Conrad Aiken restitue une conversation qu’il avait eue avec Malcolm-Hambo au sujet de Nita—alias Jan Gabrial—à Cuernavaca en 1937. Voici tout d’abord ce qu’il fait dire à Hambo : « You as much as admitted that now it was my turn—my turn to kill you. First, by taking Nita. Yes. For of course we both knew that both of us were powerfully drawn to that open wound—you first, but with your own obligation to Lorelei Two [Aiken’s second wife], and therefore guiltily offering her up to me, but in effect proposing to share her » (Ushant, p. 352).

D.—alias Aiken—confirme ensuite les propos de Hambo : « But to hand her on to you, I could thus keep her—at least at one remove, and with your imagination to magnify it for me. Very simple. And twofold in function, too. For this might stop your drinking. Pull you together. Take you out of the endless chain of aguardientes, the daily round of cantinas, and the ultimate slobber of drunkenness in which you daily threatened to kill me. It was a good scheme, Hambo.» (Ushant, p. 353).

367.

« Malcolm Lowry: A Note », paru initialement en 1961 dans Canadian Literature 8. Réimprimé dans Malcolm Lowry : The Man And His Work, ed. George Woodcock (Vancouver : University of British Columbia Press, 1971), pp.101-102. (Toute référence ultérieure à ce texte sera accompagnée de la mention Aiken 61).

368.

« Soon after he had met Aiken, he, by what I suppose to be an inevitable procedure, became for Lowry his “father.” Inevitably also, Lowry insisted that the son had to destroy the father. One suspects that, if Joseph Conrad or Herman Melville had been alive, Lowry would have projected the same kind of transference on either or both of them followed by the same revolt» (UTV, p. XXIII).

369.

Dans ce roman autobiographique à clés qu’est Ushant, Purple Passage est la transposition du véritable titre du roman de Conrad Aiken, Blue Voyage, tout comme Aquamarine (mentionné ailleurs dans le texte) est celle d’Ultramarine.

370.

« …as foul a sort of voyeur’s incest as any second–rate god could imagine », dit Hambo à D. (Ushant, p. 352).

371.

« And this, as you [Hambo] say, was the first murder, my first death at your hands, the first blood-transfusion by which you began, shall we say, to stand upright and achieve stature? » (Ushant, p. 353)

372.

Notre traduction. « Yes, it had been an astonishing conspiracy, in its way a conspiracy in lunacy, full of its own intentional ambiguities and low cunnings: an agon, to be played again and again between them, all the way from that first idyllic summer in Cambridge to Saltinge* and Granada and Mexico: and now reaching its logical end in this delicious absurdity. […] And after all, in that so-long-elaborated symbiosis, who was to say just what was whose, and just which properties or invention, belonged to either? » (Ushant, pp. 356-57, italiques ajoutés) (* Saltinge est la transposition de Rye dans le Sussex).

373.

Voir Day, p. 219.

374.

Date intermédiaire, puisque ultérieure de trois ans environ aux retrouvailles mexicaines, mais précédant de sept ans la publication de Under the Volcano, lequel sera tout d’abord refusé par quatre maisons d’éditions différentes à la fin de l’année 1940, puis donnera lieu aux remaniements et améliorations que l’on sait.

375.

«…I just wished to […] ask you sincerely to regard any apparent similarities or NUANCES with the fatherly twinkle, and for the rest, with a detached psychological amusement. I could hardly write this letter were it not all right with me. Also for the rest, damn it, there are some similarities I can’t help. The conflicts of divorce, conflicts of soul torn between England and America, the setting of Mexico itself, all these things are mine too; my anguishes and such, while again, my ancient doppelganger [sic], I am deep down in my psyche—if you will not be offended at my saying so—damned like you » (CL1, p. 310/ Aiken-Lowry, p. 127).

376.

« Extraordinary, those midnight conversations had been, and sometimes angry. Hambo had drifted pretty far, politically, towards something like communism: he had been through something like a social conversion, and clearly felt a need for some sort of fraternal joining and belonging: and D.’s and Lorelei’s [Aiken’s wife] more abstract political views were not calculated to make him happy » (Ushant, p. 351).

Un peu plus loin, Aiken explique sa position au sujet des révolutions; elle rappelle singulièrement les propos tenus par le Consul au chapitre X (cf. UTV, pp.310-313) :

« Revolutions were a waste both of time and human material; —you lost a hundred or more years only to find yourself just where you’d begun. A revolution was an attempt to freeze society on a particular level, and this was itself stultifying, no matter what that level might be » (Ushant, p. 351).

377.

C’est nous qui traduisons. « In half an hour [Laruelle had] dismissed him as an irresponsible bore, a professional indoor Marxman, vain and self-conscious really, but affecting a romantic extroverted air. » (UTV, p. 8, italiques ajoutés)

378.

« Here again I think the influence of the Complex Boys, these adolesc[e]nt audens spenders with all their pretty little dexterities, their negative safety, their indoor marxmanship, has been not too good for you…» (Aiken-Lowry, pp. 71-72, italiques ajoutés)

L’expression est aussi reprise telle quelle dans un poème écrit par Lowry en 1939, “ Where Did That One Go To, ‘Erbert ?” Cf. The Collected Poetry of Malcolm Lowry, ed. Kathleen Scherf (Vancouver: U.B.C. Press, 1992), pp. 223-224.

379.

« William Blackstone (1595-1675), an English clergyman and graduate of Cambridge University, came to America in the 1620s and settled in Massachusetts. He tried living near the Puritan colony at Boston, but found their rules uncongenial; setting out for the wilderness to preserve his freedom, he became the first white settler on Rhode Island. Blackstone is the hero of Aiken’s poem [“The Kid”, 1947] which is dedicated to Lowry » (CL2, note 3, p. 120).

380.

Ackerley & Clipper rappellent que Conrad Aiken avait déjà publié un essai sur ce personnage en 1937 : « Blackstone was Conrad Aiken’s literary discovery and was used by him in a 1937 essay,  “Literature and Massachusetts,” as the figure of the man who wished to be alone » (Companion, note 56.1, p. 85).

381.

C’est ainsi que le Consul évoque ce personnage lors de ses retrouvailles avec Yvonne, au chapitre II du roman : « “The man who went to live among the Indians. You know who he was, of course ?” » (UTV, p. 51)

382.

« From that magic window, one could gaze straight across the Channel to Ushant, one’s spiritual balcony, and from there, by a secondary plunge of vision, look into the opalescent heart of the west –where at this very instant, William Blackstone, the prototypical “kid” of American slang, was still in the act of disembarking from this little English schooner on the marshy banks of the Wessagussett River » (Ushant, p. 291).

383.

Essais de Psychanalyse, traduits par le Dr. S. Jankélévitch ; nouvelle édition du Dr A. Hesnard (Paris : Petite Bibliothèque Payot, 1966).

384.

C’est la thèse développée par Joseph C. Voelker dans son article, « “A Collideorscape!”: Sigmund Freud, Malcolm Lowry and the Aesthetics of Conrad Aiken’s A Heart for the Gods of Mexico », The Southern Quarterly (A Journal of the Arts in the South), vol. XXI, n° 1, (automne 1982), pp. 66-67 : « …[Aiken] stirred Blackstone into the stew of his relationship with his symbolic son, Malcolm Lowry. […] The “proper light” in which to regard this relationship is the light of biological metaphor, suprapersonal in its patterning. A symbol in fiction, like the reproductive cells in the body, cannot be subject to ownership, but reduces the individual organism or artist to a “mere transmitter.” In his account of Lowry’s assimilative raid on his own psyche, Aiken combines Œdipal patterns with biological speculation in a mixture that directly reflects Beyond the Pleasure Principle.».

385.

« “…I shall at last, slowly and lasciviously, play conscious starfish, shall I say, to your unconscious oyster—” » (Ushant, p. 355)

386.

Joseph C. Voelker montre d’ailleurs qu’Aiken aurait emprunté des idées de Lowry bien avant la parution de Ushant : « In[ A Heart for the Gods of Mexico], Aiken does attempt some specific raids on material that he saw in the first draft of Under the Volcano in Cuernavaca in 1937. At least, there is a doctor in Heart who surreptitiously cures venereal disease, although whether he is a borrowing from Lowry’s Dr. Vigil or stems from a common source I cannot say. Likewise, Heart mentions an “English Consul” as Hambo’s neighbor. Finally, the hallucinatory use of signs and shop windows in Heart (the town sign “Encantada,” the funeral parlor entitled “Quo Vadis”) are clearly Lowrian » ( Voelker, note 16, p. 81).

387.

« Ushant is a knock-out—ow, how it hurts! A great book, in many ways, technically, a marvel, in plain words a masterwork. […]I’ve tended to read it a bit in the manner of the wind turning the pages of the book in the garden, save that the wind, for all the skirts it has blown up, is perhaps not reading the book like me with the object of finding its own pants taken down on the next page » (Aiken-Lowry, p. 228 / CL2, p. 596, italiques ajoutés).

388.

Voir Day, p. 67. Dans Ultramarine, Lowry transpose cette expérience traumatisante de son enfance et fait visiter à Dana Hilliot et ses amis le musée de l’anatomie à Yokohama, très semblable au vrai musée de Liverpool. Voir les pages 103-104 de l’édition Penguin Modern Classics, (Harmondsworth, Middlesex : Penguin Books, 1974, réimpression, 1987).

389.

Voir Aiken-Lowry, note 2, p. 228.

390.

Joseph C.  Voelker résume fort bien ce phénomène en parlant de « [Aiken’s] fascination with the invadability of the artistic ego » (Voelker, p. 79).

391.

Editorial letter. London Times Literary Supplement (16 février 1967), p. 127.

392.

Voir Day, pp.7-8.